Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la cour a désigné Mme Massé-Degois, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL La Chrysalide relève appel du jugement du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 octobre 2014, en droits, pénalités et intérêts de retard.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux critiques formulées par la société requérante à l'encontre de la méthode suivie par l'administration pour déterminer le montant du chiffre d'affaires au titre des exercices en litige et, contrairement à ce qu'elle soutient, a notamment répondu au point 8 de ce jugement, par des motifs suffisamment précis et circonstanciés, à l'assertion selon laquelle le service vérificateur aurait insuffisamment tenu compte de la dégradation de ses conditions d'exploitation au cours de l'année 2013. Par suite, la SARL La Chrysalide n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. La société La Chrysalide réitère en appel son moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas répondu à l'un de ses arguments concernant l'existence d'un récapitulatif journalier de recettes, dits " tickets Z ", en persistant à se prévaloir de la méconnaissance du principe du contradictoire qui n'a, contrairement à ce qu'elle soutient, nullement pour effet de faire obligation à l'administration de répondre à tous les arguments avancés par le contribuable. En tout état de cause, il ressort des termes mêmes de la décision datée du 27 juin 2018 rejetant la réclamation de la requérante que l'administration a exposé dans cette décision les motifs l'ayant conduit à regarder lesdits tickets produits comme insuffisants en indiquant que " les tickets Z journaliers ne détaillant pas ces produits mais globalisant par touche les recettes / (...) le service doit pouvoir obtenir un ticket Z permettant de déterminer la nature du produit vendu avec son prix. ". Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant de la charge de la preuve :
4. La société requérante ne conteste pas que la charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe à cette dernière tandis que la charge de la preuve de l'exagération des impositions lui appartient en revanche ensuite lorsque le rejet de la comptabilité est fondé.
S'agissant du rejet de la comptabilité :
5. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. (...) ".
6. Il résulte de l'instruction que, pour écarter comme étant non sincère et non probante la comptabilité présentée, le service s'est fondé sur la circonstance que s'agissant de la période du 1er janvier au 30 juin 2012, l'établissement ne disposait pas de billetterie, de caisse enregistreuse, ni même de carnet à souche numéroté et inscrivait sur des registres journaliers les recettes de manière globalisée, ne faisant ainsi pas apparaître le détail des ventes. S'y ajoute le fait que, à compter du mois de juillet 2012, la seule présentation de tickets Z journaliers, sans doubles des tickets clients ni de carnet à souche avec suivi de numérotation, ne permettait pas d'identifier le détail des produits vendus et que, en globalisant l'ensemble des données d'une journée, ces tickets ne permettaient ni d'appréhender l'exhaustivité des opérations réalisées au cours d'une même journée ni d'effectuer un rapprochement entre les achats de marchandises, les stocks d'ouverture et de clôture d'exercice et les produits vendus. Si la société requérante fait valoir que, à compter du mois de juin 2012, elle utilisait deux caisses enregistreuses, l'une pour le paiement des entrées, dont la méthode d'enregistrement n'a pas été contestée par l'administration, l'autre pour le paiement des autres recettes, que l'administration a estimée défaillante au regard des règles comptables, il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification datée du 17 juillet 2015, que l'administration n'a pas écarté l'ensemble de la comptabilité mais remis en cause les seules recettes liées à cette seconde caisse et ainsi procédé à la seule reconstitution des recettes des consommations vendues au bar de la discothèque, de la " bal-néo " et du restaurant puis a ajouté à ce " chiffre d'affaires des liquides reconstitué " les recettes du restaurant et des entrées comptabilisées au grand livre pour ainsi déterminer un " chiffre d'affaires total reconstitué ". Dès lors, l'administration a pu à bon droit regarder la comptabilité qui lui était présentée comme partiellement non sincère et non probante et procéder par voie de conséquence à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société.
S'agissant de la reconstitution de recettes :
7. Au titre des années 2012 et 2013 en litige, le service vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires et le bénéfice de l'établissement exploité par la SARL La Chrysalide par la " méthode des liquides ". Ainsi, le service a utilisé l'ensemble des factures d'achats de liquides afférentes à la SARL La Chrysalide fournies par la gérante de la société, a pris en compte la variation des stocks telle que définie par la société et malgré les anomalies qu'il a constatées, a utilisé les dosages indiqués au cours des opérations de contrôle et les tarifs de l'année 2015, ceux-ci n'ayant pas évolués depuis l'année 2012, en effectuant une moyenne entre les prix pratiqués pour les consommations du bar de la " bal-néo " et ceux de la discothèque, en retenant un taux de 5 % au titre des pertes et offerts, porté à 7 % pour le café et à 10 % pour la bière. Puis, le service a déduit les boissons offertes comprises dans le prix d'entrée.
8. La société requérante fait valoir, en premier lieu, que l'administration n'a pas pris en compte le fait qu'elle a exercé son activité, du 1er juillet au 29 novembre 2013, dans des locaux provisoires où elle ne pouvait pas fournir les mêmes prestations à sa clientèle que celles offertes dans ses locaux précédents, notamment la " bal-néo ", et soutient qu'il est incohérent que les recettes reconstituées par l'administration pour les exercices 2012 et 2013 soient similaires. Il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, que le " chiffre d'affaires retenu " réalisé au titre de l'année 2013, tel qu'issu de la reconstitution de comptabilité figurant dans la proposition de rectification (289 238 euros), est inférieur de 16,7 % au chiffre d'affaire reconstitué de l'année 2012 (347 225 euros) et, d'autre part, que l'administration a reconstitué les recettes de l'exercice 2013 en prenant en compte les boissons achetées et revendues durant l'exercice complet. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que celle-ci n'a pas, contrairement à ce qu'elle soutient, exercé son activité durant seulement " 196 jours en 2013 au lieu de 365 en 2012 ", mais durant toute l'année 2013 ainsi que l'indiquent, d'une part, l'administration qui fait valoir que les tickets Z montrent une exploitation continue au cours de cette année et, d'autre part, les propres écritures de la société qui relate avoir cessé son activité à Saint-Cyr-sur Mer le 30 juin 2013, puis qu'une " exploitation limitée et dans des conditions compliquées a eu lieu du 01/07/2013 au 29/11/2013 " puis avoir rouvert le 29 novembre 2013 à La Seyne-sur-Mer. Dès lors, la critique selon laquelle la méthode utilisée par l'administration parviendrait à des résultats en incohérence avec la réalité économique de la société ne peut qu'être écartée.
9. La société requérante fait valoir, en deuxième lieu, que compte tenu de ce que son activité de club est totalement différente de celle des bars, restaurants et boîtes de nuit, les tickets Z donnent des détails tout à fait précis sur les prix de ventes unitaires et le nombre de ventes réalisées sur une journée jusqu'à l'édition du ticket Z qui clôture cette dernière. Mais comme il l'a été dit au point 6, ces seuls documents, en l'absence de doubles des tickets clients et de carnet à souche avec suivi de numérotation, insuffisamment probants, ne sont pas de nature à remettre en cause la pertinence de la méthode mise en oeuvre par le service.
10. La SARL La Chrysalide fait valoir, en troisième lieu, et par les mêmes arguments que ceux développés en première instance sans apporter de justification, que l'administration s'est méprise sur le nombre de cocktails et de mojitos réalisés et de Martini servis. Il résulte toutefois de l'instruction, ainsi que l'a jugé le tribunal par des motifs précis et circonstanciés aux points 10 et 11 de son jugement, motifs non sérieusement critiqués en appel, que le dosage de ces boissons retenu par l'administration résulte des déclarations de la gérante de la société requérante et que leur contestation n'est étayée d'aucun élément autre que de pures assertions.
11. Dans ces conditions, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire de la méthode suivie par le vérificateur, qui a analysé les données concrètes de la société, et qu'elle n'établit pas davantage l'exagération des impositions supplémentaires qui lui sont réclamées.
En ce qui concerne les pénalités :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
13. Il résulte de l'instruction que la SARL La Chrysalide n'a pas, tant en 2012 qu'en 2013, mis en place une comptabilité détaillant le produit de ses ventes ni tenu un inventaire de ses stocks, manquant ainsi gravement à ses obligations comptables qui ne se limitent pas, contrairement à ce qu'elle fait valoir dans ses écritures, à se doter de deux caisses enregistreuses agréées par les services fiscaux. Il résulte, en outre de l'instruction, que le montant des minorations de recettes qui ressortent de la reconstitution de recettes précise et complète effectuée par le vérificateur, fondée sur une étude menée contradictoirement et tenant compte des données propres à l'entreprise s'élève respectivement à 30 % et 82 % du chiffre d'affaires déclaré pour 2012 et 2013. Dans ces conditions, et comme l'a exactement jugé le tribunal, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de cette société d'éluder une partie de l'impôt dont elle était redevable. Dès lors, elle n'est pas fondée à contester la majoration de 40 % dont ont été assorties les impositions en litige sur le fondement des dispositions rappelées au point 12 ci-dessus de l'article 1729 du code général des impôts.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL La Chrysalide n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Par voie de conséquence de qui vient d'être dit, les conclusions de la SARL La Chrysalide tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme demandée au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL La Chrysalide est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Chrysalide et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la DIRCOFI Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, où siégeaient :
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Point, premier conseiller,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juin 2022.
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N° 21MA00031
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