La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2022 | FRANCE | N°20MA02279

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 14 novembre 2022, 20MA02279


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée du Golf de la Vallée a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Flassans-sur-Issole et la trésorerie de Besse-sur-Issole à lui reverser la somme de 241 359,39 euros correspondant à sa participation au financement de la troisième tranche du groupe scolaire de la zone d'aménagement concerté du Roudaï.

Par un jugement n° 1704864 du 27 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour

:

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 juillet 2020, 14 février 2021 et 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée du Golf de la Vallée a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Flassans-sur-Issole et la trésorerie de Besse-sur-Issole à lui reverser la somme de 241 359,39 euros correspondant à sa participation au financement de la troisième tranche du groupe scolaire de la zone d'aménagement concerté du Roudaï.

Par un jugement n° 1704864 du 27 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 juillet 2020, 14 février 2021 et 16 mai 2021, la société par actions simplifiée du Golf de la Vallée, représentée par Me Humbert-Simeone, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 mars 2020 du tribunal de Toulon ;

2°) de condamner la commune de Flassans-sur-Issole et la trésorerie de Besse-sur-Issole à payer la somme de 241 359,39 euros qu'elle a versée et qui correspond au remboursement de la participation au financement des équipements objet de la convention du 11 décembre 1995, somme majorée des intérêts légaux à compter du 27 juillet 2012 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Flassans-sur-Issole et de la trésorerie de Besse-sur-Issole la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges, en interprétant à tort sa demande comme tendant à l'exécution du jugement rendu le 4 décembre 2018 par le tribunal de commerce de Draguignan et en rejetant sa demande comme irrecevable, ont entaché leur jugement d'irrégularité ;

- le contentieux de la restitution de sommes indument versées à l'administration à la suite de l'annulation d'un titre exécutoire relève de la compétence de la juridiction administrative ;

- la circonstance qu'elle se soit acquittée de sa participation au financement de la troisième tranche du groupe scolaire de la zone d'aménagement concerté du Roudaï pour un montant de 241 359,39 euros, en se conformant au commandement de payer, ne la privait pas de la possibilité d'engager une action visant à faire constater par le tribunal de commerce l'extinction de la créance en cause ;

- par jugement du 4 décembre 2018, le tribunal de commerce de Draguignan a jugé que la créance en cause était éteinte en raison de l'omission par le comptable du Trésor de la commune de l'obligation de déclarer la créance à son passif alors qu'elle avait été placée en redressement judiciaire par jugement du 4 décembre 2001 ;

- en outre, sa demande est bien recevable, contrairement à ce qui est opposé en défense, dès lors qu'elle a bien présenté une demande indemnitaire préalable et que sa demande contient des conclusions et moyens au sens du code de justice administrative ;

- la commune ne saurait lui opposer la prescription prévue par les dispositions de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, dès lors que la présente action en répétition n'entre pas dans les prévisions de cet article ;

- la commune ne saurait davantage lui opposer la prescription prévue par la loi du 31 décembre 1968 dès lors que ses actions contre la créance en cause devant le tribunal administratif de Toulon, devant la cour administrative d'appel de Marseille et le Conseil d'Etat, qui s'est prononcé en dernier ressort par une décision du 4 mai 2016 sur la demande introduite le 16 novembre 2007, ont eu pour effet d'interrompre la prescription.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2020, le directeur départemental des finances publiques du Var, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 janvier et 15 avril 2021, la commune de Flassans-sur-Issole, représentée par Me Faure-Bonaccorsi, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société du Golf de la Vallée la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de la requérante ne relève pas du juge administratif dès lors que l'appréciation des conséquences de l'extinction d'une créance de l'administration, au regard des dispositions du code de commerce, ne relève pas de sa compétence ;

- sa demande portant sur l'exécution d'une décision émanant d'une juridiction civile est irrecevable ;

- elle est également irrecevable en l'absence de liaison du contentieux, faute de présentation d'une demande préalable indemnitaire et en l'absence de conclusions et moyens, contrairement aux prescriptions des articles R. 412-1 et R. 411-1 du code de justice administrative ;

- l'action en répétition de l'indu présentée par la société du Golf de la Vallée est prescrite en application des dispositions de l'article L. 323-30 du code de l'urbanisme ;

- l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille rejetant l'action de la société requérante contre le titre exécutoire lui demandant le versement de la somme de 241 359,39 euros fait obstacle à une nouvelle saisine de la juridiction administrative ;

- en tout état de cause, la créance en cause est prescrite en application de l'article 2224 du code civil.

Par ordonnance du 19 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code civil ;

- le code du commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Humbert-Simeone, représentant la société du Golf de la Vallée, et de Me Faure-Bonaccorsi, représentant la commune de Flassans-sur-Issole.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 22 février 1988, le conseil municipal de Flassans-sur-Issole a décidé de créer la zone d'aménagement concerté (ZAC) du Roudaï ayant pour objet l'aménagement et l'équipement de terrains en vue de la construction de bâtiments à usage d'habitation et " de confier, en application de l'article R. 311-4 du code de l'urbanisme, l'aménagement et l'équipement de la zone selon les stipulations d'une convention, à une personne privée ". Une convention a été conclue à cette fin le 22 février 1988 avec la société de promotion du domaine de Barbaroux qui, placée en redressement judiciaire, a ensuite cédé ses terrains le 5 février 1993 à la société du Golf de la Vallée. Les conditions d'aménagement de la ZAC par cette seconde société ont été approuvées par une délibération du conseil municipal de Flassans-sur-Issole du 11 décembre 1995 et la convention d'aménagement reprenant les termes de cette délibération a été authentifiée par un acte notarié du 4 avril 1996. En application des termes de la convention, le maire de Flassans-sur-Issole a émis le 11 septembre 2007 un titre exécutoire, pour un montant de 241 359,39 euros, correspondant à la participation de la société requérante au financement de la troisième tranche du groupe scolaire de la ZAC du Roudaï. La société du Golf de la Vallée a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 4 décembre 2001. Elle a saisi le tribunal administratif de Toulon, puis la cour administrative d'appel de Marseille d'une demande en décharge qui a été rejetée. Le Conseil d'État a rejeté le pourvoi par sa décision n° 384017 du 4 mai 2016. La société requérante a réglé la somme qui lui était réclamée le 27 juillet 2012. Elle a saisi le tribunal de commerce de Draguignan qui, par jugement du 4 décembre 2018, a considéré que la créance était éteinte, en l'absence de déclaration de créance ou relevé de forclusion. La société du Golf de la Vallée avait par ailleurs saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Flassans-sur-Issole et la trésorerie de Besse-sur-Issole à lui reverser la somme en cause qu'elle estime, correspondant à une créance éteinte, qu'elle n'aurait pas dû régler. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté cette demande. La société du Golf de la Vallée relève régulièrement appel de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 311-4-1 du code de l'urbanisme relatif aux zones d'aménagement concerté, alors applicable à la date de la convention en litige : " Il ne peut être mis à la charge des constructeurs que le coût des équipements publics à réaliser pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans la zone. Lorsque la capacité des équipements programmés excède les besoins de l'opération, seule la fraction du coût proportionnelle à ces besoins peut être mise à la charge des constructeurs (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 624-2 du code du commerce : " Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission. ". Aux termes de l'article L. 621-46 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " A défaut de déclaration dans les délais fixés par décret en Conseil d'État, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait (...) Les créances qui n'ont pas été déclarées et n'ont pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes. ".

4. Et enfin, aux termes du 1er alinéa de l'article 1302 du code civil : " Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. ".

5. Il résulte de l'instruction qu'a été conclue une convention le 22 février 1988 entre la commune de Flassans-sur-Issole et la société de promotion du domaine de Barbaroux qui, placée en redressement judiciaire, a ensuite cédé ses terrains le 5 février 1993 à la société du Golf de la Vallée et ayant pour objet l'aménagement et l'équipement de terrains en vue de la construction de bâtiments à usage d'habitation et de confier, en application de l'article R. 311-4 du code de l'urbanisme, l'aménagement et l'équipement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) du Roudaï. En application des termes de la convention, le maire de Flassans-sur-Issole a émis le 11 septembre 2007 à l'encontre de la société du Golf de la Vallée un titre exécutoire, pour un montant de 241 359,39 euros, correspondant à la participation de cette société au financement de la troisième tranche du groupe scolaire de la ZAC du Roudaï. La société du Golf de la Vallée a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Brignoles en date du 4 décembre 2001 sans que le comptable public ne procède à la déclaration de la créance en cause. La société appelante s'est acquittée le 28 juin 2012 du paiement de cette somme à réception de la mise en demeure que lui avait adressée le comptable public.

6. En premier lieu, la contestation du bien-fondé de la créance portant sur la participation de la société requérante au financement de la troisième tranche du groupe scolaire de la ZAC du Roudaï relève de la compétence du juge administratif tandis que la contestation relative à la déclaration de la créance au représentant des créanciers de la société placée en redressement judiciaire ressortit de la compétence du juge judiciaire. D'ailleurs, la demande introduite par la société appelante tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 11 septembre 2007 par le maire de Flassans-sur-Issole, correspondant à sa participation au financement de la troisième tranche du groupe scolaire de la zone d'aménagement concerté du Roudaï pour un montant de 241 359,39 euros et à la décharge de l'obligation de payer en résultant a fait l'objet d'une décision du Conseil d'État n° 384017 du 4 mai 2016 rejetant le pourvoi de la société du Golf de la Vallée contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 11MA04535 du 28 avril 2014. Parallèlement, par jugement du 4 décembre 2018, le tribunal de commerce de Draguignan, saisi par la société du Golf de la Vallée a considéré que la créance détenue par la commune de Flassans-sur-Issole au titre de cette participation était éteinte, en l'absence de déclaration de créance ou relevé de forclusion.

7. En second lieu, la question de la détermination de l'ordre compétent pour statuer sur l'action en restitution de l'indu engagée par la société du Golf de la Vallée et fondée sur les articles 1302 du code civil et L. 621-46 du code de commerce, tendant à la restitution d'une somme versée correspondant à une créance éteinte pose une difficulté sérieuse.

8. Aux termes de l'article 35 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles : " Lorsqu'une juridiction est saisie d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des ordres de juridiction, elle peut, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence. La juridiction saisie transmet sa décision et les mémoires ou conclusions des parties au Tribunal des conflits. L'instance est suspendue jusqu'à la décision du Tribunal des conflits. ".

9. Au vu de la difficulté sérieuse décrite aux points 6 et 7 du présent arrêt, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence posée par le litige et de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir si le litige relève ou non de la compétence de la juridiction administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société du Golf de la Vallée jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir si le litige né de l'action de cette société tendant à la restitution de la somme qu'elle a versée au titre de sa participation au financement de la troisième tranche du groupe scolaire de la ZAC du Roudaï alors que cette créance est considérée comme éteinte car non déclarée lors de la procédure de redressement relève ou non de la compétence de la juridiction administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société du Golf de la Vallée, à la commune de Flassans-sur-Issole et au directeur départemental des finances publiques du Var.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 31 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président de chambre,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 novembre 2022.

2

N° 20MA02279


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02279
Date de la décision : 14/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968 - Champ d'application.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Isabelle RUIZ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : HUMBERT SIMEONE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-14;20ma02279 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award