Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2019 par lequel le maire de Sari-Solenzara a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison sur la parcelle cadastrée section B n° 1135, route territoriale 10 lieudit Chirghinu, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n°2000077 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2021, M. C..., représenté par Me Susini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à la commune de Sari-Solenzara de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Sari-Solenzara une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- il est insuffisamment motivé, les premiers juges n'ayant pas caractérisé l'extension de l'urbanisation prohibée par les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et du PADDUC ;
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ;
- en jugeant que le secteur n'était pas urbanisé au sens des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
- le permis litigieux ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; le projet en cause ne constitue pas une extension de l'urbanisation dès lors qu'il s'implante au sein d'un espace déjà urbanisé, regroupant plus d'une cinquantaine de constructions, dont il n'étend pas le périmètre bâti et n'entraîne pas de densification sensible du nombre de ces constructions ;
- pour les mêmes raisons, il ne méconnaît pas non plus les dispositions de l'article L. 121-13, ni celles de l'article L. 121-16.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
La requête a été communiquée à la commune de Sari-Solenzara qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a déposé, le 21 août 2019, une demande de permis de construire une maison individuelle de 149 m² sur la parcelle cadastrée B 1135, sise RT 10 lieu-dit Chirghinu à Sari-Solenzara. A la suite de l'avis conforme défavorable émis le 16 octobre 2019 par la préfète de la Corse-du-Sud, le maire de Sari-Solenzara a, par un arrêté du 17 octobre 2019, refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité. M. C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler cet arrêté, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux reçu le 4 novembre 2019. M. C... relève appel du jugement du 9 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal administratif a précisé, aux points 4 à 8 du jugement attaqué, les motifs pour lesquels le projet litigieux méconnaît les dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme. Si M. C... soutient que le tribunal a omis de statuer sur le moyen relatif à l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, celui-ci, bien qu'il ait commis une erreur de plume en mentionannt l'article L. 121-16 en lieu et place de l'article L. 121-13, a toutefois répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-13, citées au point 3 du jugement attaqué et dont il a fait expressément application au point 8 en mentionnant " les espaces proches du rivage ". Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dont serait entaché le jugement attaqué doit être écarté, en ses deux branches.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier par le tribunal se rapporte en réalité au bien-fondé du jugement et est donc sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants./ Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Le III de l'article 42 de la même loi prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ".
5. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ayant été publiée au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2018 et la présente demande de permis de construire ayant été déposée le 21 août 2019, les dispositions du V sont applicables en l'espèce.
6. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.
7. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce 2e alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. Par ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique autorise, par anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'Etat, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme.
8. Aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-16 de ce code : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement ".
9. Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC), qui précise, en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, les modalités d'application des dispositions citées ci-dessus, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'elle constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'elle joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune.
10. Le PADDUC prévoit par ailleurs que les espaces proches du rivage sont identifiés en mobilisant des critères liés à la distance par rapport au rivage de la mer, la configuration des lieux, en particulier la covisibilité avec la mer, la géomorphologie des lieux et les caractéristiques des espaces séparant les terrains considérés de la mer, ainsi qu'au lien paysager et environnemental entre ces terrains et l'écosystème littoral. En outre, le PADDUC prévoit que le caractère limité de l'extension doit être déterminé en mobilisant des critères liés à l'importance du projet par rapport à l'urbanisation environnante, à son implantation par rapport à cette urbanisation et au rivage, et aux caractéristiques et fonctions du bâti ainsi que son intégration dans les sites et paysages.
11. En revanche, contrairement à ce que soutient le requérant, aucune disposition du PADDUC ne prévoit que, pour l'application de l'article L. 121-8 et lorsqu'est en jeu la délivrance d'une autorisation individuelle, l'extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions devrait s'entendre comme pouvant seulement résulter d'une expansion significative et non d'une simple construction nouvelle.
12. Les prescriptions du PADDUC mentionnées aux points 9 et 10 apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme citées aux points 4 et 8.
13. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet litigieux est situé dans la bande littorale des 100 mètres du rivage. En outre, il en ressort également qu'il est en covisibilité avec le rivage, dont il n'est séparé par aucune construction. Le terrain d'assiette du projet fait ainsi partie des espaces proches du rivage, au sens des dispositions du code de l'urbanisme citées ci-dessus. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier des photographies aériennes produites par le requérant, que le terrain d'assiette du projet se situe au sein du lieu-dit Chirghinu, à plusieurs kilomètres des villages de Sari et de Solenzara, dans un secteur caractérisé par la présence de vastes espaces naturels, de maisons individuelles d'habitation et d'une résidence de tourisme, implantées de façon éparse. Les quelques constructions disséminées dans le secteur et la résidence de tourisme implantée à l'Ouest du terrain, de l'autre côté de la route territoriale n°10, forment une urbanisation diffuse qui ne peut être regardée comme un secteur actuellement urbanisé de la commune de Sari-Solenzara. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté litigieux, qui autorise une construction nouvelle dans un espace d'urbanisation diffuse, éloigné des villages et des agglomérations, constitue une extension de l'urbanisation prohibée par les dispositions des articles L. 121-8, L. 121-13 et L. 121-16 du code de l'urbanisme.
14. Il résulte de ce qui précède, alors qu'en tout état de cause les moyens dirigés contre l'arrêté du maire pris sur avis conforme du préfet sont inopérants, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Sari-Solenzara du 17 octobre 2019, ensemble le rejet de son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au maire de Sari-Solenzara.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2022, où siégeaient :
- Mme Vincent, présidente,
- M. Mérenne, premier conseiller,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2023.
N° 21MA03816 2