Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Otéis a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal d'annuler la décision du 28 octobre 2019 portant résiliation du marché n° 2010/ESID-TLN/026 et des actes subséquents dont la décision du 25 mai 2020 portant rejet des mémoires en réclamation, à titre subsidiaire de condamner l'Etat à lui payer la somme de 121 494,57 euros toutes taxes comprises avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2019 ainsi que la somme de 30 200 euros hors taxes au titre des pénalités injustifiées, à titre infiniment subsidiaire de condamner l'Etat à lui verser la somme de 83 045,76 euros hors taxes en réparation des préjudices subis et, en tout état de cause, de condamner l'Etat à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2001923 du 19 juillet 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, a donné acte du désistement de la SAS Otéis.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 août 2021 et un mémoire enregistré le 21 octobre 2021, la SAS Otéis, représentée par Me Fournier, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 19 juillet 2021 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Toulon afin qu'il y soit statué ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été destinataire de deux mesures le 15 juin 2021, l'une l'interrogeant sur sa volonté de maintenir sa requête en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, l'autre prononçant la clôture de l'instruction au 30 juillet 2021 à 12h00 ;
- l'ordonnance attaquée est intervenue avant la clôture de l'instruction ;
- il y a un traitement discriminatoire entre les parties sur les délais et le principe du contradictoire ;
- à aucun moment elle ne s'est désintéressée de l'affaire ;
- la décision prenant acte de son désistement est abusive ;
- sa requête est recevable ;
- l'impact de la crise sanitaire doit être pris en compte ;
- elle a saisi le tribunal d'un courrier le 26 juillet 2021 ; elle a produit un mémoire le 28 juillet 2021, avant la clôture de l'instruction ;
- l'usage abusif des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative est une atteinte au droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il y a contradiction entre la mesure de clôture d'instruction et la mesure prise en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative ; elle pouvait légitimement penser qu'elle pouvait répliquer jusqu'à la clôture de l'instruction ; les deux courriers n'ont pas été signés par la même personne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 3 novembre 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge de la SAS Otéis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la crise sanitaire n'a pas eu d'incidence sur l'intérêt de la requérante à maintenir sa requête, et ne l'a pas empêchée de répondre à la demande formulée par le tribunal administratif de Toulon ;
- l'implication procédurale alléguée par la SAS Otéis n'est pas démontrée ; la société n'a pas répondu à la lettre du tribunal administratif de Toulon ;
- le mécanisme du désistement d'office n'est pas incompatible avec le droit à un procès équitable ;
- il n'y a pas de contradiction entre les deux mesures prises par le tribunal administratif de Toulon le 15 juin 2021 ; la compétence des signataires de ces deux actes n'est pas contestée.
Par ordonnance en date du 21 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... Point, rapporteur,
- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me Dabin pour la SAS Otéis.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions. ".
2. A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre, l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile, et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative.
3. Il résulte de l'instruction que, par lettre du 15 juin 2021 adressée par le biais de l'application " Télérecours ", le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Toulon a interrogé la SAS Otéis, en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, sur l'intérêt que la requête conservait pour elle et lui a demandé de produire dans un délai d'un mois soit un mémoire, soit une lettre maintenant les conclusions de la requête, soit une lettre de désistement pur et simple. Le tribunal administratif de Toulon a fixé un délai d'un mois pour répondre à cette demande. Il est constant que la SAS Otéis a réceptionné la lettre le 16 juin 2021 et n'a produit aucune observation dans le délai d'un mois fixé par la lettre du 15 juin 2021. Par une ordonnance du même jour, le tribunal administratif de Toulon a fixé la clôture de l'instruction à la date du 30 juillet 2021.
4. Il résulte de l'instruction que le litige opposant la SAS Otéis à l'Etat avait un caractère financier. La demande indemnitaire présentée par la SAS Otéis portait sur deux sommes de 121 494,57 euros toutes taxes comprises et de 30 200 euros hors taxes. Cette demande a été introduite devant le tribunal administratif de Toulon le 22 juillet 2020, moins d'un an avant le courrier du 15 juin 2021. Le mémoire en défense produit par la ministre des armées a été enregistré au greffe du tribunal administratif de Toulon le 15 avril 2021, deux mois avant ce même courrier. Dès lors, la requête ne pouvait avoir perdu son intérêt pour la SAS Otéis du fait du temps écoulé. Par suite, la SAS Otéis est fondée à soutenir qu'en prenant l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Toulon a fait une application irrégulière des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que l'ordonnance n° 2001923 du 19 juillet 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon doit être annulée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Toulon pour qu'il statue à nouveau sur la demande de la SAS Otéis.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
7. L'Etat est condamné à verser à la SAS Otéis la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par la ministre des armées sur ce même fondement, alors que la SAS Otéis n'est pas la partie perdante, doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2001923 du 19 juillet 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon est annulée.
Article 2 : La requête de la SAS Otéis est renvoyée devant le tribunal administratif de Toulon.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Otéis la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la ministre des armées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Otéis et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. B... Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2022.
N° 21MA03748 2