Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Technique du Bâtiment de Provence a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'avis des sommes à payer n° 390-1 émis le 23 septembre 2020 par la métropole Toulon Provence Méditerranée à son encontre pour avoir paiement de la somme de 16 523,27 euros au titre du marché, ainsi que la décharge de l'obligation de payer cette somme.
Par une ordonnance n° 2003312 en date du 3 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juin 2021, la SARL Technique du Bâtiment de Provence (STBP), représentée par Me Consalvi, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Toulon ;
3°) à titre subsidiaire, si la Cour estimait devoir évoquer l'affaire, d'annuler l'avis des sommes à payer n° 390-1 émis et rendu exécutoire le 23 septembre 2020 par le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée et de la décharger de l'obligation de payer la somme mentionnée par ce titre ;
4°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de la métropole la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- le délai de transmission du mémoire de réclamation étant de quarante-cinq jours, sa réclamation n'était pas tardive ;
- l'ordonnance attaquée est donc irrégulière ;
- l'état de révision des prix du marché ne peut inclure des périodes correspondant aux travaux de la tranche ferme qui ont été définitivement soldés après réception sans réserve, ainsi qu'une période postérieure au mois de juin 2018, c'est-à-dire postérieure à l'achèvement des travaux de la tranche optionnelle réceptionnée sans réserve.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2022, la métropole Toulon Provence Méditerranée, représentée par la SCP Charrel et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la société STBP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La métropole soutient que les moyens présentés à l'appui de la requête d'appel sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 8 septembre 2009 modifié portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Costantini, substituant la SCP Charrel et Associés, pour la métropole Toulon Provence Méditerranée.
Une note en délibéré a été présentée le 3 novembre 2022 pour la société STBP.
Considérant ce qui suit :
1. Par contrat du 14 septembre 2015, la métropole Toulon Provence Méditerranée a confié à la société STBP le lot n° 2, " génie civil et gros-œuvre ", d'un marché n° 15MRL23 ayant pour objet la réalisation de travaux de modernisation et de renforcement des postes de relevages sur le territoire de la commune de Six-Fours-les-Plages et les résistants sur le territoire de la commune de Saint-Mandrier-sur-Mer. Après l'exécution du marché, la métropole, estimant que le solde de décompte général du marché était créditeur en sa faveur, a émis, le 23 septembre 2020, un avis de sommes à payer n° 390-1 portant sur un montant de 16 523,27 euros. Par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté l'opposition de la société à ce titre exécutoire sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, après avoir estimé que, le décompte général du marché étant devenu définitif, l'unique moyen de la demande, tirée de la contestation du montant du solde du décompte général, était inopérant.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. ".
3. La lettre de notification du décompte général émanant de la métropole comporte le rappel des stipulations des articles 13.4.2 et 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux tel qu'approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 dans sa version initiale, qui prévoyaient un délai de réclamation de quarante-cinq jours, et invite la société à produire son mémoire de réclamation dans ce même délai de quarante-cinq jours. Ce faisant, la métropole a renoncé, comme elle le peut s'agissant de stipulations contractuelles, à opposer à la société STBP le délai de trente jours prévu par le cahier des clauses administratives générales dans sa version modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014, qui figure au nombre des pièces contractuelles. La société STBP est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a estimé que le mémoire de réclamation avait présenté tardivement au-delà du délai de trente jours alors qu'elle l'a présenté dans le délai de quarante-cinq jours, et que par suite, le décompte étant devenu définif, il a rejeté sa demande sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative en estimant que, pour ce motif, la société ne pouvait plus utilement contester le bien-fondé de la créance.
4. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée est irrégulière et doit être annulée. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire.
Sur la variation des prix :
5. Aux termes de l'article 3.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché, relatif aux modalités de variation des prix, " La date d'établissement des prix est la date de signature de l'offre de prix par le candidat. / Le mois zéro est le mois de mai 2015. / Les prix sont révisés semestriellement par application aux prix du marché d'un coefficient Cn donné par la ou les formules suivantes : (...) Lot (...) 2 : Cn = 15,00 % + 85,00 µ (In/Io) (...) selon les dispositions suivantes : - Cn : coefficient de variation / - Io : valeur de l'index de référence au mois zéro, / - In : valeur de l'index de référence au mois n, / Le mois " n " retenu pour chaque révision sera le mois précédent celui au cours duquel commence la nouvelle période d'application de la formule. Les prix ainsi révisés seront invariables pendant cette période. / L'index de référence I, publié à l'INSEE, est l'index Travaux Publics - TP01 - Index général tous travaux - Base 2010 identifiant 1711007 appliqué (...) / Lorsqu'une révision a été effectuée provisoirement en utilisant un index antérieur à celui qui doit être appliqué, il n'est procédé à aucune révision avant la variation définitive, laquelle intervient sur le premier acompte du marché suivant la parution de l'index correspondant (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que, dans son projet de décompte final transmis le 22 septembre 2018, la société STBP sollicitait le paiement d'un solde de 5 286,24 euros toutes taxes comprises, en indiquant par ailleurs un montant dû au titre de la révision des prix de 255,80 euros toutes taxes comprises. Par courrier du 27 mai 2019, la métropole a adressé à la société un projet de décompte général faisant apparaître un solde, en faveur du maître de l'ouvrage, de 16 523,27 euros. Cette différence résulte de la prise en compte, par la métropole, de la révision des prix pendant la réalisation de la tranche ferme du marché, soit du mois d'octobre 2015 au mois d'octobre 2016. En effet, pendant cette période, l'indice TP01 pris en compte pour la révision des prix a connu une baisse par rapport à l'indice de référence de mai 2015.
7. Pour refuser cette minoration de sa rémunération découlant de l'application de la formule contractuelle, la société, sans contester les modalités de calcul retenues par la métropole, soutient que la tranche ferme ayant fait l'objet d'une réception et ayant été payée, le décompte établi ultérieurement, à l'issue de la tranche conditionnelle ne pouvait venir rectifier à la baisse la rémunération due au titre de la tranche ferme pour tenir compte de la formule de révision des prix.
8. Toutefois, la réception de travaux, si elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, demeure par elle-même sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de l'application des formules de révision des prix, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif, dont seule l'intervention a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation.
9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la métropole, l'opposition de la société STBP doit être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, sa demande présentée en l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de la société STBP à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2003312 en date du 3 juin 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon est annulée.
Article 2 : La demande de première instance présentée par la société STBP est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la métropole Toulon Provence Méditerranée tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Technique du Bâtiment de Provence et à la métropole Toulon Provence Méditerranée.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2022, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2022.
N° 21MA02253 2