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02/12/2022 | FRANCE | N°22MA01078

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 02 décembre 2022, 22MA01078


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 9 août 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1608037 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18MA04997 du 19 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie de l'appel de M. C..., a annulé le jugement du 2 octobre 2018 et la décision du 9 août 2016.

Par

une décision n° 442338 du 12 avril 2022, le Conseil d'Etat a, sur un pourvoi formé par la S...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 9 août 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1608037 du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 18MA04997 du 19 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie de l'appel de M. C..., a annulé le jugement du 2 octobre 2018 et la décision du 9 août 2016.

Par une décision n° 442338 du 12 avril 2022, le Conseil d'Etat a, sur un pourvoi formé par la Société Avenir Télécom, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Par un mémoire enregistré le 14 juin 2022, la société Avenir Télécom et Me Alexandre Bonetto, commissaire à l'exécution du plan de la société Avenir Telecom, représentés par Me Cassuto, demandent à la Cour :

1°) de rejeter l'ensemble des conclusions de M. C... ;

2°) de confirmer la décision rendue par l'inspecteur du travail en date du 9 août 2016 ;

3°) de confirmer le jugement rendu le 2 octobre 2018 par le tribunal administratif de Marseille ;

4°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le moyen soulevé en appel sur la prétendue légèreté blâmable de la société Avenir Télécom est infondé et la cour est incompétente pour se prononcer sur ce point ;

- le signataire de la décision d'autorisation de licenciement était compétent ;

- la procédure d'information et de consultation du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a été respectée ;

- les critères d'ordre de licenciement appliqués à la catégorie à laquelle appartenait M. C... ont été respectés ;

- les obligations en matière de reclassement ont été respectées ;

- le reclassement n'était pas possible sur le territoire national compte tenu du redressement judiciaire en cours ;

- des recherches réelles et sérieuses ont été menées auprès des filiales situées à l'étranger ;

- les recherches ne pouvaient se dérouler jusqu'au jour du licenciement, eu égard à la procédure de redressement judiciaire en cours ;

- des recherches de reclassement ont été menées en dehors du groupe ;

- la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle a été informée des projets de licenciement collectif par un courrier recommandé en date du 5 janvier 2016.

Ce mémoire a été communiqué à M. C... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qui n'ont pas produit de mémoire complémentaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Heulin, représentant M. C... et Me Cassuto représentant la société Avenir Télécom et Me Alexandre Bonetto.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., recruté en 2009 par la société Avenir Télécom, spécialisée dans le négoce de produits et de services liés à la téléphonie mobile et au multimédia, occupait en dernier lieu le poste de responsable de point de vente et exerçait le mandat de représentant de la section syndicale CGT. Par un jugement du 4 janvier 2016, le tribunal de commerce de Marseille a placé la société Avenir Télécom en redressement judiciaire, ouvrant une période d'observation de six mois durant laquelle elle a été autorisée à poursuivre son activité. Le même jugement a désigné Me Douhaire comme administrateur judiciaire de la société. Par une décision du 1er mars 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur (DIRECCTE) a homologué le document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l'emploi. La société Avenir Télécom a été autorisée par une ordonnance du 8 mars 2016 du juge commissaire au redressement judiciaire, à procéder au licenciement de deux cents cinquante-cinq salariés pour motif économique. Par deux jugements du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision d'homologation du document unilatéral. Ces jugements ont été annulés par un arrêt du 1er décembre 2016 de la Cour. Toutefois, par une décision du 22 mai 2019, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt de la Cour, ainsi que les deux jugements précités du tribunal et a rejeté les demandes des requérants. Par courrier du 28 juin 2016, la société Avenir Télécom et Me Douhaire ont demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. C.... Par une décision du 9 août 2016, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement pour motif économique. Par un jugement du 2 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt en date du 19 juin 2020, la Cour a annulé ce jugement ainsi que la décision de l'inspecteur du travail. Le Conseil d'Etat par une décision n° 442338 du 12 avril 2022, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. C... soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce qu'aucune démarche aux fins de recherche préalable de reclassement n'a été entreprise par la direction entre janvier et août 2016, il ressort des écritures de première instance qu'il ne s'agissait que d'un argument à l'appui du moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans le contrôle du respect par l'employeur de ses obligations de reclassement auquel les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre. Ce moyen doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.

4. En premier lieu, M. C... reprend en appel les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisance de motivation de la décision contestée. Toutefois, il y a lieu d'écarter ces moyens, qui ne comportent aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. (...) ". Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4, L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du même code que l'accord d'entreprise ou, à défaut, la décision unilatérale de l'employeur qui fixe ce plan de sauvegarde de l'emploi doit être validé ou homologué par l'autorité administrative.

6. Le premier alinéa de l'article L. 1235-10 du code du travail, applicable aux licenciements collectifs dans les entreprises d'au moins cinquante salariés qui ne sont pas en redressement ou en liquidation judiciaire, dispose que : " (...) le licenciement intervenu en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou alors qu'une décision négative a été rendue est nul ". S'agissant des entreprises en liquidation ou en redressement judiciaire, l'article L. 1233-58 du même code dispose que : " (...) L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur ne peut procéder, sous peine d'irrégularité, à la rupture des contrats de travail avant la notification de la décision favorable de validation ou d'homologation (...) ".

7. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1233-57 du code du travail : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : (...) / 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1 ; (...) ". Et, l'article L. 4612-8 du code du travail dispose, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée, que : " Dans l'exercice de leurs attributions consultatives, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et l'instance temporaire de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1 disposent d'un délai d'examen suffisant leur permettant d'exercer utilement leurs attributions, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui leur sont soumises. / Sauf dispositions législatives spéciales, un accord collectif d'entreprise conclu dans les conditions prévues à l'article L. 2232-6 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, le cas échéant, l'instance temporaire de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1 ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais, qui ne peuvent être inférieurs à quinze jours, dans lesquels les avis sont rendus, ainsi que le délai dans lequel le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail transmet son avis au comité d'entreprise lorsque les deux comités sont consultés sur le même projet. / A l'expiration de ces délais, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et, le cas échéant, l'instance temporaire de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1 sont réputés avoir été consultés et avoir rendu un avis négatif. ".

8. Il résulte des dispositions citées aux points 5 et 6 que, lorsque le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de ce licenciement, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée. En revanche, dans le cadre de l'examen de cette demande, il n'appartient à ces autorités, ni d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, de procéder aux contrôles mentionnés aux articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du code du travail, qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande de validation ou d'homologation du plan.

9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'annulation, pour excès de pouvoir, d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des autorisations de licenciement accordées, à la suite de cette validation ou de cette homologation, pour l'opération concernée. En revanche, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne saurait être utilement soulevé au soutien d'un recours dirigé contre une autorisation de licenciement d'un salarié protégé.

10. Si M. C... soutient que par un jugement du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 1er mars 2016 par laquelle le DIRECCTE de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Avenir Télécom, il ressort des pièces du dossier que ce jugement a été annulé par une décision du Conseil d'Etat du 22 mai 2019 qui a également rejeté les demandes de M. C... et autres tendant à l'annulation de cette décision et a ainsi eu pour effet de faire revivre la décision d'homologation précitée. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision de l'inspecteur du travail serait entachée d'irrégularité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision du DIRECCTE.

11. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu'il n'appartient pas à l'inspecteur du travail, saisi d'une autorisation de licenciement de procéder au contrôle de la régularité du respect de la procédure de consultation du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dès lors que ce contrôle ne relève que de la seule compétence du DIRECCTE, saisi de la demande de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans le contrôle du respect de la procédure d'information et de consultation du CHSCT est inopérant et ne peut qu'être écarté.

12. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la quasi-totalité des postes de la catégorie " Encadrement-points de vente " ont été supprimés, et en particulier un des trois postes situés dans la zone d'emploi de Montpellier. En application des critères de classement définis dans le plan de sauvegarde de l'emploi et dont il n'appartient pas à l'autorité administrative à laquelle est adressée une demande d'autorisation de licenciement, de vérifier le respect, M. C... n'était pas prioritaire pour conserver le poste de responsable de point de vente qu'il occupait, correspondant à cette catégorie. Dès lors, l'inspecteur du travail qui ne pouvait que constater, eu égard à cet ordre de priorité, que le poste de M. C... était effectivement supprimé, n'a pas commis une erreur d'appréciation dans le contrôle des règles relatives à l'ordre de licenciement et de l'effectivité de la suppression de son poste.

13. En cinquième lieu, il n'appartient pas à l'administration de rechercher si la cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causé cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail. Le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail n'a pas contrôlé la légèreté blâmable de l'employeur à l'origine des difficultés économiques de la société Avenir Télécom est, par suite, inopérant.

14. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ". Aux termes de l'article L. 1233-4-1 du même code, dans sa rédaction applicable : " Lorsque l'entreprise ou le groupe dont l'entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l'employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L'employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt. Ces offres sont écrites et précises. Les modalités d'application du présent article, en particulier celles relatives à l'information du salarié sur la possibilité dont il bénéficie de demander des offres de reclassement hors du territoire national, sont précisées par décret ".

15. Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation de moyen renforcée en matière de reclassement de salarié protégé, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié protégé, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

16. Par ailleurs, lorsque le juge administratif est saisi d'un litige portant sur la légalité de la décision par laquelle l'autorité administrative a autorisé le licenciement d'un salarié protégé et qu'est contesté devant lui le bien-fondé de l'appréciation par laquelle l'autorité administrative a estimé que l'employeur avait satisfait à son obligation de recherche sérieuse de reclassement, il lui appartient de s'assurer, au vu de l'ensemble des pièces versées au dossier, que l'obligation légale de reclassement a, en l'espèce, été respectée, sans s'arrêter sur une erreur susceptible d'émailler, dans le détail de la motivation de la décision attaquée, une des étapes intermédiaires de l'analyse portée sur ce point par l'autorité administrative.

17. Enfin, au titre du contrôle qui lui incombe, l'inspecteur du travail doit notamment vérifier la régularité de ce projet de licenciement au regard de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, au nombre desquelles figurent les stipulations des accords collectifs de travail applicables au salarié. En outre, pour apprécier si l'employeur ou le liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation légale et, le cas échéant, conventionnelle en matière de reclassement, il doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a été procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. En revanche, il ne lui appartient pas de vérifier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement externe.

18. Il ressort des pièces du dossier que la société Avenir Télécom, seule société du groupe disposant d'établissements, n'était en mesure de proposer aucun poste en reclassement en interne compte tenu de la fermeture de la quasi-totalité de ses établissements sur le territoire national constitués par des points de vente employant chacun très peu de salariés et de la suppression de 255 postes dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire. Par lettres du 5 janvier 2016 versées au dossier, la directrice des ressources humaines de la société Avenir Télécom a ainsi interrogé ses filiales en vue de savoir si elles avaient des possibilités d'emplois disponibles. Les filiales roumaine, bulgare et espagnole ont répondu par courrier des 5, 6 et 7 janvier 2016, pour les deux premières qu'elles disposaient de postes de vendeur et pour la troisième, qu'elle n'avait aucun poste disponible. La société Avenir Télécom a, par ailleurs, adressé à M. C... une lettre du 4 mars 2016, lui demandant s'il souhaitait recevoir des offres de reclassement hors du territoire national, de bien vouloir remplir un questionnaire de mobilité à l'étranger, plus particulièrement en Espagne, au Portugal, en Roumanie et en Bulgarie. M. C... y a répondu favorablement le 16 mars 2016. Puis le 21 mars suivant, la société Avenir Télécom lui a adressé des propositions de reclassement en Roumanie et Bulgarie suffisamment individualisées, précises et fermes dès lors qu'elles comportaient le nom de l'entité employeur, la localisation du poste, son intitulé, la rémunération correspondante, la nature du contrat de travail, la durée et le temps de travail. La société Avenir Télécom lui a aussi indiqué qu'elle ne disposait d'aucun poste en France, en Espagne et au Portugal et que les postes proposés de vendeur, nécessitant un contact avec la clientèle, imposaient la pratique courante des langues roumaine et bulgare. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait donné suite à ces offres. Si ces dernières correspondaient à une rémunération moindre de celle de M. C... et ne mentionnaient pas la possibilité d'exercer un mandat représentatif, la société Avenir Télécom a cependant satisfait à ses obligations en l'absence de toute possibilité de reclasser l'intéressé dans un emploi équivalent à celui qu'il occupait antérieurement. Par ailleurs, M. C... n'établit pas que la liste de sociétés jointe au questionnaire serait incomplète en se fondant sur le site internet du groupe qui se borne à mentionner l'existence de " 6 plates-formes en Europe ". Si les rapports des commissaires au compte font état de l'existence d'autres filiales au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, au Luxembourg et en Pologne, la société Avenir Télécom démontre par des documents probants qu'elles n'étaient pas en mesure de proposer des postes de reclassement, soit que ces filiales ont été liquidées, soit qu'elles n'exerçaient plus aucune activité ou que leur activité était sans rapport avec les fonctions exercées par M. C.... Il ressort également de ces rapports et du rapport financier annuel de l'exercice 2015-2016 que la filiale espagnole qui était elle-même dans une situation très dégradée a cessé son activité et que le groupe est totalement sorti de la distribution directe au Portugal en vendant son réseau de magasins. L'article du journal Les Echos publié le 26 janvier 2016 selon lequel les sociétés espagnole et portugaise du groupe seraient toujours exploitées n'est pas de nature à établir que des postes comparables à celui de M. C... seraient disponibles en leur sein. L'absence de caractère sérieux et exhaustif des recherches de reclassement n'est pas davantage démontré par le fait que les courriels de recherche de reclassement dans les filiales étrangères auraient été adressés le 5 janvier 2016 et que les réponses des entreprises devaient être adressées le 6 janvier au plus tard ni par la circonstance que l'employeur n'aurait pas fourni les registres d'entrées et de sorties du personnel de chacune des filiales du groupe. Enfin il ne résulte d'aucune pièce du dossier que les offres de reclassement faites à M. C... auraient été fictives, déloyales et fantaisistes. Par suite, le moyen tiré du non-respect de l'obligation de reclassement en interne doit être écarté dans toutes ses branches, ainsi que celui tiré de l'absence de contrôle par l'inspecteur du travail sur le périmètre de l'obligation de reclassement.

19. Les possibilités de reclassement dans l'entreprise, et éventuellement au sein du groupe, s'apprécient antérieurement à la date d'autorisation du licenciement, à compter du moment où celui-ci est envisagé. Par suite, M. C... ne peut utilement soutenir qu'il n'a reçu aucune offre de reclassement jusqu'à son licenciement intervenu le 17 août 2016 postérieurement à la décision contestée. Si M. C... ajoute que l'employeur ne justifie d'aucune recherche sur toute la période entre janvier et août 2016, il ressort de ce qui a été dit au point 18 que la société Avenir Télécom a procédé à des recherches au mois de janvier 2016 et lui a proposé de recevoir des offres de reclassement à l'étranger par courriers en mars 2016. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que des postes auraient été disponibles postérieurement à cette date. Les circonstances que la société Avenir Télécom a adressé à ses filiales des courriers de recherche de reclassement les 5 et 7 janvier 2016 et que l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement le 9 août 2016 sont sans incidence.

20. Conformément à ce qui a été dit au point 17, M. C... ne peut utilement soutenir que l'inspecteur du travail n'a pas opéré de contrôle sur l'obligation conventionnelle de reclassement externe. En outre, la société Avenir Télécom établit avoir saisi, par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 janvier 2016, la commission paritaire de l'emploi en vue de lui demander communication de la liste des postes à pourvoir dont elle aurait connaissance. Elle produit également plusieurs courriers du 6 janvier 2016 qu'elle a adressés à 37 sociétés extérieures dans le même but. Par suite, la société Avenir Télécom établit avoir respecté les dispositions de l'article 38 de la convention collective en vertu desquelles les entreprises s'emploient en liaison avec les intéressés, les représentants du personnel, le syndicat patronal, Pôle emploi, et éventuellement les entreprises de la région, à trouver aux salariés licenciés un emploi équivalent à celui qu'ils disposaient ailleurs. Elle a dès lors satisfait à son obligation de reclassement externe.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2016.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme au titre des frais exposés par la société Avenir Télécom et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Avenir Télécom présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la société Avenir Télécom, à Me Alexandre Bonetto et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- M. Prieto, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 décembre 2022.

N° 22MA01078 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01078
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SELARL GOLDMANN ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-02;22ma01078 ?
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