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28/11/2022 | FRANCE | N°22MA01105

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 28 novembre 2022, 22MA01105


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2021, par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103338 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022, M. A..., représenté par Me Ore

ggia, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2021, par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103338 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022, M. A..., représenté par Me Oreggia, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 9 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il réside sur le territoire français depuis plus de dix ans et c'est à tort que les premiers juges lui ont opposé l'absence de preuve de sa présence en France en 2019 et 2020 ;

- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet ayant admis la réalité et l'intensité de ses liens personnels et familiaux, le préfet du Var ne contestant, à tort, que son insertion professionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république tunisienne en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- et les observations de Me Oreggia, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien, né le 7 janvier 1981 à Essaad Mahdia, est entré en France le 23 avril 2011. Par arrêté du 9 novembre 2021, le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... fait régulièrement appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. Alors que M. A... fait valoir qu'il réside de manière continue sur le territoire français depuis plus de dix années, le préfet du Var lui a notamment opposé l'absence de justifications de sa présence pour 2019 et 2020. Il ressort toutefois des pièces du dossier que pour l'année 2019, l'intéressé produit pour la première fois en appel un avis de situation déclarative à l'impôt sur le revenu 2019 ainsi qu'une attestation émanant de la caisse de mutualité sociale agricole faisant état d'un " titre emploi simplifié agricole " pour la période du 28 au 31 janvier 2019. Pour l'année 2020, le requérant verse également pour la première fois en appel, son avis d'impôt sur le revenu établi en 2020 ainsi qu'un dossier déposé auprès de la Maison départementale des personnes handicapées afin d'obtenir la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Ensuite, le préfet a pu admettre, dans sa défense devant les premiers juges, l'intensité des liens sur le territoire français où se trouve une partie de la famille de l'intéressé qui a été marié à une ressortissante française. Si le préfet a reproché à M. A... son manque d'intégration professionnelle au sein de la société française, il ressort néanmoins des pièces du dossier que celui-ci exerçait initialement la profession de chauffeur de poids lourds, a été victime d'un grave accident de travail en 2013 et en a gardé des séquelles et que, par ailleurs, il a fait l'objet de demandes d'autorisation de travail ainsi que de promesses d'embauche en 2016, en 2017, en 2018 et a exercé ponctuellement une activité professionnelle en 2014, en 2015, en 2017, en 2019 et en 2021. Dans ces circonstances et compte tenu de la durée et la continuité de sa présence, il résulte de ce qui suit que l'arrêté par lequel le préfet du Var a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour a porté au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2021 et à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".

6. Eu égard aux motifs du présent arrêt et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation du requérant se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de la décision attaquée, l'exécution de cet arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet du Var de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros qui sera versée à M. A... au titre des frais exposés par lui elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 9 novembre 2021 et le jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 mars 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Var de délivrer à M. A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2022.

2

No 22MA01105


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01105
Date de la décision : 28/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : OREGGIA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-28;22ma01105 ?
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