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24/06/2022 | FRANCE | N°21MA04553

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 24 juin 2022, 21MA04553


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Les quatre chemins a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2013 par lequel le préfet du Var a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation sur le territoire de la commune de Roquebrune-sur-Argens.

Par un jugement n° 1400669 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17MA01104 du 4 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SCI Les quat

re chemins contre ce jugement.

Par une décision n° 436071 du 24 novembre 2021, le Cons...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Les quatre chemins a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2013 par lequel le préfet du Var a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation sur le territoire de la commune de Roquebrune-sur-Argens.

Par un jugement n° 1400669 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17MA01104 du 4 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SCI Les quatre chemins contre ce jugement.

Par une décision n° 436071 du 24 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 4 octobre 2019 et a renvoyé devant la Cour l'affaire où elle a été de nouveau enregistrée sous le numéro 21MA04553.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2021, sous le n° 21MA04553, la SCI Les quatre chemins, représentée par Me Marques, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2017 ;

2°) à titre principal d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2013 du préfet du Var portant approbation du plan de prévention des risques d'inondation sur le territoire de la commune de Roquebrune-sur-Argens ;

3°) à titre subsidiaire de l'annuler en tant qu'il a classé les parcelles lui appartenant en zone rouge R1 et d'enjoindre au préfet du Var de modifier le PPRI du 20 décembre 2013 en procédant au classement de ses parcelles en zone bleu B1 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la communauté de communes Pays de Mer Estérel n'a pas été associée à l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation ;

- le document graphique intitulé " cartographie des hauteurs d'eau - crue de référence " est illisible ;

- tant l'avis rendu par le commissaire-enquêteur sur le projet de plan de prévention des risques d'inondation que les recommandations qu'il a émises ne sont motivés ;

- ses parcelles, qui font partie de la ZAC des Garillans, auraient dû se voir appliquer la cote altimétrique de terrain de 11,63 retenue pour l'ensemble de cette zone ;

- l'administration s'est fondée sur des données topographiques qui ne correspondent pas à la réalité du terrain ;

- la méthodologie de fixation des cotes de plus hautes eaux est insuffisamment précise et ces cotes sont exagérées ;

- le caractère prétendument illégal des remblais n'a jamais été judiciairement constaté et l'éventuelle infraction au code de l'urbanisme est désormais prescrite ;

- les dispositions de l'article R. 421-23 n'exigent le dépôt d'une déclaration que pour les exhaussements de terrain d'une hauteur supérieure à deux mètres ;

- en se fondant sur un relevé topographique de 2004, le préfet a commis un détournement de pouvoir et à tout le moins une erreur manifeste d'appréciation ;

- alors qu'elles reposent sur les mêmes études, les cartes établies dans le cadre de l'élaboration du document " Territoires à Risques Importants d'inondation " (TRI) Est-Var aboutissent à des classements contradictoires avec ceux issus des cartes établies dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation en cause ;

- les parcelles en cause ne pouvaient être classées en zone R1 dès lors que le critère de la vitesse d'eau n'était pas rempli ;

- ces parcelles auraient dû être classées en zone B1 dès lors qu'elles étaient en réalité soumises à un aléa modéré ;

- le bâtiment commercial situé sur les parcelles AO 460 et AO 464 n'a pas été touché par les inondations de juin 2010 et les parcelles en cause n'ont pas été inondées lors des inondations survenues en octobre 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire non communiqué présenté par la SCI Les quatre chemins a été enregistré le 3 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Marques pour la SCI Les quatre chemins.

Une note en délibéré présentée pour la SCI Les quatre chemins a été enregistrée le 10 juin 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Les quatre chemins a acquis en 1993 deux unités foncières composées respectivement de deux parcelles cadastrées AO 460 et AO 464 d'une surface de 2 649 m² et de trois parcelles cadastrées AO 459, AO 463 et AO 472 d'une surface de 4 644 m², situées sur le territoire de la commune de Roquebrune-sur-Argens. Elle s'est vu délivrer pour la première de ces unités un permis de construire le 2 janvier 2008 afin d'édifier un bâtiment commercial, dont la construction a été réalisée, et a obtenu le 6 mars 2008 pour la seconde unité foncière un certificat d'urbanisme positif en vue de réaliser un ou plusieurs bâtiments à usage commercial. Suite à d'importantes inondations survenues en juin 2010, le préfet a, par arrêté du 8 septembre 2010, abrogé l'arrêté du 10 avril 2000 par lequel il avait prescrit l'élaboration d'un plan de prévention des risques d'inondation sur le territoire de cette commune et a de nouveau prescrit l'élaboration d'un tel plan. Par arrêté du 20 décembre 2013, le préfet a approuvé ledit plan. La SCI Les quatre chemins relève appel du jugement du 19 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 562-3 du code de l'environnement : " Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles. / Sont associés à l'élaboration de ce projet les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale concernés (...) ". Aux termes de l'article R. 562-2 du code de l'environnement : " L'arrêté prescrivant l'établissement d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles détermine le périmètre mis à l'étude et la nature des risques pris en compte. Il désigne le service déconcentré de l'Etat qui sera chargé d'instruire le projet. (...) / Cet arrêté définit également les modalités de la concertation et de l'association des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale concernés, relatives à l'élaboration du projet. / Il est notifié aux maires des communes ainsi qu'aux présidents des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour l'élaboration des documents d'urbanisme dont le territoire est inclus, en tout ou partie, dans le périmètre du projet de plan. / (...) ".

3. Si, ainsi qu'il ressort de la fiche signalétique issue de la base nationale sur l'intercommunalité (BANATIC) produite par la société requérante dans sa version actualisée par la direction générale des collectivités locales au 10 février 2010, la communauté de communes Pays-de-Mer Estérel, créée par arrêté du préfet du Var du 30 novembre 2009 et dont la commune de Roquebrune-sur-Argens est membre depuis janvier 2010, disposait d'une compétence en matière de schéma de cohérence territoriale, il ressort également de ce document que cet établissement public de coopération intercommunale était, à cette même date, adhérent du syndicat mixte SCOT Var-Est. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la communauté de communes Pays-de-Mer Estérel aurait entendu exercer cette compétence en dehors de celles dévolues à ce syndicat, dont il n'est au demeurant pas contesté que les deux communes composant cet établissement public de coopération intercommunale étaient adhérentes depuis sa création en 2002.

4. La circonstance selon laquelle la communauté d'agglomération Var Estérel Méditerranée (CAVEM), qui a été créée par arrêté du préfet du Var le 13 décembre 2012 et dont la commune de Roquebrune-sur-Argens est membre depuis janvier 2013, a arrêté son schéma de cohérence territoriale le 24 février 2017 ne saurait suffire à établir que la communauté de communes Pays-de-Mer Estérel, qui selon l'affirmation de la société appelante serait " devenue " la CAVEM, aurait entendu exercer elle-même ladite compétence. Il ressort au demeurant des énonciations de la fiche signalétique BANATIC concernant le syndicat mixte SCOT Var-Est, librement accessible sur le site internet du ministère de l'intérieur tant au juge qu'aux parties, qu'à la date du 19 février 2011, soit postérieurement au 8 septembre 2010, date à laquelle le préfet du Var a pris l'arrêté prescrivant l'élaboration d'un plan de prévention des risques d'inondation sur le territoire de la commune de Roquebrune-sur-Argens, ce syndicat à compétence unique comptait quatre membres, dont la communauté de communes Pays-de-Mer Estérel. La fiche concernant cette dernière, actualisée à cette même date du 19 février 2011 et également accessible sur le site internet du ministère de l'intérieur, indique qu'elle était alors toujours adhérente du syndicat mixte SCOT Var-Est. C'est dès lors à juste titre que le préfet a notifié l'arrêté précité du 8 septembre 2010 afin que ce syndicat mixte fermé, qui constitue un " groupement de collectivités territoriales " en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, soit associé à l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation en cause au titre des " collectivités territoriales concernées " mentionnées à l'article L. 562-2 du code de l'environnement. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 562-2 du code de l'environnement, cet arrêté n'a pas été notifié à la communauté de communes Pays-de-Mer Estérel et qu'en violation de l'article L. 562-3 de ce code, cet établissement public de coopération intercommunale n'a pas été associé à l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation en cause.

5. En deuxième lieu, le document graphique intitulé " cartographie des hauteurs d'eau - crue de référence ", qui était joint au dossier soumis à l'enquête publique, représente les hauteurs d'eau pour le territoire concerné selon quatre tranches, soit de 0 à 0,5 m, de 0,5 à 1 m, de 1 à 2 m et plus de 2 m, les zones correspondantes étant chacune colorées en nuances de bleu allant respectivement du bleu pâle au bleu marine. Eu égard à l'objet de ce document, qui n'avait qu'une vocation informative et ne présentait pas un caractère réglementaire, son degré de précision et sa lisibilité étaient suffisants. Il permet d'ailleurs clairement de constater que les parcelles en litige se situent dans la zone colorée en bleu foncé, qui correspond selon la légende à la tranche de 1 à 2 m de hauteur d'eau.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ". Si le commissaire-enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête, il doit porter une analyse sur les questions soulevées par ces observations et émettre un avis personnel sur le projet soumis à enquête en indiquant les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

7. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire-enquêteur a, au terme de l'enquête publique, émis un avis favorable sur le projet de plan de prévention des risques d'inondation assorti de plusieurs recommandations aux motifs que l'enquête s'est déroulée conformément aux textes en vigueur et aux dispositions de l'arrêté préfectoral et que " malgré des marges de manœuvres limitées au regard des impératifs de protection des biens et des personnes, quelques pistes d'amélioration du projet peuvent être lancées ". Le commissaire a également indiqué que par ses observations, le public a signifié une certaine défiance à l'égard de certaines dispositions du projet, notamment dans le secteur de la Bouverie, sans que selon lui cela constitue cependant un signe de rejet dudit projet.

8. En quatrième lieu, il ressort des énonciations tant de la note de présentation du plan de prévention des risques d'inondation en cause que de son règlement que le zonage réglementaire de ce plan résulte du croisement entre les aléas et les enjeux et que, dans les zones urbanisées autres que les centres urbains denses telles que la zone dans laquelle sont situées les parcelles appartenant à la SCI Les quatre chemins, le seul fait que les terrains seraient exposés à des hauteurs d'eau comprises entre un et deux mètres, ce qui correspond selon ces documents à une qualification d'aléa " fort, hauteur ", suffit à ce qu'ils soient classés en zone rouge R1, quelle que soit la vitesse d'eau. La circonstance selon laquelle la vitesse d'eau serait comprise entre 0 et 0,5 mètre par seconde au droit des parcelles en litige est dès lors sans influence sur leur classement.

9. En cinquième lieu, l'article L. 562-1 du code de l'environnement dispose que : " I.- L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II.- Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; (...) ". L'article R. 562-2 du code précité dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté dispose que : " L'arrêté prescrivant l'établissement d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles détermine le périmètre mis à l'étude et la nature des risques pris en compte. Il désigne le service déconcentré de l'Etat qui sera chargé d'instruire le projet. (...) ". Selon l'article R. 562-3 du même code en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Le dossier de projet de plan comprend : / 1° Une note de présentation indiquant le secteur géographique concerné, la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles, compte tenu de l'état des connaissances ; / 2° Un ou plusieurs documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 ; / 3° Un règlement précisant, en tant que de besoin : / a) Les mesures d'interdiction et les prescriptions applicables dans chacune de ces zones en vertu des 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 ; / b) Les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde mentionnées au 3° du II de l'article L. 562-1 et les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existant à la date de l'approbation du plan, mentionnées au 4° de ce même II. Le règlement mentionne, le cas échéant, celles de ces mesures dont la mise en œuvre est obligatoire et le délai fixé pour celle-ci. ".

10. Il résulte des articles L. 562-1 et R. 562-3 du code de l'environnement que le classement de terrains par un plan de prévention des risques d'inondation a pour objet de déterminer, en fonction de la nature et de l'intensité du risque auquel ces terrains sont exposés, les interdictions et prescriptions nécessaires, à titre préventif, notamment pour ne pas aggraver le risque pour les vies humaines. La nature et l'intensité du risque doivent être appréciés de manière concrète au regard notamment de la réalité et de l'effectivité des ouvrages de protection ainsi que des niveaux altimétriques des terrains en cause à la date à laquelle le plan est établi. Il n'en va différemment que dans les cas particuliers où il est établi qu'un ouvrage n'offre pas les garanties d'une protection effective ou est voué à disparaître à brève échéance. Par suite, l'autorité en charge de l'élaboration d'un PPRI ne peut légalement s'abstenir de tenir compte, lors de l'élaboration de ce document, de la modification de l'altimétrie de terrains résultant d'une opération de remblaiement au seul motif que celle-ci a eu lieu dans des conditions estimées irrégulières et présente, à ce seul titre, un caractère précaire dans l'attente d'une éventuelle régularisation, dont elle n'exclut pas la possibilité.

11. Premièrement, il ressort des pièces du dossier que, à la demande de la commune de Roquebrune-sur-Argens désireuse de mettre hors d'eau le parc d'activité des Garillans, le préfet du Var a pris le 31 janvier 1994 un arrêté portant règlement d'eau par lequel il a notamment prescrit, pour l'aménagement hydraulique de ce parc avec comme objectif la mise hors d'eau des terrains pour les crues de période de retour vingt ans pour l'Argens et trente ans pour le Blavet, un remblaiement sur 27 hectares à la cote de 11,63 mètres NGF au sud-est de la zone et de 11,73 mètres NGF au nord-ouest de cette même zone. Dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation contesté, les services de l'Etat ont décidé de tenir compte de ce remblaiement autorisé par cet arrêté et de fixer pour l'ensemble de la zone " aménagée à ce jour " une cote altimétrique de 11,63 mètres, conduisant à un classement des parcelles concernées en zone bleue.

12. Il ressort du plan annexé à cet arrêté préfectoral du 31 janvier 1994 que les parcelles en litige ne sont pas comprises dans le périmètre de cette zone. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet arrêté du 31 janvier 1994 et son plan annexé auraient été modifiés pour étendre ce périmètre et y inclure lesdites parcelles. Les lettres des 9 juillet 1996 et du 4 septembre 1996 signées es qualité par l'adjoint du subdivisionnaire de la direction départementale de l'équipement du Var et adressées à la représentante de la société requérante en réponse à des demandes de sa part, si elles font état d'un remblaiement et d'une cote de 11,60 mètres pour ce remblaiement, ne mentionnent pas les terrains concernés par cette opération ni même ne font référence aux travaux prescrits par l'arrêté du 31 janvier 1994 et ne sauraient dès lors en aucun cas être regardées comme autorisant, par elles-mêmes, la SCI Les quatre chemins à procéder au remblaiement de ses propres parcelles, lesquelles sont situées dans le lit majeur de l'Argens et sont donc soumises, au même titre que les terrains inclus dans le périmètre fixé par cet arrêté, à un risque de submersion par les eaux de ce fleuve en cas de crue. La lettre du 20 août 1996 de la société provençale d'équipement (SPE), à qui a été confiée par l'arrêté précité du 31 janvier 1994 la charge de procéder pour le compte de la commune de Roquebrune-sur-Argens à l'opération de remblaiement dans le périmètre fixé, qui se borne à indiquer à la gérante de la SCI Les quatre chemins qu'elle ne voit pas d'obstacle à ce que cette dernière clôture son terrain " en limite du fossé d'eaux pluviales réalisé par nos soins ", ne saurait davantage établir que les parcelles en cause se situeraient dans le périmètre tel qu'il a été fixé par cet arrêté préfectoral. En outre, dès lors que, ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet arrêté du 31 janvier 1994 et le plan qui y était annexé, lequel n'inclut pas les parcelles en cause dans le périmètre concerné par les travaux de remblaiement prescrits, auraient fait l'objet de modification, la circonstance selon laquelle ces parcelles feraient effectivement partie du parc d'activité des Garillans ne peut aucunement avoir pour effet de leur rendre de fait applicable le traitement que les services de l'Etat ont réservé aux terrains inclus dans ce périmètre dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation querellé. En conséquence, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que ses parcelles auraient dû se voir appliquer la cote altimétrique de terrain de 11,63 mètres NGF retenue par l'administration pour les terrains de ce parc d'activité.

13. Deuxièmement, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant en compte, pour fixer à 2,36 mètres la cote des plus hautes eaux au droit des parcelles en litige, les relevés des plus hautes eaux disponibles réalisés en trois points distants respectivement d'environ 230 mètres, 560 mètres et 720 mètres de ces parcelles, l'administration aurait fixé cette cote à un niveau erroné ni que ce niveau aurait été moins élevé si des relevés plus nombreux à distance plus réduite desdites parcelles avaient été effectués.

14. Troisièmement, s'agissant particulièrement des parcelles AO 459, AO 463 et AO 472, qui sont des terrains nus, il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies jointes au procès-verbal d'infraction dressé le 28 juin 2011 et des déclarations de la gérante de la société lors de son audition par la gendarmerie le 28 janvier 2012, que la société a procédé depuis 1996 à de simples apports de terre ayant pour seule finalité de combler les flaques d'eau stagnantes et que l'utilisation finale desdits remblais ne peut être déterminée. Il est constant d'ailleurs que ces parcelles ont été inondées lors des inondations des 15 et 16 juin 2010 et le procès-verbal dressé le 11 octobre 2018 par un huissier de justice, qui se borne à établir l'absence d'inondation sur ces mêmes parcelles, ne peut suffire à lui seul à établir la garantie de protection effective des remblais dès lors, d'une part, qu'il n'est pas établi que cette crue de 2018 aurait entrainé une montée des eaux à un niveau équivalent à celui des plus hautes eaux de la crue de référence et, d'autre part, que la garantie de protection doit s'apprécier sur la durée et malgré la répétition des phénomènes. Il en va de même s'agissant des remblais des parcelles construites AO 460 et AO 464 pour lesquelles la société ne produit aucun élément permettant d'établir la solidité de la structure ou la preuve que ces derniers offriraient une protection effective, eu égard notamment à leurs caractéristiques et aux garanties données quant à leur entretien. Si, pour l'ensemble des parcelles en cause, les remblais ont eu pour effet de rehausser le niveau du terrain par rapport aux voies publiques qui le longent, il ressort des pièces du dossier qu'aucun ouvrage de soutènement à même de garantir leur maintien, notamment en cas de fortes intempéries et d'inondation, n'a été édifié. Par suite, il n'est pas démontré que ces apports de terre successifs, effectués illégalement sans logique d'ensemble, auraient effectivement pour objet de protéger les parcelles concernées contre le risque d'inondation. Dans ces conditions, c'est à bon droit et sans commettre de détournement de pouvoir ni d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet a, dans le cadre de l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation contesté, retenu pour les parcelles AO 460 et AO 464 la cote altimétrique de 10,60 mètres et pour les parcelles AO 459, AO 463 et AO 472 la cote altimétrique de 10,50 mètres, en se fondant sur le document topographique que la SCI Les quatre chemins avait elle-même produit le 19 avril 2004 dans le cadre d'une précédente procédure d'élaboration d'un tel plan et a approuvé, en conséquence, le classement des parcelles en zone rouge du PPRI.

15. Est par ailleurs sans incidence sur le litige la circonstance selon laquelle les documents établis dans le cadre de la procédure " Territoires à Risques Importants d'inondation " (TRI) Est-Var, qui traite également du risque inondation mais n'a ni le même objet, ni les mêmes effets qu'un plan de prévention des risques d'inondation, représentent les remblais en cause et tiennent compte de la hauteur réelle des terrains.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Les quatre chemins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Les quatre chemins est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les quatre chemins et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2022, où siégeaient :

- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2022.

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N° 21MA04553

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04553
Date de la décision : 24/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-08 Nature et environnement. - Divers régimes protecteurs de l`environnement. - Prévention des crues, des risques majeurs et des risques sismiques.


Composition du Tribunal
Président : Mme CIREFICE
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-24;21ma04553 ?
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