Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour et sa demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2005891 du 21 septembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 février 2021 et 8 juin 2022, M. E..., représenté par Me Ant, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 mars 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'un an mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer dans l'attente de la décision une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil sous réserve d'une renonciation expresse à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, en l'absence de réponse au moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé ne lui permettait pas de voyager sans risque vers son pays d'origine ;
- la décision de refus de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente, en l'absence de délégation de signature ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le traitement approprié à son état de santé comprend la transplantation rénale et non les seules séances d'hémodialyse ; il ne peut effectivement bénéficier d'une telle transplantation en Arménie ; il était atteint d'une forme grave de COVID 19 à la date de la décision contestée et son état de santé ne lui permettait donc pas de voyager sans risque ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement d'un refus de séjour illégal est dépourvue de base légale ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire prise sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire illégale est dépourvue de base légale ;
- elle méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par une décision du 11 décembre 2020, M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- le courrier du 5 octobre 2022 par lequel M. B... a autorisé la levée du secret relatif aux informations médicales qui le concernent afin de permettre à la Cour de solliciter la communication de l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le rapport médical du 24 octobre 2019 au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 27 mars 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande d'admission au séjour présentée par M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 21 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal administratif a répondu de façon suffisamment précise, au point 7 du jugement attaqué, au moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en indiquant notamment " qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de M. B... peut lui permettre de voyager sans risque vers l'Arménie ". Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit, dès lors, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, par un arrêté n° 13-2020-065 du 28 février 2020, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet des Bouches-du-Rhône a donné délégation à Mme C... A..., adjointe au chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile de la direction des migrations, de l'intégration et de la nationalité de la préfecture des Bouches-du-Rhône, à l'effet de signer, notamment, les décisions de refus de séjour et les décisions d'obligation de quitter le territoire français. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
5. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sollicité sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
7. Pour refuser le titre de séjour sollicité par M. B..., le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur l'avis émis le 22 novembre 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a estimé que, si le requérant est affecté d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine où il peut se rendre sans risque au regard de son état de santé. M. B..., qui entend contester le sens de cet avis, a, par un courrier du 5 octobre 2022, autorisé la levée du secret relatif aux informations médicales qui le concernent afin de permettre à la Cour de solliciter la communication de l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le dossier du rapport médical établi le 24 octobre 2019 a été transmis par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à la Cour et communiqué aux parties le 17 octobre 2022.
8. Il ressort des pièces de ce dossier, et notamment du certificat médical établi par le médecin qui suit l'intéressé au sein du centre de néphrologie et transplantation rénale de l'hôpital de la Conception où il est pris en charge depuis juin 2018, que M. B... souffre d'une insuffisance rénale chronique au stade terminal nécessitant, outre trois séances d'hémodialyse hebdomadaires en unité spécialisée, la prise d'un traitement médicamenteux composé de huit molécules. Si M. B... soutient que la transplantation rénale, indiquée comme " médicalement envisageable " dans les certificats médicaux établis postérieurement à la décision attaquée par ce même médecin, qui n'en a pas fait mention dans les documents transmis au médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, fait partie du traitement approprié à son état de santé et qu'il ne peut en bénéficier en Arménie, d'une part, il ne ressort d'aucune pièce médicale produite qu'une transplantation rénale soit effectivement envisagée à plus ou moins brève échéance pour traiter l'insuffisance rénale au stade terminal dont souffre l'intéressé et, d'autre part, les documents produits par le requérant attestent que si une telle intervention est peu disponible en Arménie, elle n'est pas exclue. Il ressort en outre tant du dossier du rapport médical établi le 24 octobre 2019 que des pièces produites par l'intéressé qu'il était suivi, antérieurement à son entrée sur le territoire français, pour son insuffisance rénale chronique en Arménie où il bénéficiait de séances d'hémodialyse hebdomadaires depuis 2013. Aucune des pièces produites ne permet ainsi d'établir qu'il n'aurait pas accès aux soins nécessaires dans son pays d'origine. Si M. B... fait en outre valoir qu'il a été atteint, fin mars 2020, d'une forme grave de COVID 19, qui a nécessité son hospitalisation entre le 1er avril et le 15 mai 2020 et qui a entraîné une aggravation de son état de santé, cette circonstance, postérieure à la décision contestée, n'est pas de nature à établir qu'à la date de celle-ci son état de santé ne lui permettait pas de voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de fait, de droit ou d'appréciation au regard du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant dont serait entachée la décision de refus de séjour contestée doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte de ce qui précède que la décision de refus de séjour n'est pas entachée des illégalités que le requérant soulève. M. B... n'est donc pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
11. Pour les motifs exposés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 10 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige, et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
12. Il résulte de ce qui précède que ni la décision de refus de séjour ni la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont entachées des illégalités que le requérant soulève. M. B... n'est donc pas fondé à exciper de leur illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.
13. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".
14. Ainsi qu'il a été dit au point 8, si M. B... fait valoir qu'il a été atteint fin mars 2020 d'une forme grave de COVID 19, qui a nécessité son hospitalisation entre le 1er avril et le 15 mai 2020 et qui a entraîné une aggravation de son état de santé, cette circonstance, postérieure à la décision contestée, n'est pas de nature à établir qu'à la date de celle-ci son état de santé nécessitait que lui soit accordé un délai supérieur à trente jours pour quitter le territoire français. Par ailleurs, la fermeture des frontières par l'Arménie, dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19, est sans incidence sur la légalité de cette décision dès lors qu'elle ne concerne que les conditions d'exécution de la mesure d'éloignement. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision fixant le délai de départ volontaire doivent être écartés.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mars 2020. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2022, où siégeaient :
- Mme Vincent, présidente,
- M. Mérenne, premier conseiller,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2023.
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No 21MA00694