Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Alapont France a demandé au tribunal administratif de Marseille d'invalider la décision du 12 décembre 2016 par laquelle la Régie des transports métropolitains (RTM) a résilié le marché industriel relatif au renouvellement de douze escaliers mécaniques situés dans le métro de Marseille et à la maintenance associée, d'ordonner la reprise des relations contractuelles, de condamner la RTM à lui verser, à titre principal, une indemnité de 350 000 euros, avec intérêts et capitalisation, en réparation des conséquences dommageables de la suspension de l'exécution du marché depuis le 12 décembre 2016 ou, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la reprise des relations contractuelles ne serait pas ordonnée, de condamner la RTM à lui verser une indemnité de 959 737,53 euros hors taxes, avec intérêts et capitalisation, en réparation du préjudice résultant de la résiliation du marché.
Par un jugement n° 1700931 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 26 février 2019, le 15 janvier 2020 et le 5 février 2020, la société Alapont France, représentée par Me Segond, a demandé à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 décembre 2018 ;
2°) d'invalider la décision du 12 décembre 2016 par laquelle la RTM a résilié le marché industriel relatif au renouvellement et à la maintenance de douze escaliers mécaniques situés dans le métro de Marseille ;
3°) à titre principal, d'ordonner la reprise des relations contractuelles et de condamner la RTM à lui verser une indemnité de 350 000 euros en réparation des conséquences dommageables de la suspension de l'exécution du marché depuis le 12 décembre 2016, cette somme devant être augmentée des intérêts et du produit de leur capitalisation ;
4°) à titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la reprise des relations contractuelles ne serait pas ordonnée, de condamner la RTM à lui verser une indemnité de 959 737,53 euros hors taxes en réparation de l'ensemble des préjudices résultant de la résiliation du marché dont elle était titulaire, cette somme devant être augmentée des intérêts et du produit de leur capitalisation ;
5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la RTM la somme de 8 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle a soutenu que :
- les griefs sur lesquels repose la décision de résiliation sont infondés ;
- cette décision est entachée de détournement de procédure.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 décembre 2019, le 27 janvier 2020 et le 27 février 2020, la Régie des transports métropolitains (RTM), représentée par Me Merland, a conclu au rejet de la requête de la société Alapont France et à ce qu'une somme de 8 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle a soutenu que les moyens soulevés par la société Alapont France n'étaient pas fondés.
Par un arrêt n° 19MA00917 du 15 juin 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement rendu par le tribunal administratif de Marseille et a condamné la RTM à payer à la société Alapont France une indemnité de 114 551,45 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2017, avec capitalisation des intérêts échus le 6 janvier 2018, puis à chaque échéance annuelle ultérieure à cette date.
Par une décision n° 442530 du 18 mai 2021, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi formé par la RTM, a annulé l'arrêt n° 19MA00917 rendu par la cour administrative d'appel de Marseille le 15 juin 2020, en tant qu'il y a été statué sur les conclusions indemnitaires de la société Alapont France, a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la Cour et a rejeté le surplus des conclusions du pourvoi de la RTM.
Procédure devant la Cour après renvoi :
Par des mémoires, enregistrés les 22 juin 2021 et 1er juillet 2021, la Régie des transports métropolitains (RTM), représentée par Me Merland, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'atténuation de sa responsabilité et à la minoration de l'indemnisation mise à sa charge, et en tout état de cause, à la condamnation de la société Alapont France à lui payer la somme de 10 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la résiliation du marché était justifiée par l'indisponibilité des escaliers mécaniques (grief n° 1), l'absence de levée des réserves (grief n° 2), le non-respect des délais d'intervention (grief n° 3), l'absence de fourniture d'un bilan d'intervention et de maintenance (grief n° 4), l'absence de fourniture des PV de conformité (grief n° 5) et les inexécutions relatives aux obligations de maintenance préventive (grief n° 6) ;
- la demande indemnitaire de 959 737,53 euros hors taxes est irrecevable en raison du principe d'intangibilité du décompte, en application des articles 39 et 42.2 du cahier des clauses administratives générales-marchés industriels (CCAG-MI) ; le décompte de résiliation doit être réputé accepté par la société Alapont France, qui est irrecevable à demander une quelconque indemnisation d'un quelconque préjudice, le caractère définitif du décompte s'opposant à l'indemnisation sollicitée dans la présente instance ;
- subsidiairement, pour le cas où la Cour considèrerait les conclusions indemnitaires recevables, elles ne sont pas fondées ;
- subsidiairement encore, pour le cas où la Cour considèrerait les conclusions indemnitaires recevables, les fautes commises par la société Alapont France doivent fortement atténuer la responsabilité de la RTM et sérieusement diminuer le montant d'indemnisation du prétendu préjudice subi.
Par un mémoire, enregistré le 25 juin 2021, la société Alapont France, représentée par Me Segond, demande à la Cour :
1°) à titre principal, de condamner la RTM à lui payer la somme de 959 737,53 euros hors taxes, au titre du préjudice subi du fait de la résiliation abusive du marché dont elle était titulaire, avec intérêts moratoires et capitalisation de ceux-ci ; la minoration de cette somme telle que souhaitée par le Conseil d'Etat ne pouvant, le cas échéant, qu'être minorée de quelques centaines d'euros, eu égard à la nature et au caractère particulièrement mineur des manquements qui lui sont reprochés ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la RTM à lui payer la somme de 114 551,45 euros hors taxes, avec intérêts moratoires et capitalisation de ceux-ci ; la minoration de cette somme telle que souhaitée par le Conseil d'Etat ne pouvant, le cas échéant, qu'être minorée de quelques centaines d'euros, eu égard à la nature et au caractère particulièrement mineur des manquements qui lui sont reprochés ;
3°) en tout état de cause, de condamner la RTM à lui payer la somme de 15 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la question de la nature irrégulière et infondée de la décision de résiliation prise par la RTM est définitivement purgée et acquise ;
- elle est fondée à demander réparation du préjudice que lui cause cette résiliation ;
- elle n'a malheureusement eu d'autres choix que de licencier cinq employés, compte tenu de la rupture brutale et en quelques mois du marché litigieux, prévu pourtant sur une durée de vingt ans ;
- la RTM s'était engagée à racheter le stock de pièces détachées de la société Alapont France, situé à Marseille, au prix du bordereau, après la réalisation d'un inventaire contradictoire listant les pièces appartenant à la RTM et celles appartenant à la société Alapont France, objet du rachat ;
- sur la demande de paiement de la somme de 147 000 euros au titre de l'avenant n° 2 du 28 août 2016 (production n° 12) conclu à la demande de la RTM concernant la modification de portillons, ce sont une dizaine de portillons qui ont été mis en place sur le réseau RTM ; l'indemnisation, limitée par la Cour, dans le cadre de son arrêt du 15 juin 2020, à seulement 10 000 euros et qui ne correspond, selon elle, qu'à une réparation au titre des études devra donc nécessairement être revue à la hausse ;
- sur la demande de 439 370,64 euros, il s'agit d'une somme arrêtée selon l'étude comptable faite par le cabinet KPMG en date du 16 novembre 2018 au titre de la valeur du fonds représenté par la maintenance Baille-Timone, étant entendu qu'il restait à la date de la résiliation du marché une durée de dix-huit ans à courir sur le contrat de maintenance ;
- s'agissant des fautes qui lui sont imputées, il n'est pas remis en cause dans le cadre de la présente instance l'analyse de la Cour sur la réalité ou non des griefs allégués et surtout sur le fait que les griefs qui sont établis ne pouvaient en tout état de cause donner lieu à résiliation, compte tenu de leur caractère particulièrement mineur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la décision n° 442530 du Conseil d'Etat en date du 18 mai 2021 ;
- le code civil ;
- le code du travail ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics industriels ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. D... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me Charrie, représentant la RTM.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 21 juin 2013, la Régie des transports métropolitains (RTM) a conclu avec la société Alapont France un marché public industriel relatif au renouvellement et à la maintenance de douze escaliers mécaniques situés dans les stations Baille et La Timone de la ligne 1 du métro de Marseille. Les 20 octobre et 17 novembre 2016, par deux courriers, la RTM a mis en demeure la société Alapont France de respecter ses obligations contractuelles dans un délai de quinze jours. Par une décision du 12 décembre 2016, la RTM a prononcé la résiliation pour faute de ce marché. La société Alapont France a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la reprise des relations contractuelles et à ce que lui soit versée la somme de 959 737,53 euros. Par un jugement n° 1700931 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande. Sur appel de la société Alapont France, la Cour de céans a, par arrêt n° 19MA00917 du 15 juin 2020, annulé ce jugement, rejeté les conclusions de cette société tendant à la reprise des relations contractuelles et fait droit à ses conclusions indemnitaires à hauteur de 114 551,45 euros. Saisi sur pourvoi de la RTM tendant à l'annulation de cet arrêt en tant seulement que la Cour a accordé une indemnité à la société Alapont France, le Conseil d'Etat a, par une décision n° 442530 du 18 mai 2021, annulé l'arrêt rendu le 15 juin 2020 susvisé, en tant qu'il y a été statué sur les conclusions indemnitaires de la société Alapont France, a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la Cour de céans et rejeté le surplus des conclusions du pourvoi de la RTM.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la résiliation du marché :
2. L'arrêt n° 19MA00917 rendu le 15 juin 2020 par la Cour de céans est définitif en ce qu'il n'a pas été annulé par le Conseil d'Etat. La RTM n'est, dès lors, plus recevable à soutenir utilement qu'elle aurait eu un motif légitime de résilier le marché litigieux. Par suite, le moyen formulé à ce titre doit être écarté.
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la RTM aux conclusions indemnitaires de la société Alapont France tirée de la non contestation par celle-ci du décompte de résiliation qu'elle lui a notifiée :
3. Aux termes de l'article 39 du cahier des clauses administratives générales-marchés industriels (CCAG-MI) : " Décompte de résiliation 39.1. La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. /... 39.3. Le décompte de liquidation à la suite d'une décision de résiliation prise en application de l'article 37 (Résiliation pour faute du titulaire) comprend : / 39.3.1. Au débit du titulaire : / - le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte, de règlement partiel définitif et de solde ; / - la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer, ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ; / - le montant des pénalités; / - le cas échéant, le supplément des dépenses résultant de la passation d'un marché aux frais et risques du titulaire dans les conditions fixées à l'article 41. / 39.3.2. Au crédit du titulaire : / - la valeur contractuelle des prestations reçues y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; / - la valeur des prestations fournies éventuellement à la demande du pouvoir adjudicateur telles que le stockage des fournitures ". Aux termes de l'article 42 dudit cahier : " Différends entre les parties. / 42.1. Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. / 42.2. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'une lettre de réclamation exposant les motifs de son désaccord, et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Cette lettre doit être communiquée au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. / 42.3. Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception de la lettre de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ".
4. En l'espèce, ce n'est que le 16 février 2017 que la RTM a notifié à la société Alapont France un décompte de résiliation, alors que cette dernière avait auparavant, le 4 janvier 2017, formulé une contestation, et le 9 février 2017, avait saisi d'une requête introductive d'instance le tribunal administratif de Marseille à fin, notamment, de condamnation de la RTM à lui payer une indemnité de 959 737,53 euros hors taxes en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la résiliation du marché dont elle était titulaire, avec intérêts et capitalisation des intérêts. Le contentieux ayant été lié devant le juge administratif, avant qu'elle ne notifie de manière tardive à la société Alapont France un décompte de résiliation, la RTM n'est, dès lors, pas fondée à opposer la fin de non-recevoir tirée du fait que ladite société n'a pas contesté ce décompte dans le délai de deux mois qui lui était imparti en application de l'article 42 du CCAG-MI. Par suite, cette fin de non-recevoir doit être écartée.
En ce qui concerne les responsabilités et les préjudices causés à la société Alapont France du fait de la résiliation du marché par la RTM :
S'agissant des responsabilités :
5. Les fautes commises par le cocontractant de la personne publique dans l'exécution du contrat sont susceptibles, alors même qu'elles ne seraient pas d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts du titulaire, de limiter en partie son droit à l'indemnisation du préjudice qu'il subit du fait de cette résiliation irrégulière.
6. Il résulte en l'espèce de l'instruction, et notamment des termes de la décision de résiliation du 12 décembre 2016, éclairés par ceux de la mise en demeure préalable adressée à la société Alapont France le 17 novembre 2016, que cette mesure de résiliation se fondait, d'une part, sur l'absence de levée, dans le délai imparti, des réserves formulées lors de la réception des matériels, sur l'absence de production des procès-verbaux de conformité des escaliers mécaniques, des panneaux insonorisants et des gaines de protection des câbles, et d'autre part sur l'absence de saisie des comptes rendus de maintenance dans l'application informatique GMAO et le défaut de transmission des comptes rendus d'intervention de maintenance curative, enfin sur le non-respect du délai d'intervention d'une heure en cas de panne, le retard à effectuer l'opération de graissage de l'escalier mécanique n° 6 de la station " Timone " et le défaut de respect des gammes de maintenance en ce qui concerne le nettoyage des bacs et le positionnement des tôles d'habillage des escaliers mécaniques n° 1, 2 et 3 de la station " Baille ".
7. En premier lieu, aux termes du 10 du cahier des clauses administratives particulières du marché en cause : " La levée des réserves, consignées au cours des différents essais devra être organisée aux dates définies dans les comptes rendus, l'entreprise ayant en charge de convoquer la RTM, au moins 7 jours à l'avance, à la levée des réserves concernées. Les réserves à lever devront être identifiées et en nombre suffisant pour justifier l'organisation d'une séance de levée de réserves. / L'entreprise devra mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à la levée des réserves, y compris l'organisation des essais correspondants avec l'exploitant RTM, la fourniture de moyens de tests ou de simulations. Les essais de vérification devront reprendre en totalité ou pour la partie concernée, les procédures d'essais correspondantes. / Les modifications liées à la levée des réserves sont réalisées dans le respect des modalités d'exécution des prestations de renouvellement des escaliers mécaniques. / Lorsque ces essais donneront les résultats attendus, la levée des réserves sera prononcée au vu des comptes rendus établis par le Titulaire ou sur constat effectif et PV de levée de réserves établis par la RTM. ".
8. Il résulte de l'instruction que la société Alapont France avait transmis à la RTM le 14 octobre 2016 un calendrier de levée des réserves programmant les opérations correspondantes entre le 17 octobre 2016 et le 29 janvier 2017. Ce document avait reçu, entre le 14 octobre 2016 et le 18 octobre 2016, les signatures de trois représentants de la RTM désignés comme " le responsable de dossier de la RTM ", le " représentant gestionnaire des équipements concernés " et le " représentant de l'exploitant RTM ", signatures qui valaient nécessairement approbation de ce calendrier par l'administration, dès lors, d'une part, que ni les stipulations contractuelles précitées ni aucune autre clause du marché ne supposaient la conclusion d'un avenant pour décider de la date de levée des réserves et, d'autre part, que la RTM n'invoque aucune stipulation contractuelle qui aurait réservé la compétence pour approuver un tel calendrier à une personne autre que ses préposés ayant signé le document en cause. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment du compte rendu de la réunion tenue le 3 novembre 2016, que le titulaire et l'exploitant prévoyaient à cette date, d'un commun accord, la levée des réserves entre novembre 2016 et janvier 2017. Dès lors, la société Alapont France, qui pouvait légitimement programmer ses travaux sur le fondement de ce calendrier, est fondée à soutenir qu'elle n'a pas commis de faute en se dispensant de lever les réserves dans le délai de quinze jours imparti par la mise en demeure du 17 novembre 2016.
9. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 7-5.1 du cahier des clauses techniques particulières du marché litigieux : " RTM met à disposition du titulaire... un micro-ordinateur équipé du système de GMAO de la RTM. Le titulaire assurera la saisie des informations relatives aux interventions de maintenance : / - renseignement des comptes rendus d'intervention correctives et des actions effectuées / - renseignement des fiches de visite de maintenance préventive / - renseignement des actions effectuées dans le cadre de la maintenance hors forfait ". Aux termes de l'article 7-5.2, intitulé " rapport de visite, compte rendu d'intervention ", de ce même document : " ces documents seront renseignés, traités à partir du système de maintenance RTM... / Chaque intervention donne lieu à l'établissement par le titulaire d'un compte-rendu... ". En vertu de l'article 7-5.3 dudit cahier : " les bilans seront transmis via le système de GMAO RTM. Ces derniers seront rédigés sous forme informatique. / Un état papier (original) visé par le responsable du titulaire sera transmis dans le même temps par courrier ou remis directement au responsable technique RTM... ".
10. Il résulte de l'instruction que la société Alapont France a, à plusieurs reprises et notamment le 30 septembre 2015 et le 30 novembre 2016, informé la RTM du dysfonctionnement de l'ordinateur et de la connexion mis à sa disposition pour effectuer la saisie des comptes rendus de maintenance, sans que la RTM remédie à cette situation. Au surplus, la requérante soutient sans être utilement contredite que le préposé de la RTM avec lequel elle était en rapport l'a dispensée de cette formalité en se bornant à exiger des comptes rendus en version papier. Elle est dès lors fondée à soutenir qu'aucun manquement ne peut à cet égard être relevé à son encontre.
11. En troisième lieu, aux termes des stipulations du troisième alinéa de l'article 7.4.1 du cahier des clauses techniques particulières : " Dans tous les cas le titulaire doit intervenir dans un délai inférieur à une heure, à compter de la demande d'intervention. ".
12. La RTM, qui se borne à faire état de délais globaux de maintenance des équipements lors d'incidents survenus les 4 et 5 novembre 2016, n'établit pas que la société Alapont France ne serait pas intervenue dans le délai d'une heure, seule obligation contractuelle mise à sa charge par le contrat en termes de délai d'intervention. La faute imputée à ce titre à la société Alapont France n'est donc pas établie.
13. En quatrième lieu, si la RTM se prévaut d'un compte rendu de visite dressé le 20 octobre 2015 qui fait état d'une absence de nettoyage des bacs, la société Alapont France, qui fait valoir qu'elle a réalisé cette prestation postérieurement à cette date est, dès lors, fondée à contester la réalité du manquement qui lui est reproché sur ce point.
14. En cinquième lieu, si, en revanche, les motifs de résiliation tirés de l'absence de transmission des procès-verbaux de conformité de certains équipements, du défaut de transmission des comptes rendus d'intervention de maintenance curative, du retard à procéder au graissage de l'escalier mécanique n° 6 de la station " Timone " et du non-respect des prescriptions en termes de tôles d'habillage de trois escaliers de la station " Baille " peuvent être tenus pour établis, il résulte toutefois de l'instruction que ces manquements ont été constatés, ainsi qu'il a été dit au point 8, au cours de la période de levée des réserves, alors que la réception des installations avait eu lieu le 29 juillet 2016 et qu'un avenant modifiant les prestations avait été conclu le 4 août 2016. Dès lors, si ces manquements qui, pour la plupart, se limitent à l'absence de transmission de documents et à des défaillances ponctuelles de la société Alapont France, n'étaient pas, pris ensemble ou isolément, de nature à fonder la décision de résiliation, ils doivent cependant être regardés comme exonératoires de la responsabilité de la RTM vis-à-vis de la société appelante à hauteur de 10 %.
S'agissant des préjudices causés à la société Alapont France du fait de la résiliation du marché par la RTM et de sa réparation :
15. Il résulte en premier lieu de l'instruction que la société Alapont France a, à la demande de la RTM, réalisé les études relatives à la définition d'un portillon de sécurité pour les escaliers mécaniques et a réalisé un prototype qui, s'il n'a pas été accepté par l'administration, ne présentait plus que de modestes défauts selon un message électronique adressé par la RTM à l'entreprise le 23 novembre 2016. La société Alapont France n'établit pas, en revanche, avoir assuré la fabrication des cent quarante-sept portillons qui devaient être installés sur le réseau de la RTM. Il y a lieu, par suite, de limiter l'indemnité due au titre de ces travaux d'étude à la somme de 10 000 euros.
16. Si, en deuxième lieu, la RTM conteste le lien de causalité allégué entre la résiliation et le licenciement de cinq salariés de la société Alapont France, il résulte de l'instruction que MM. A..., G..., B... et F... ont été licenciés moins de deux mois après l'intervention de la décision de résiliation. Leur affectation à la réalisation des prestations du marché n'étant pas contestée par la RTM, il y a lieu, eu égard au faible délai entre la résiliation du marché et la fin de leur contrat, de regarder leur licenciement comme imputable à la fin de l'exécution de celui-ci. Tel n'est pas le cas en revanche, du licenciement de M. E..., intervenu en avril 2017, soit cinq mois après la décision litigieuse.
17. Si la société Alapont France demande l'indemnisation de l'ensemble des frais salariaux relatifs à ces salariés pour le mois de février 2017, elle n'établit pas, en revanche, que leurs salaires et accessoires directs n'auraient pas été couverts, pour ce mois, par des recettes perçues à l'occasion de prestations fournies à d'autres clients et seraient ainsi constitutifs d'un préjudice. Il en résulte qu'il y a lieu de limiter l'indemnité due aux sommes pouvant être regardées comme la conséquence directe de la résiliation, représentées par l'indemnité de licenciement et l'indemnité de congés payés, ainsi que la participation de l'employeur aux contrats de sécurisation professionnelle conclus avec Pôle emploi dès lors, d'une part, que le versement des premières est établi par l'émission d'un bulletin de paie qui suffit à démontrer leur versement en vertu de l'article L. 3243-2 du code du travail et, d'autre part, que les contributions particulières assises par Pôle emploi sont en tout état de cause dues de manière certaine à cet établissement public, alors même qu'elles n'auraient pas encore été versées. Il y a lieu, par suite, de mettre à la charge de la RTM la somme de 15 709,46 euros au titre du licenciement de M. G..., la somme de 26 833,10 euros au titre du licenciement de M. B..., la somme de 25 306,19 euros au titre du licenciement de M. F... et la somme de 36 702,70 euros au titre du licenciement de M. A..., soit un total de 104 551,45 euros.
18. En troisième lieu, si la RTM s'est engagée à racheter le stock de pièces détachées de la requérante, il résulte de l'instruction, et notamment des termes du courrier du 14 mars 2016 dont se prévaut la société Alapont France, que cet engagement concerne d'autres marchés que celui résilié le 12 décembre 2016. La demande formulée sur ce point ne peut dès lors qu'être rejetée.
19. Enfin, la société requérante ne demande pas l'indemnisation de son manque à gagner du fait de la résiliation irrégulière du marché, mais sollicite une indemnité réparant la perte de valeur du fonds constitué par l'activité correspondant au contrat résilié, ledit fonds ne pouvant désormais être cédé. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait eu un projet de cession à la date de la résiliation et ce préjudice demeure en tout état de cause, en raison de la possibilité pour la personne publique de s'opposer à une telle cession, purement éventuel. Cette demande doit donc également être rejetée.
20. Il résulte de ce qui précède que la société Alapont France est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande et à solliciter, outre l'annulation du jugement attaqué, la condamnation de la RTM à lui verser une indemnité d'un montant total de 114 551,45 euros, diminuée de 10 % correspondant à sa part de responsabilité dans la survenance de son dommage, soit une indemnité de 103 096,31 euros.
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
21. En vertu de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts au taux légal doivent courir, sur la somme de 103 096,31 euros retenue ci-dessus, à compter du 6 janvier 2017, pour être eux-mêmes capitalisés pour produire intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du même code, à la date du 6 janvier 2018, date à laquelle il en était échu une année entière, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Alapont France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la RTM la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la RTM la somme de 2 000 euros à verser à la société Alapont France sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1700931 du 27 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : La RTM est condamnée à verser à la société Alapont France une indemnité de 103 096,31 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2017. Les intérêts échus le 6 janvier 2018 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La RTM versera une somme de 2 000 euros à la société Alapont France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alapont France et à la Régie des transports métropolitains (RTM).
Délibéré après l'audience du 4 avril 2022, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. C... Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2022.
N° 21MA01953 2