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13/06/2022 | FRANCE | N°20MA02553

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 13 juin 2022, 20MA02553


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n°2002144 du 7 juillet 2020, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la

Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2020 sous le n°20MA02553, M. A... B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n°2002144 du 7 juillet 2020, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2020 sous le n°20MA02553, M. A... B..., représenté par Me Guigui, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat délégué du tribunal administratif de Nice du 7 juillet 2020 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 3 juin 2020 est insuffisamment motivé ; le préfet n'a pris en compte ni la durée de son séjour ni son travail et son domicile sur le territoire français ;

- il méconnaît les articles 7 quater et 11 de l'avenant du 8 septembre 2000 à l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991 entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république tunisienne en matière de séjour et de travail, ainsi que les articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'entré en France en 2005, il y séjourne habituellement depuis lors et y travaille en qualité de plaquiste et peintre en bâtiment et qu'il y justifie de liens familiaux, intenses, stables et anciens ;

- il méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une décision du 27 novembre 2020, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée.

II. Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2021 sous le n°21MA00178, M. A... B..., représenté par Me Hmad, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat délégué du tribunal administratif de Nice du 7 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer dans cette attente un récépissé lui permettant de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en ce qu'il écarte le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation et de la méconnaissance de son droit à être entendu sans que le préfet n'ait produit d'écritures en défense, en particulier le procès-verbal de son audition ;

- son droit à être entendu avant la prise d'une mesure d'éloignement, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé, en ce qu'il ne vise pas le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjours des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur de qualification juridique au regard des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjours des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il réside depuis plus de quinze ans en France, où sont présents de nombreux membres de sa famille en situation régulière et justifie ainsi y avoir établi le centre de ses attaches privées et familiales ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, concernant le séjour et le travail

des ressortissants tunisiens en France, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu en audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux requêtes distinctes, M. B... relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes susvisées ont été présentées par le même requérant, dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Les moyens tirés de l'absence d'examen complet et sérieux de la situation de M. B... et de la méconnaissance du droit de ce dernier à être entendu avant que ne soit pris à son encontre l'arrêté contesté n'étaient pas soulevés en première instance. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le premier juge, qui a examiné et répondu précisément au point 2 du jugement au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté, a insuffisamment motivé le jugement sur ce point, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, notamment le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à l'interdiction de retour, et énonce les considérations de fait qui en constituent le fondement, en particulier l'absence de circonstances humanitaires dont se prévaudrait l'intéressé, le caractère irrégulier de son entrée et de son séjour en France et les fortes attaches qu'il a conservées en Tunisie. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision d'éloignement est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de cette décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

6. En l'espèce, M. B... soutient qu'en l'absence de production du procès-verbal de son audition, le préfet des Alpes-Maritimes ne justifie pas l'avoir informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ni l'avoir mis en mesure de présenter, de manière utile et effective, ses observations sur l'éventualité d'une telle décision avant qu'il ne lui soit fait obligation de quitter le territoire français. Toutefois, le requérant n'établit ni même n'allègue avoir été privé de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de cette décision. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. B..., ressortissant tunisien né le 28 décembre 1979 à Sousse (Tunisie), soutient qu'entré en France en 2005, il y réside habituellement depuis lors, y travaille en qualité de plaquiste et peintre en bâtiment et y a établi le centre de sa vie privée et familiale, auprès de nombreux membres de sa famille de nationalité française ou titulaires d'une carte de résident. Toutefois, M. B... n'établit pas, par les pièces qu'il produit, le caractère habituel de son séjour en France antérieurement à l'été 2012. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans enfant et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, la Tunisie, où résident ses parents et une partie de sa fratrie. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté contesté, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, cet arrêté ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché cet arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. B....

9. Enfin, si M. B... se prévaut des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'établit pas avoir présenté de demande d'admission exceptionnelle au séjour avant que ne soit pris à son encontre l'arrêté contesté. Un tel moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté comme inopérant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2022.

N°s 20MA02553 - 21MA00178 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02553
Date de la décision : 13/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : GUIGUI;GUIGUI;AARPI OLOUMI et HMAD AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-13;20ma02553 ?
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