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11/07/2022 | FRANCE | N°20MA03516

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 11 juillet 2022, 20MA03516


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2018 par lequel le maire de Barrettali a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de régulariser une terrasse en bois existante et de créer une terrasse couverte sur les parcelles cadastrées section OD nos 26, 27, 28 et 30, lieu-dit " Pietrarita ", ainsi que la décision implicite par laquelle la préfète de Corse a rejeté son recours préalable contre l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments

de France du 10 octobre 2018.

Par un jugement n° 1900560 du 11 juin 2020, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2018 par lequel le maire de Barrettali a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de régulariser une terrasse en bois existante et de créer une terrasse couverte sur les parcelles cadastrées section OD nos 26, 27, 28 et 30, lieu-dit " Pietrarita ", ainsi que la décision implicite par laquelle la préfète de Corse a rejeté son recours préalable contre l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France du 10 octobre 2018.

Par un jugement n° 1900560 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 2 novembre 2018 du maire de Barrettali et a enjoint au maire de Barrettali de délivrer à M. A... le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 14 septembre 2020, et un mémoire du 29 avril 2022, la ministre de la culture demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 11 juin 2020 et de rejeter les conclusions de première instance de M. A....

La ministre de la culture soutient que :

- le tribunal s'est mépris sur la portée de l'arrêté en date du 28 décembre 1984 portant inscription sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques de l'église de San Pantaleone dès lors que la totalité de cet édifice y est inscrite ;

- une covisibilité existe entre la propriété de M. A... et l'église ;

- l'avis de l'architecte des bâtiments de France, qui était requis par l'article L.632-2- I du code du patrimoine, est justifié par l'atteinte portée par le projet aux abords de l'église.

La requête a été communiquée à la commune de Barrettali et à M. B... A... qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- vu le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 1900560 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé, à la demande de M. A..., l'arrêté du 2 novembre 2018 par lequel le maire de Barrettali a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de régulariser une terrasse en bois existante et de créer une terrasse couverte attenante à la maison individuelle, et a enjoint au maire de la commune de délivrer à M. A... le permis de construire sollicité. La ministre de la culture relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. /Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ". Il résulte du jugement attaqué que ce dernier comporte dans ses motifs, la mention des dispositions législatives dont il fait application. Dès lors, ce jugement n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le fond :

3. Aux termes de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. / Le préfet de région adresse notification de la demande dont il est saisi au maire s'il n'est pas l'autorité compétente, et à l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme. / Le délai à l'issue duquel le préfet de région est réputé avoir confirmé la décision de l'autorité compétente en cas de recours du demandeur est de deux mois. / Si le préfet de région infirme le refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme statue à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception de la décision du préfet de région ". Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. / La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. (...) ". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. / Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues aux articles L. 632-2 et L. 632-2-1 ". Aux termes de l'article L. 632-2 de ce code : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. (...) En cas de silence de l'architecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné. (...) ". Aux termes de l'article R. 423-54 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, l'autorité compétente recueille l'accord (...) de l'architecte des Bâtiments de France ". Aux termes de l'article R. 425-1 du même code, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées ".

4. Il résulte notamment de la combinaison des dispositions du code du patrimoine que ne peuvent être délivrés qu'avec l'accord de l'architecte des Bâtiments de France les permis de construire portant sur des immeubles situés, en l'absence de périmètre délimité, à moins de cinq cents mètres d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, s'ils sont visibles à l'œil nu de cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre de cinq cents mètres entourant l'édifice en cause.

5. Le tribunal administratif a annulé le refus de permis de construire du 2 novembre 2018 au motif que seul le décor intérieur de l'église San Pantaleone avait fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques, que, de ce fait, la construction n'entrait pas dans le champ de visibilité d'un monument historique au sens de l'article L. 621-30 du code du patrimoine, et qu'ainsi, le projet n'était pas soumis à l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Toutefois, selon l'arrêté du 28 décembre 1984, produit pour la première fois en appel : " est inscrite sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, en totalité, l'église San Pantaleone à Barretali, figurant au cadastre, section D, sous le n°505 d'une contenance de 3 a 52 ca et appartenant à la commune ". En outre, l'inscription de cet immeuble à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques a fait l'objet d'une publication au Journal officiel du 30 mars 1985 sur la liste des immeubles classés parmi les monuments historiques et inscrits sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques au cours de l'année 1984. Ainsi, la décision d'inscription était opposable aux tiers, notamment à M. A..., à compter de sa publication. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des plans et des photographies que le terrain d'assiette du projet, situé à 380 mètres environ de l'église de San Pantaleone, est visible en même temps que celle-ci. Ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Bastia, l'accord de l'architecte des bâtiments de France était requis par les dispositions précitées.

6. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

7. Le projet de M. A... porte, d'une part, sur la réalisation d'une terrasse adossée à la façade est d'une maison d'habitation, couverte d'une treille réalisée en bois massif d'essence locale et reposant sur des murets habillés de pierre, et, d'autre part, sur la régularisation d'une terrasse existante en bois composite de 110 mètres carrés, située en façade sud de la construction. L'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France, implicitement confirmé par la préfète de Corse, est motivé par la nature des travaux, et par leur proportion trop importante au regard de la construction existante, qui feraient obstacle à une intégration harmonieuse aux abords du monument historique. Toutefois, il ressort des écritures de la préfète et de la ministre que les autorités de l'Etat, qui se sont notamment appuyées sur la charte architecturale et paysagère élaborée dans le cadre de la communauté de communes du Cap Corse, se sont à tort fondées sur le caractère traditionnel capcorsin de l'habitation de M. A... et des constructions situées à ces abords, alors que celles-ci présentent essentiellement un caractère contemporain. Il ressort des pièces du dossier, notamment des plans et photos joints à la demande de permis, que les travaux demeurent d'une ampleur raisonnable au regard de la propriété de M. A..., qui s'étend sur une surface de 1 680 mètres carrés. Les matériaux utilisés pour les réaliser ne tranchent pas par rapport à l'habitation et aux constructions avoisinantes. Le projet est distant du monument historique et ses éléments sont peu visibles, notamment du fait de leur horizontalité. Par suite, l'architecte des bâtiments de France et la préfète de Corse ont inexactement qualifié les faits en retenant que le projet portait atteinte à un édifice protégé au titre des monuments historiques, en méconnaissance de l'article L. 631-32 du code de l'urbanisme. Dès lors, son avis défavorable et le refus de permis de construire subséquent sont entachés d'illégalité.

8. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la culture n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 2 novembre 2018 du maire de Barrettali et enjoint à ce dernier de délivrer le permis demandé.

D É C I D E :

Article 1er : Le recours de la ministre de la culture est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la culture, à la commune de Barrettali et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président-rapporteur,

- M. C... et Mme E..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2022.

2

N° 20MA03516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03516
Date de la décision : 11/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : CABINET MUSCATELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-07-11;20ma03516 ?
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