Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une ordonnance n° 2200890 en date du 4 août 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, a prononcé la suspension de l'exécution de l'arrêté du 14 février 2022 du maire de Lecci accordant un permis d'aménager à la SARL Arciquadra Suprana II.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 août 2022 sous le n° 22MA02303, la SARL Arciquadra Suprana II représentée par le cabinet Talliance avocats demande :
1°) d'annuler cette ordonnance du 4 août 2022 ;
2°) de rejeter le déféré préfectoral;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- L'ordonnance n'est pas motivée ;
- Les dispositions de l'article L.121-8 du code de l'urbanisme ne sont pas méconnues compte tenu des caractéristiques du secteur d'assiette du projet ;
- Les dispositions de l'article L.121-10 du même code ne sont pas davantage méconnues ;
Par un mémoire enregistré le 20 septembre 2022, la commune de Lecci représentée par Me Vaillant demande à la cour d'annuler l'ordonnance du 4 août 2022, de rejeter la requête du préfet et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- L'ordonnance n'est pas suffisamment motivée ;
- Le terrain d'assiette du projet est situé dans un espace urbanisé au sens des dispositions de l'article L.121-8 du code de l'urbanisme et est caractérisé par une densité significative des constructions au sens du PADDUC ;
- En tout état de cause, le terrain, qui est identifié par le PADDUC comme une tâche urbaine, doit être regardé comme un espace nécessitant un renforcement urbain au sens dudit plan ;
- Compte tenu des autorisations accordées dans le secteur et qui n'ont pas été contestées, le principe d'égalité devant la loi a été méconnu ;
- Le PLU de la commune, et en particulier la zone U3, terrain d'assiette du projet en litige, n'est pas incompatible avec les dispositions de l'article L.121-8 et le PADDUC.
Par un mémoire enregistré le 21 septembre à 9h34, le préfet de la Corse-du-Sud conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la société Arciquadra Suprana II et de la commune de Lecci ne sont pas fondés.
Vu :
- Les autres pièces du dossier ;
- La décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille donnant délégation à M. A..., premier vice-président, président de la 5ème chambre, pour juger les référés.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 21 septembre 2022 :
- le rapport de M. Bocquet, juge des référés,
- les observations de Me Pozzo Di Borgo, représentant la Sarl Arciquadra Suprana II, confirmant les conclusions de la requête et reprenant l'ensemble des moyens ;
- et les observations de Me Vaillant, représentant la commune de Lecci, maintenant et développant les moyens de son mémoire, accompagnées des observations du maire de Lecci.
La clôture de l'instruction a été prononcée au terme de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Par une ordonnance n°2200890 du 4 août 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a suspendu à la demande du préfet de la Corse-du-Sud l'exécution de l'arrêté du 14 février 2022 du maire de Lecci accordant un permis d'aménager à la SARL Arciquadra Suprana II pour un lotissement de 25 lots sur un terrain situé au lieu-dit Arciquadra.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Pour justifier la suspension de l'exécution de l'arrêté en litige sur déféré du préfet de la Corse-du-Sud, le premier juge a cité les dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales qui indiquent en particulier que " le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ". Il a ensuite considéré qu'en l'état de l'instruction, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC lui apparaissait de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du permis d'aménagement. Ce faisant, conformément aux exigences légales et eu égard à son office, le premier juge a suffisamment motivé son ordonnance alors même qu'il n'a pas précisé les faits le conduisant à retenir ce moyen.
Sur le bien-fondé de la suspension :
3. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'urbanisation peut être autorisée en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction nouvelle ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages. En outre, dans les secteurs déjà urbanisés ne constituant pas des agglomérations ou des villages, des constructions peuvent être autorisées en dehors de la bande littorale des cent mètres et des espaces proches du rivage dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 121-8 sous réserve que ces secteurs soient identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme. Pour l'application de ces dernières dispositions, l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique prévoit, dans son paragraphe IV, que dans les communes de la collectivité de Corse n'appartenant pas au périmètre d'un schéma de cohérence territoriale en vigueur, le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC) peut se substituer à ce schéma.
5. Le PADDUC, qui précise, en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, les modalités d'application des dispositions citées ci-dessus, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'elle constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la microrégion ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. En outre, le PADDUC prévoit, que, pour apprécier si un projet s'implante en continuité d'un village ou d'une agglomération, il convient de tenir compte de critères tenant à la distance de la construction projetée par rapport au périmètre urbanisé existant, à l'existence de ruptures avec cet ensemble, tels qu'un espace naturel ou agricole ou une voie importante, à la configuration géographique des lieux et aux caractéristiques propres de la forme urbaine existante. Les prescriptions mentionnées ci-dessus apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions précitées du code de l'urbanisme particulières au littoral. Enfin, eu égard, d'une part, au seul rapport de compatibilité prévu entre le plan local d'urbanisme et les règles spécifiques à l'aménagement et à la protection du littoral et, d'autre part, au rapport de conformité qui prévaut entre les décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation du sol et ces mêmes règles, la circonstance qu'une telle décision respecte les prescriptions du plan local d'urbanisme ne suffit pas à assurer sa légalité au regard des dispositions directement applicables des articles L. 121-8 et suivants du code de l'urbanisme.
6. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, d'une superficie de 28 749m², est implanté dans un secteur en voisinage immédiat avec de vastes espaces naturels et est très éloigné du village de Lecci. Si, comme le soutiennent la société requérante et la commune, des constructions existent ou sont en cours de réalisation, sont desservies par les réseaux et se situent à proximité du terrain en litige, celles-ci ne se caractérisent pas comme un ensemble cohérent et constituent un habitat diffus qui ne répond pas aux prescriptions évoquées ci-dessus. Si, par ailleurs, la commune de Lecci se prévaut des prescriptions du PADDUC permettant de prévoir le renforcement urbain de certains espaces urbanisés qui ne constituent ni une agglomération ni un village, il résulte des termes mêmes des prescriptions qu'il contient que cette possibilité est en tout état de cause subordonnée, ce qui n'est pas établi, à l'identification de ces espaces dans le document d'urbanisme local. En outre, la circonstance, à la supposer même vraie, que le secteur serait identifié par le PADDUC comme une tâche urbaine est sans incidence sur le litige dès lors que le livret III du plan précise que cette modélisation " n'a aucune portée juridique et ne saurait être confondue avec l'espace urbanisé ". Enfin, la circonstance que plusieurs autorisations de construire auraient été délivrées depuis l'année 2008 dans un environnement proche du terrain en litige, sans être contestées par des tiers ou par le préfet, ne révèle pas en soi une rupture du principe d'égalité devant la loi alors surtout qu'il n'est pas versé au dossier des éléments objectifs permettant d'établir une atteinte à ce principe. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC paraît propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis d'aménager.
7. Il résulte de ce qui précède que la Sarl Arciquadra Suprana II n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a ordonné la suspension de l'exécution de l'exécution de l'arrêté du 14 février 2022 du maire de Lecci. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE
Article 1 : La requête de la Sarl Arciquadra Suprana II est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Lecci, à la Sarl Arciquadra Suprana II et au préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud.
Copie de la présente ordonnance sera transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Ajaccio.
Fait à Marseille, le 28 septembre 2022.
N° 22MA02303 2