La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2022 | FRANCE | N°20MA02350

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 12 décembre 2022, 20MA02350


Vu la procédure suivante :

I°) Procédure contentieuse antérieure :

La société Sogetha a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le titre de recettes n° 4327 d'un montant de 68 087,04 euros émis le 14 novembre 2018 à son encontre par le président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence dans le cadre de l'exécution du marché de performance énergétique conclu le 25 juin 2015 et de la décharger du paiement de la somme correspondante.

Par un jugement n° 1900188 du 26 mai 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés sous...

Vu la procédure suivante :

I°) Procédure contentieuse antérieure :

La société Sogetha a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le titre de recettes n° 4327 d'un montant de 68 087,04 euros émis le 14 novembre 2018 à son encontre par le président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence dans le cadre de l'exécution du marché de performance énergétique conclu le 25 juin 2015 et de la décharger du paiement de la somme correspondante.

Par un jugement n° 1900188 du 26 mai 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 20MA02350, le 22 juillet 2020 et le 7 septembre 2021, la société Sogetha, représentée par Me Marinacce, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 mai 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler le titre exécutoire n° 4327 d'un montant de 68 087,04 euros émis le 14 novembre 2018 par le président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence ;

3°) de la décharger de l'obligation de payer ;

4°) de mettre à la charge du département des Alpes-de-Haute-Provence la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le titre exécutoire ne comporte aucune mention de ses bases de liquidation en méconnaissance des dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 ;

- le titre exécutoire tend à recouvrer une créance qui n'est pas certaine, liquide et exigible car il intervient en méconnaissance des stipulations contractuelles liant les parties ;

- la créance en cause est inexistante ;

- le décompte opéré par le département est erroné dès lors qu'il ne tient pas compte des particularités de la situation concernant deux collèges, pas plus que ne l'ont fait les premiers juges et qu'une partie de la surconsommation est due aux demandes émanant du département des Alpes-de-Haute-Provence de procéder au chauffage des locaux pour des périodes non prévues au contrat ;

- et en outre, alors que le contrat qu'elle a signé avec le département des Alpes-de-Haute-Provence prévoit que la seule sanction du dépassement de la quantité d'énergie contractuellement garantie est la réparation en numéraire qui a vocation à mettre à la charge du titulaire l'intégralité des dépassements à l'exclusion de tout autre réparation de quelque nature que ce soit, le président du conseil départemental par le titre exécutoire qu'il a émis lui a infligé une sanction non prévue par les stipulations du contrat.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2020, le département des Alpes-de-Haute-Provence, représenté par Me Andreani, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société Sogetha la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- le contrat, en particulier la garantie de performance énergétique, stipule qu'en cas de surconsommation, le titulaire doit non seulement assumer l'intégralité du coût de cette surconsommation mais doit également réparer le dommage du département de ne pas bénéficier de meilleure performance énergétique en lui versant une réparation pécuniaire.

Par ordonnance du 7 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 23 septembre 2021.

II°) Procédure contentieuse antérieure :

La société Sogetha a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le titre de recettes n° 4022 d'un montant de 41 620,98 euros émis le 27 septembre 2019 à son encontre par le président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence dans le cadre de l'exécution du marché de performance énergétique conclu le 25 juin 2015 et de la décharger du paiement de la somme correspondante. Elle a présenté une seconde demande tendant à l'annulation du titre de recettes n° 812 d'un montant de 32 401,49 euros émis le 13 mars 2020 à son encontre par le président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence et de la décharger de son obligation de payer cette somme.

Par un jugement nos 1909899, 2003681 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée sous le n° 21MA00346, le 25 janvier 2021, la société Sogetha, représentée par Me Marinacce, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2020 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire no 4022 d'un montant de 41 620,98 euros émis le 27 septembre 2019 par le président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence ainsi que le titre exécutoire émis par cette même autorité le 13 mars 2020 pour un montant de 32 401,49 euros ;

3°) de la décharger de l'obligation de payer ;

4°) de mettre à la charge du département des Alpes-de-Haute-Provence la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les titres exécutoires ne comportent aucune mention de leurs bases de liquidation en méconnaissance des dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 ;

- les titres exécutoires tendent à recouvrer une créance qui n'est pas certaine, liquide et exigible car il intervient en méconnaissance des stipulations contractuelles liant les parties ;

- lesdits titres mettent à sa charge une pénalité qui n'est prévue par aucune stipulation du contrat qu'elle a signé avec le département des Alpes-de-Haute-Provence et méconnaissent également l'ensemble des textes et documents de référence relatifs au contrat de performance énergétique ;

- le décompte opéré par le département est erroné dès lors qu'il ne tient pas compte des particularités de la situation concernant deux collèges, pas plus que ne l'ont fait les premiers juges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2021, le département des Alpes-de-Haute-Provence, représenté par Me Andreani, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société Sogetha la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- le contrat, en particulier la garantie de performance énergétique, stipule qu'en cas de surconsommation, le titulaire doit non seulement assumer l'intégralité du coût de cette surconsommation mais doit également réparer le dommage du département de ne pas bénéficier de meilleure performance énergétique en lui versant une réparation pécuniaire.

Un courrier du 12 septembre 2022 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 5 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2022 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2011-1000 du 25 août 2011 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Marinacce, représentant la société Sogetha, et de Me Tosi, représentant le département des Alpes-de-Haute-Provence.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 25 juin 2015, le département des Alpes-de-Haute-Provence a conclu avec la société Dalkia un marché public de performance énergétique ayant pour objet l'amélioration et la garantie de la performance énergétique dans seize collèges du département pour un montant de 1 121 392,40 euros toutes taxes comprises, porté après conclusion de trois avenants à 5 057 276,81 euros toutes taxes comprises. Pour atteindre les niveaux de consommation d'énergie convenus, le titulaire s'est vu confier, pour une durée de sept ans, l'approvisionnement et la gestion de l'énergie nécessaire au fonctionnement des installations techniques, pour les bâtiments alimentés en gaz, fioul et bois, l'exploitation, la maintenance, le gros entretien et renouvellement des installations techniques, pour l'ensemble des bâtiments, la réalisation d'un programme de rénovation énergétique pour les bâtiments avec la garantie de performance énergétique ainsi que l'information et la sensibilisation des usagers à la diminution des consommations énergétiques des bâtiments. Estimant que les objectifs en termes d'économie d'énergie fixés à 17 % pour la première année, puis à 20 % pour les années suivantes n'avaient pas été atteints, le département des Alpes-de-Haute-Provence a émis, le 14 novembre 2018, à l'encontre de son cocontractant un titre exécutoire d'un montant de 68 087,04 euros correspondant au montant de l'indemnité due en application de la garantie de performance énergétique pour la période de 2015 à 2017. Pour les mêmes motifs et pour la saison de chauffe 2017/2018, le département des Alpes-de-Haute-Provence a émis, le 27 septembre 2019, à l'encontre de cette société un titre exécutoire d'un montant de 41 620,98 euros correspondant au montant de l'indemnité contractuelle due en application de la garantie de performance énergétique. Le 13 mars 2020, le département a émis à l'encontre de la société Sogetha, filiale de la société Dalkia et à laquelle le marché a été transféré, un nouveau titre exécutoire d'un montant de 32 401,49 euros pour le recouvrement d'une indemnité de même nature pour la saison de chauffe 2018/2019. La société Sogetha a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une première demande enregistrée sous le n° 1900188 tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 14 novembre 2018 et à la décharge de l'obligation de payer. Par le jugement n° 1900188, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La société Sogetha fait régulièrement appel de ce jugement. La société Sogetha a saisi le tribunal administratif de Marseille de deux nouvelles demandes enregistrées sous les nos 1909899, 2003681 tendant à l'annulation des titres exécutoires émis respectivement le 27 septembre 2019 et le 13 mars 2020 et à la décharge de l'obligation de payer contenue dans ces deux titres exécutoires. Par le jugement nos 1909899, 2003681, le tribunal administratif a rejeté ces demandes. La société Sogetha fait régulièrement appel de ces jugements.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes visées ci-dessus présentent les mêmes moyens et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité des titres exécutoires :

3. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. [...] ". Tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

4. Il est constant que les trois titres exécutoires en litige ne comportent pas par eux-mêmes la mention des bases de liquidation de la somme dont le paiement est réclamé. Toutefois, en ce qui concerne le titre exécutoire émis le 14 novembre 2018, il n'est pas contesté que le département des Alpes-de-Haute-Provence a transmis à la société requérante une note interne rédigée le 22 octobre 2018 et que l'appelante produit, un certificat administratif en date du 13 novembre 2018 ainsi qu'une mise en demeure émise le 20 septembre 2018, lesquels documents mentionnaient les bases et les éléments de calcul de la somme mise à la charge de la société Sogetha alors que le titre exécutoire en cause faisait référence au numéro du contrat " 0F5AB003 " ainsi qu'à l'" indemnité GPE 2015-2017 - 13/11/2018 ". En ce qui concerne le titre exécutoire émis le 27 septembre 2019 et qui comportait l'indication du même numéro de contrat " 0F5AB003 " ainsi que la mention " indemnité GPE 2017-2018-27/09/2019 ", il résulte de l'instruction qu'avant l'émission du titre exécutoire, le département a adressé à la société requérante un courrier du 12 septembre 2019, en lettre recommandée avec accusé de réception, comportant l'indication des bases et les éléments de calcul de la somme mise à la charge de la société Sogetha. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le titre exécutoire en cause faisait bien référence à un document. Si la date du document de référence portée sur le titre exécutoire est erronée, à savoir le 27 septembre 2019 au lieu du 12 septembre 2019, la société appelante, cocontractante du département des Alpes-de-Haute-Provence, se voyait appliquer pour la deuxième année consécutive la garantie de performance énergétique alors qu'en outre, le montant de la somme réclamée à hauteur de 41 620,98 euros figurant dans le courrier du 12 septembre 2019 était identique à la somme portée dans le titre exécutoire. Enfin, il résulte de l'instruction qu'avant l'émission du titre exécutoire intervenue le 13 mars 2020, le département a adressé à son cocontractant un certificat administratif du 5 février 2020 ainsi qu'un courrier du 7 février 2020, indiquant toutes les bases de liquidation de la somme mise à la charge de la société Sogetha pour un montant de 32 401,49 euros. S'il est vrai que le titre exécutoire contesté portait la mention " 0F5AB003 - Indemnité GROUPE 2018-2019-11/03/2020 " et que la date du document de référence était une nouvelle fois erronée, les bases de liquidation de la créance étaient nécessairement connues par la société Sogetha, cocontractante, qui a été informée préalablement à l'émission du titre exécutoire contesté de l'application pour la troisième année consécutive de la garantie de performance énergétique ainsi que des modalités de calcul de la somme qui lui était réclamée, la somme figurant dans le titre exécutoire étant la même que celle figurant dans ces documents. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation des titres exécutoires en litige ne saurait être accueilli.

En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :

5. Aux termes du I de l'article 73 du code des marchés publics, dans sa version en vigueur du 27 août 2011 au 01 avril 2016 : " I. - Les marchés de réalisation et d'exploitation ou de maintenance sont des marchés publics qui associent l'exploitation ou la maintenance à la réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance définis notamment en termes de niveau d'activité, de qualité de service, d'efficacité énergétique ou d'incidence écologique. Ils comportent des engagements de performance mesurables. La durée du marché tient compte des délais nécessaires à la réalisation de ces objectifs et engagements qui constituent son objet. ".

6. Aux termes des stipulations de l'article 2.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en cause : " Le Titulaire s'engage à : / - atteindre [...] les niveaux de Consommation d'Energie Cible, exprimés en quantité d'énergie finale et fixés dans l'Acte d'Engagement et ses Annexes ; / [...] Les niveaux de Consommation d'Energie [...] Cible [...] sont contractuellement garantis pendant la durée du Marché dans les conditions définies à l'article 19 du CCAP [...] ". Aux termes des stipulations de l'article 7.2.1 du CCAP du même marché : " La phase d'exploitation-maintenance commence à compter de la date d'entrée en vigueur du marché et s'achève à la fin normale ou anticipée du marché. [...] / Au regard de la Garantie de Performance Energétique, la phase d'exploitation- maintenance se décompose en deux parties successives. / 1. Première période : période probatoire à compter de la date d'entrée en vigueur du marché jusqu'au 30 juin 2016 [...] / 2. Seconde période : exploitation avec Garantie de Performance Energétique à compter de la fin de la période probatoire jusqu'à la fin normale ou anticipée du Marché. / Pendant la seconde partie de la Phase d'Exploitation-Maintenance, le Titulaire garantit le Niveau de Consommation d'Energie Cible et le Niveau de GES Cible ".

7. En vertu de l'article 24.1 du CCAP relatif au contenu des prix, le prix annuel global et forfaitaire pour assurer le chauffage des locaux est fixé par la multiplication du " prix unitaire HT du MWh entrée chaufferie pour le gaz, le fioul et l'électricité " ou du " prix unitaire HT du MWh sortie chaudière pour le bois " par la quantité d'énergie contractuellement garantie pour le chauffage des locaux, ajustée pour tenir compte des variations au cours de la période de suivi des conditions fixées dans la situation de référence.

8. Aux termes de l'article 19.1.1 du même CCAP : " Les niveaux de Consommations d'Energie Intermédiaire et Cible sont fixés pour l'ensemble des Bâtiments, dans l'Acte d'Engagement et ses Annexes. / (...) / Pendant la deuxième période de la Phase d'Exploitation-Maintenance, le Titulaire s'engage à atteindre le Niveau de Consommation d'Energie Cible / Les Niveaux de Consommations d'Energie Intermédiaire et Cible sont vérifiables et mesurés en application du Plan de Mesures et de Vérifications. / Ces Niveaux de Consommations d'Energie Intermédiaire et Cible sont recalés en fonction des Causes d'Ajustement sur la Période de Suivi considérée. / La surconsommation et la sous consommation par rapport aux Niveaux de Consommation d'Energie Intermédiaire et Cible font l'objet de mesures de réparation ou de mesures incitatives dans les conditions prévues ci-après ". Aux termes de l'article 19.2 du CCAP : " Pour l'application de la Garantie de Performance Energétique, les paramètres suivants sont définis : / ni = correspondant aux différentes Périodes de Suivi des Niveaux de Consommation d'Energie définies dans le Plan de Mesures et de Vérification / Em = quantité d'énergie effectivement consommée sur la Période de Suivi (ni) pour le chauffage des locaux de l'ensemble des Bâtiments / Ec = Niveau de Consommation d'Energie Intermédiaire ou Niveau de Consommation d'Energie Cible - quantité d'énergie contractuellement garantie pour le chauffage des locaux de l'ensemble des Bâtiments. / Eca = quantité d'énergie Ec ajustée pour tenir compte des variations au cours de la Période de Suivi (ni) des conditions fixées dans la situation de Référence ". L'article 19.5 du même CCAP stipule que : " 1. La quantité d'énergie effectivement consommée est comparée à la quantité d'énergie contractuellement garantie ajustée de la Période de Suivi considérée (...) / 2.1 Tout dépassement des Niveaux de Consommations d'Energie Intermédiaire et Cible sera intégralement à la charge du Titulaire. Le Titulaire est redevable d'une indemnité déterminée par le jeu de la formule suivante : GPE = (Em - Eca) x P1 umoy [...] ". Aux termes de l'article 26.2 du CCAP, modifié par avenant du 19 janvier 2017 : " Les acomptes sont versés au Titulaire dans les conditions suivantes : / - Le Poste P1 sera réglé sur la base d'acomptes mensuels. Le dernier acompte de l'année de contrat tiendra compte des révisions des prix, des calculs d'intéressement, des pénalités et indemnités éventuelles ".

9. En premier lieu, il résulte des stipulations de l'article 19.1.1 du CCAP, que la société Sogetha s'est engagée à atteindre un niveau de consommation d'énergie cible contractuellement fixé et pouvant faire l'objet d'ajustements. Le marché prévoit un mécanisme de facturation tenant compte de l'objectif cible. Par ailleurs, les parties se sont entendues pour instaurer des mesures de réparation ou des mesures incitatives dans les conditions prévues aux points 19.5 et 19.6 du CCAP en cas de surconsommation ou de sous-consommation, tenant compte là encore notamment du niveau de consommation d'énergie cible. Par l'application de ces clauses contractuelles, relatives à la fixation du prix, d'une part, et au mécanisme de la garantie de performance énergétique, d'autre part, en cas de surconsommation, c'est-à-dire lorsque la quantité d'énergie effectivement consommée est supérieure à la quantité d'énergie contractuellement prévue, la société Sogetha, d'une part, supporte intégralement le coût du dépassement de la consommation d'énergie garantie et, d'autre part, doit verser au département une indemnité déterminée selon une formule de calcul définie dans le CCAP. Cette dernière indemnité constitue une pénalité contractuelle qui est bien prévue par les stipulations du contrat en cas de non-respect par le cocontractant de son engagement d'améliorer la performance énergique des collèges. S'il n'est pas contesté que la collectivité n'a pas supporté financièrement le coût lié à la surconsommation d'énergie constatée au cours des périodes de chauffe en litige, les sommes dont le département demande le paiement à la société Sogetha correspondent à l'indemnité contractuelle prévue en raison de la non réalisation de la garantie de performance énergétique. Ainsi, la société Sogetha n'est pas fondée à soutenir que le département entendait lui faire supporter deux fois le coût du dépassement de la consommation d'énergie garantie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la créance en cause interviendrait en méconnaissance des stipulations contractuelles, n'existerait pas ou ne serait ni certaine ni liquide ni exigible, doit être écarté.

10. En second lieu, l'article 2.3. " éléments de mission " du CCAP prévoit que : " Pour atteindre les Niveaux de Consommation d'Energie, les Niveaux de GES et les Rendement de Production de Chaleur dans le respect du Niveau de Service Contractuel, sont confiées au Titulaire les Prestations suivantes : / (a) L'approvisionnement et la gestion de l'énergie nécessaire au fonctionnement des Installations Techniques, pour les Bâtiments alimentés en gaz, fioul et bois (Poste P1). / (b) L'exploitation, la maintenance et le gros entretien et renouvellement des Installations Techniques, pour l'ensemble des Bâtiments (Postes P2, P3j). / Cet élément de mission intègre le suivi et le pilotage de l'amélioration de la performance énergétique, notamment en s'appuyant sur un Plan de Mesures et de Vérifications tel que défini au Programme Fonctionnel. / (c) La réalisation du Programme de Rénovation Energétique, pour les Bâtimentsavec Garantie de Performance Energétique. / Cet élément de mission intègre la réalisation des études, la maîtrise d'œuvre ainsi que toute démarche administrative en vue de la réalisation du projet. / (d) L'information et la sensibilisation des usagers à la diminution des consommations énergétiques des Bâtiments. ".

11. L'article 7.2.1. du CCAP stipule que : " [...] La Garantie de Rendement s'applique pendant toute la durée de la Phase d'Exploitation-Maintenance pour les Bâtiments concernés. / Au regard de la Garantie de Performance Energétique, la Phase d'Exploitation Maintenance se décompose en deux parties successives. / 1. Première période : période probatoire à compter de la Date d'Entrée en Vigueur du Marché jusqu'au 30 juin 2016. / Pendant la période probatoire, le Titulaire s'engage sur : / le Niveau de Consommation d'Energie Intermédiaire ; / le Niveau de GES Intermédiaire. / Le Titulaire met à profit cette période pour prendre connaissance des Installations Techniques, envisager les ajustements et modifications nécessaires pour atteindre le Niveau de Consommation d'Energie Cible et le Niveau de GES Cible. / 2. Seconde période : exploitation avec Garantie de Performance Energétique à compter de la fin de la période probatoire jusqu'à la fin normale ou anticipée du Marché. /Pendant la seconde partie de la Phase d'Exploitation-Maintenance, le Titulaire garantit le Niveau de Consommation d'Energie Cible et le Niveau de GES Cible. ".

12. Aux termes de l'article 12.1 du CCAP : " Le titulaire est réputé connaître parfaitement les installations techniques à la date d'entrée en vigueur du marché. Il est seul concepteur des solutions techniques et de leur mise en œuvre et ne pourra en aucun cas se prévaloir d'une erreur ou d'une méconnaissance pour demander une renégociation du montant du programme de rénovation énergétique ou des garanties de performance énergétiques et environnementales associées ". L'article 18 du même CCAP prévoit que : " Afin de pouvoir apprécier les effets des Prestations réalisées par le Titulaire, il est défini une situation initiale des Bâtiments à partir de l'ensemble des données et informations quantitatives et qualitatives constatées sur une période représentative faisant apparaître les caractéristiques des Bâtiments au regard de leur performance énergétique et environnementale au jour de l'Entrée en Vigueur du Marché. / Elle est désignée sous le terme de Situation de Référence. / Les Parties acceptent le contenu de la Situation de Référence sans réserve. / La Situation de Référence sert de base aux calculs des Niveaux de Consommation d'Energie Intermédiaire et Cible [...] ".

13. L'article 19.3 du même CCAP dispose que : " La quantité d'énergie Ec est ajustée pour tenir compte des modifications des conditions fixées dans la Situation de Référence dans les cas limitativement énumérés ci-après. [...]. / 19.3.2. Les ajustements exceptionnels / Les Parties se rencontreront afin d'examiner les conditions d'ajustement du Niveau de Consommation d'Energie Intermédiaire ou du Niveau de Consommation d'énergie Cible dans les cas suivants :/ - En cas de travaux effectués dans un Bâtiment ; / - En cas de changement d'activité d'un Bâtiment ; / - En cas de dépassement substantiel des Niveaux de consommation d'énergie Cibles dans les conditions du 16.6.2 ; / Les Parties acteront de l'ajustement du Niveau de Consommation d'énergie Intermédiaire ou du Niveau de Consommation d'Energie Cible dans un avenant. Cet avenant précise les Périodes de Suivi impactées par cet ajustement. ". La société invoque diverses circonstances qui, selon elle, auraient dû conduire à la mise en œuvre du mécanisme d'ajustement.

14. Premièrement, la société requérante soutient que le collège Gassendi situé à Digne-les-Bains est à l'origine d'une part prépondérante de la surconsommation. Toutefois, il résulte de l'instruction que les travaux initialement prévus sur ce collège par la société appelante et dont la conception et la mise en œuvre lui incombent se sont révélés techniquement et réglementairement non réalisables. Si la solution alternative qu'elle a proposée à la collectivité n'a pas été acceptée, elle ne saurait utilement faire valoir que cette situation serait indépendante de sa volonté alors qu'en outre, elle était réputée connaître parfaitement les installations techniques lors du commencement de l'exécution du marché. La situation de ce collège ne relève d'aucun des cas où des ajustements exceptionnels peuvent être opérés par un commun accord des parties au contrat.

15. Deuxièmement, pour ce qui est du collège Marcel André situé sur la commune de la Seyne-les-Alpes, la société requérante ne saurait davantage se prévaloir de dysfonctionnements sur le compteur ou sur la mise en œuvre de régulations manuelles dès lors qu'elle est en charge de l'entretien et du renouvellement des installations et que la situation de ce collège ne relève pas davantage de la procédure d'ajustement prévue au contrat.

16. Enfin, si la société requérante soutient qu'une partie de la surconsommation est due aux demandes du département de chauffer les locaux en dehors des périodes de chauffe prévues au contrat, une telle circonstance, contestée par le département des Alpes-de-Haute-Provence, n'est pas établie par les pièces qu'elle verse. Il s'en déduit que le moyen tiré de ce que le décompte établi et servant de base au calcul de la surconsommation serait erroné manque en fait et ne saurait être accueilli.

17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société Sogetha tendant à l'annulation des titres exécutoires émis les 14 novembre 2018, 27 septembre 2019 et 13 mars 2020 et à la décharge de l'obligation de payer qu'ils contiennent doivent être rejetées. Il s'ensuit que la société Sogetha n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Sogetha dirigées contre le département des Alpes-de-Haute-Provence qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sogetha une somme de 3 000 euros, à verser au département des Alpes-de-Haute-Provence en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la société Sogetha sont rejetées.

Article 2 : La société Sogetha versera au département des Alpes-de-Haute-Provence une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sogetha et au département des Alpes-de-Haute-Provence.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2022 où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2022.

2

Nos 20MA02350 - 21MA00346


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02350
Date de la décision : 12/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution technique du contrat. - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. - Marchés. - Mauvaise exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL ANDREANI-HUMBERT-COLLIN;SCP BILLEBEAU - MARINACCE AVOCATS;SELARL ANDREANI-HUMBERT-COLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-12;20ma02350 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award