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03/10/2022 | FRANCE | N°21MA00769

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 03 octobre 2022, 21MA00769


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté en date du 22 octobre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 000 euros à verser à son avocat en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du

10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté en date du 22 octobre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 000 euros à verser à son avocat en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 2004311 du 22 décembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2021, M. A... B..., représenté par Me Mimouna, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 22 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 22 octobre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 000 euros à verser à son avocat en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- les stipulations des articles 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnues dès lors qu'il sera empêché d'honorer une convocation devant le tribunal correctionnel le 19 avril 2021 ;

- la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- il entend exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 10 octobre 2002, de nationalité tunisienne, est entré en France le 2 août 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Interpellé le 20 octobre 2020, il a été placé en garde à vue pour acquisition et détention de produits stupéfiants et offre et cession de produits stupéfiants. Par un arrêté du 22 octobre 2020, le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement n° 2004311 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté précité du 22 octobre 2020.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Par ailleurs, en vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". En l'espèce, l'arrêté en litige vise les textes dont il fait application, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise également, de manière suffisamment circonstanciée, les faits et les motifs qui en constituent le fondement, notamment la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Par suite, bien qu'il n'ait pas été fait mention de la scolarité de l'intéressé ni de la présence de sa tante en France, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté.

3. En second lieu, si M. B... indique avoir reçu une convocation devant le tribunal correctionnel de Nice en vue d'une audience le 19 avril 2021 pour les faits pour lesquels il a été placé en garde à vue le 20 octobre 2020, il lui était loisible de se faire représenter à cette audience et de se prévaloir des dispositions de l'article 410 du code de procédure pénale, selon lesquelles " Le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître, à moins qu'il ne fournisse une excuse reconnue valable par la juridiction devant laquelle il est appelé (...) ", et ainsi d'assurer de manière effective sa défense. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que son éloignement a pour effet de méconnaître son droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 (...) ".

5. La décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est motivée par le fait que l'intéressé ne peut présenter de documents de voyage ou d'identité en cours de validité, se maintient en situation irrégulière depuis 2 ans sans aucune démarche de régularisation et ne peut justifier être entré régulièrement en France. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait de cette décision doit être écarté.

6. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a, avant l'édiction de l'arrêté attaqué, pas présenté de document de voyage ou d'identité en cours de validité. Par suite, et à supposer même qu'il justifie d'un lieu de résidence effective chez sa tante, il pouvait, en application des dispositions précitées, eu égard au risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français, faire l'objet d'un refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. Le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur d'appréciation doit, dès lors, être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la date de la décision contestée : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. Il ressort des termes mêmes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'énumèrent ces dispositions, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

10. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

11. Pour fixer le principe et la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. B..., le préfet des Alpes-Maritimes a tenu compte de l'entrée et des conditions de séjour de l'intéressé sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de circonstances tenant à sa vie privée et familiale et du fait qu'il a été interpellé le 20 octobre 2020 et placé en garde à vue pour acquisition et détention de produits stupéfiants et offre et cession de produits stupéfiants. Il a ainsi suffisamment motivé la décision attaquée.

12. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'est entré que récemment en France, en août 2018 à l'âge de 16 ans après avoir passé le reste de sa vie dans son pays d'origine. Par ailleurs, il est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents. Il est, par ailleurs, connu défavorablement des services de police. Ainsi, en dépit de la scolarité suivie en France dans un lycée professionnel, le préfet des Alpes-Maritimes n'a, en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

13. Il résulte de tout de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. L'ensemble des conclusions de la requête, y compris et en tout état de cause celles présentées par l'avocat de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit être rejeté par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2022.

N° 21MA00769 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00769
Date de la décision : 03/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : MIMOUNA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-03;21ma00769 ?
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