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23/11/2022 | FRANCE | N°20MA03652

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 23 novembre 2022, 20MA03652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Dall'Aglio a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 par lequel le président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours (SDIS) de Corse-du-Sud l'a suspendu à titre conservatoire de ses fonctions de sapeur-pompier volontaire.

Par un jugement n° 1900483 du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 septembre 202

0 et le 18 août 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. Dall'Aglio, représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Dall'Aglio a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 par lequel le président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours (SDIS) de Corse-du-Sud l'a suspendu à titre conservatoire de ses fonctions de sapeur-pompier volontaire.

Par un jugement n° 1900483 du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 septembre 2020 et le 18 août 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. Dall'Aglio, représenté par Me Sentenac, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 juillet 2020 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 du président du conseil d'administration du SDIS de Corse-du-Sud ;

3°) de mettre à la charge du SDIS la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu aux moyens tirés de l'absence de faute grave et du non-respect du principe non bis in idem ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- les faits ont déjà été sanctionnés ;

- il n'a pas commis de faute grave ;

- les faits n'ont pas donné lieu à des poursuites disciplinaires ou pénales ;

- la décision contestée, constitutive d'une sanction déguisée, est entachée d'un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2021, le SDIS de Corse-du-Sud, représenté par Me Poli, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par M. Dall'Aglio ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. Dall'Aglio ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

La présidente de la cour a désigné Mme Vincent, présidente assesseure de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Considérant ce qui suit :

1. M. Dall'Aglio fait appel du jugement du 28 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2019 du président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours (SDIS) de Corse-du-Sud le suspendant à titre conservatoire de ses fonctions de sapeur-pompier volontaire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le tribunal administratif a écarté les moyens tirés de l'absence de faute grave et du non-respect du principe non bis in idem au point 4 du jugement attaqué. Il n'a donc pas omis de statuer sur ces moyens.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 723-39 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité de gestion peut suspendre de ses fonctions le sapeur-pompier volontaire auteur d'une faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations de sapeur-pompier volontaire ou d'une infraction de droit commun. Elle doit saisir sans délai le conseil de discipline départemental mentionné à l'article R. 723-77. La suspension cesse de plein droit lorsque la décision disciplinaire a été rendue. La durée de cette suspension ne peut excéder quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité de gestion, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions ". La mesure provisoire de suspension prévue par ces dispositions ne présente pas, par elle-même, un caractère disciplinaire. Elle est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave.

4. En premier lieu, le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée par des motifs appropriés, figurant au point 3 du jugement attaqué, qu'il convient d'adopter en appel.

5. En deuxième lieu, la décision contestée est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service sur le fondement approprié de l'article R. 723-39 du code de la sécurité intérieure. Elle n'est pas entachée d'un détournement de procédure. Pour les mêmes raisons, elle ne constitue pas une sanction déguisée. Par ailleurs, si le requérant soutient ne pas avoir effectué de gardes entre le 22 février 2019 et le 1er mars 2019, cette circonstance, qui résulte de mesures prises dans l'intérêt du service, ne révèle pas l'existence d'une précédente sanction disciplinaire. Le moyen tiré de la méconnaissance de la règle " non bis in idem " doit donc être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le centre de secours de Vero connaissait de fortes tensions à l'époque des faits, en raison notamment de plusieurs départs de feu à proximité de la caserne en août 2018, ayant touché plusieurs véhicules. La direction du centre avait diligenté une mission d'audit, qui était en cours à la date des faits. Le 25 janvier 2019, à la sortie de son audition par la mission d'audit, le caporal Dall'Aglio s'est querellé avec un autre sapeur-pompier volontaire avec lequel il entretenait une animosité réciproque, et qui lui avait fait précédemment savoir qu'il entendait le désigner comme l'auteur des départs de feu. Face au refus de son interlocuteur de lui apporter des " explications ", M. Dall'Aglio, dans un geste de " colère ", a dégradé le rétroviseur du véhicule de ce dernier par deux coups de pied. La dégradation volontaire d'un véhicule est contraire à la mission même des sapeurs-pompiers, qui porte non seulement sur la protection des personnes, mais également la protection des biens. L'accentuation d'un conflit interpersonnel par des gestes de violence porte atteinte à la cohésion nécessaire aux sapeurs-pompiers appelés à accomplir ensemble les mêmes missions. De tels gestes révèlent également une absence de maîtrise de soi. Enfin, le remboursement à la victime des frais de réparation de son véhicule est postérieur de plusieurs mois à la décision contestée. Il est, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité. Que ces faits aient été ou non commis alors que M. Dall'Aglio était en service, ils justifiaient de l'écarter provisoirement de ses fonctions dans l'intérêt du bon fonctionnement du centre de secours. L'auteur de la décision contestée n'a pas inexactement qualifié les faits en retenant l'existence d'une faute grave justifiant une mesure de suspension.

7. En dernier lieu, aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire ni même ne fait obligation à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'engager une procédure disciplinaire ou pénale. Le moyen tiré de l'absence de poursuites disciplinaires et pénales pour les faits reprochés est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

8. Il résulte de ce qui précède que M. Dall'Aglio n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

9. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. Dall'Aglio le versement de la somme de 1 000 euros au SDIS de Corse-du-Sud au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, le SDIS n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions du même article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le requérant sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. Dall'Aglio est rejetée.

Article 2 : M. Dall'Aglio versera la somme de 1 000 (mille) euros au SDIS de Corse-du-Sud en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Dall'Aglio et au SDIS de Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Vincent, présidente,

- M. B... et Mme C..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2022.

N° 20MA0365202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03652
Date de la décision : 23/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-01-04-02-03 Collectivités territoriales. - Dispositions générales. - Services publics locaux. - Dispositions particulières. - Services d'incendie et secours.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SENTENAC

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-23;20ma03652 ?
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