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13/05/2022 | FRANCE | N°21MA02863

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 13 mai 2022, 21MA02863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101845 du 29 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé l'

arrêté du 30 mars 2021.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101845 du 29 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 30 mars 2021.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2021, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. J... A... B... devant le tribunal administratif de Nice.

Il soutient que :

- c'est à tort que le jugement a prononcé l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2021 dès lors que les questions posées lors de son audition par les services de police ont permis à l'intéressé de faire connaître de manière utile et effective son point de vue sur la mesure d'éloignement envisagée et qu'en tout état de cause, en première instance, le demandeur se borne à invoquer la méconnaissance des dispositions du paragraphe 1 et 2 de l'article 41 et du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux sans aucunement faire état d'observations sur la mesure d'éloignement contestée qu'il aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant qu'elle ne soit prise ;

- la légalité de la décision faisant obligation à M. J... A... B... de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire doit être confirmée.

La requête a été communiquée le 22 juillet 2021 et le 18 août 2021 à M. A... B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Le mémoire présenté par le préfet des Alpes-Maritimes, enregistré le 13 décembre 2021, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien, a fait l'objet d'un arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an. Le préfet des Alpes-Maritimes relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 30 mars 2021.

S'agissant du moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par la présidente du tribunal :

2. En premier lieu, si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un État membre est inopérant. En revanche, le requérant peut utilement se prévaloir du moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendu, principe général du droit de l'Union européenne. Ce droit se définit comme celui de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

3. M. A... B... a soutenu devant le tribunal administratif ne pas avoir été informé par le préfet des Alpes-Maritimes de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, ne pas avoir été mis en mesure de présenter, de manière utile et effective, ses observations sur l'éventualité d'une telle décision avant qu'il ne lui soit fait obligation de quitter le territoire français et que, pour ces motifs, l'arrêté du 30 mars 2021 contrevenait aux dispositions des paragraphes 1 et 2 de l'article 41 et du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

4. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par les services de police, le 30 mars 2021, des questions ont été posées à M. A... B... sur son identité, les raisons de son départ de son pays d'origine, son parcours, sa situation familiale, son pays, sa situation administrative, ses documents d'identité, et enfin ses moyens de subsistance. M. A... B... a notamment déclaré être arrivé en France en septembre 2020, être célibataire et sans enfant, être hébergé par la femme de son oncle et exercer une activité professionnelle " de temps en temps ". M. A... B... qui a, par ailleurs, été interrogé sur les conséquences d'une mesure d'éloignement prise à son encontre à destination de son pays d'origine, éventuellement assortie d'une assignation à résidence, d'une interdiction de retour en France ou d'un placement en centre de rétention administratif pour une durée n'excédant pas 90 jours et sur des précisions qu'il voudrait apporter sur sa situation personnelle, n'a pas souhaité donner d'information supplémentaire. Ainsi, l'intéressé, qui a été informé de ce qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre, a pu présenter, lors de cette audition, toutes les observations qu'il pouvait juger utile de porter à la connaissance du policier qui l'auditionnait. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait été empêché de s'exprimer avant que ne soit pris l'arrêté contesté, M. A... B... a eu la possibilité de faire connaître des observations utiles et pertinentes de nature à influer sur celui-ci. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... B..., qui s'est borné à soutenir en première instance que son droit d'être entendu avait été méconnu, sans autre précision, disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle, qu'il aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit pris l'arrêté contesté, et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été de nature à y faire obstacle. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu énoncé aux paragraphes 1 et 2 de l'article 41 et du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne pouvait être accueilli. Le préfet des Alpes-Maritimes est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du30 mars 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice s'est fondé sur ce motif. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement n° 2101845 du 29 juin 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... B... devant le tribunal administratif de Nice.

S'agissant des autres moyens invoqués par M. A... B... :

6. L'arrêté en litige a été signé par Mme D... H..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux du séjour à la préfecture des Alpes-Maritimes, à qui le préfet des Alpes-Maritimes a donné, par arrêté n° 2021-152 du 8 février 2021, publié le 9 février 2021 au recueil spécial n° 41.2021 des actes administratifs, délégation pour signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme G... C... et de M. E... I..., les actes et documents relevant du domaine de compétence du bureau d'éloignement et du contentieux du séjour ce qui comprend notamment les obligations à quitter le territoire et les décisions fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes se serait abstenu d'examiner la situation personnelle de M. A... B... et n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation avant de prendre son arrêté. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 29 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 30 mars 2021.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2101845 du 29 juin 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2022.

2

N° 21MA02863

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02863
Date de la décision : 13/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: M. CHANON

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-13;21ma02863 ?
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