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23/11/2022 | FRANCE | N°21MA04041

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 23 novembre 2022, 21MA04041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2100914 du 26 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 5 octobre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Ant, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2100914 du 26 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 octobre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Ant, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sous astreinte de 100 euros par jour de retard de lui délivrer le titre demandé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 200 euros à verser à Me Ant sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur une branche du moyen tiré de l'absence de consultation du titre de séjour ;

- le préfet n'a pas consulté la commission du titre de séjour ;

- le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article L. 313-14 du même code ;

- il méconnaît le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constitue la base légale du refus de délai de départ volontaire, méconnaît les articles 2, 7 et 12 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2018 ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante marocaine, fait appel du jugement du 26 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il résulte du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet est tenu de soumettre pour avis à la commission du titre de séjour la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.

3. Mme A... B... produit de nombreux documents médicaux, qui, en grande majorité, soit ne comportent pas d'adresse, soit sont adressés à une domiciliation administrative. Ainsi que l'a retenu le tribunal, de tels documents ne révèlent pas nécessairement une présence stable et continue sur le territoire français. Il en va de même de l'attribution de l'aide médicale d'État, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été octroyée après d'autres vérifications que celles portant sur l'existence d'une domiciliation administrative. Toutefois, ces éléments sont corroborés par d'autres documents, tels que des actes médicaux périodiques, des stages de socialisation dans une structure associative, des cartes tamponnées d'une association caritative, des relevés bancaires, des factures, et, à partir de l'année 2014, des documents sur sa grossesse et la naissance de son enfant, puis la scolarité de cette dernière. Prises ensemble, ces pièces permettent à Mme A... B... de justifier d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Le préfet des Bouches-du-Rhône a, dès lors, commis une irrégularité en s'abstenant de consulter la commission du titre de séjour préalablement à l'examen de sa demande, en application des articles L. 312-2 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette irrégularité a privé l'intéressée d'une garantie.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête, que Mme A... B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. "

6. Compte tenu du moyen retenu, l'annulation de l'arrêté contesté n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... B.... En revanche, elle implique nécessairement, en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, que le préfet des Bouches-du-Rhône réexamine sa situation, dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et qu'il délivre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à Me Ant, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 26 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 29 décembre 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de Mme A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me Ant la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... B..., à Me Ant et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. C... et Mme D..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2022.

2

N° 21MA004041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04041
Date de la décision : 23/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : ANT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-23;21ma04041 ?
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