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04/04/2022 | FRANCE | N°21MA04545

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 04 avril 2022, 21MA04545


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C..., de nationalité nigériane, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

A... un jugement n° 2108045 du 19 octobre 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procé

dure devant la Cour :

I. - A... une requête, enregistrée le 26 novembre 2021 sous le n° 21MA...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C..., de nationalité nigériane, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2021 du préfet des Bouches-du-Rhône lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

A... un jugement n° 2108045 du 19 octobre 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

I. - A... une requête, enregistrée le 26 novembre 2021 sous le n° 21MA04545, Mme C..., représentée A... Me Gilbert, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de l'admettre au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de Me Gilbert, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme allouée A... l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté querellé porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où sa fille F... H..., née le 15 septembre 2021 à Marseille, a pour père M. E... G..., ressortissant nigérian, qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié A... décision de la Cour nationale du droit d'asile du 31 mars 2021 en raison de ses opinions politiques, et est depuis titulaire d'une carte de résident en France ; il existe donc un obstacle à la reconstitution de la famille au Nigeria ; pour les mêmes raisons, l'arrêté querellé méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où elle est fondée à craindre des persécutions fondées sur son appartenance au groupe social des femmes nigérianes contraintes A... un réseau transnational de traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle, parvenues à s'en extraire ; elle craint également d'être exposée à des peines ou traitements inhumains et dégradants infligés A... les membres de la confraternité étudiante " Eiye " dont est membre son ex-compagnon.

A... un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requérante n'a jamais soutenu à l'époque de la décision querellée, ni en première instance, vivre en couple avec le père de son dernier enfant dont elle était enceinte, et que celui-ci avait le statut de réfugié en France et était titulaire d'une carte de résident ;

- ne justifiant d'aucune activité professionnelle, elle est une charge pour le système social français et ne démontre pas ne pas avoir d'attaches dans son pays d'origine ;

- l'arrêté querellé ne méconnaît pas les droits de ses enfants puisqu'il n'a pas pour effet de les séparer de leur mère, aucun d'entre eux n'ayant la nationalité française ;

- déboutée du droit d'asile A... l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis A... la Cour nationale du droit d'asile, la requérante ne démontre pas davantage devant le juge administratif être exposée dans son pays d'origine à des traitements inhumains et dégradants.

II. - A... une requête, enregistrée le 26 novembre 2021 sous le n° 21MA04546, Mme C..., représentée A... Me Gilbert, demande à la Cour :

1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2108045 rendu le 19 octobre 2021 A... le tribunal administratif de Marseille dont appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de Me Gilbert, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme allouée A... l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient les mêmes moyens que ceux exposés dans sa requête enregistrée sous le n° 21MA04545.

A... un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir les mêmes motifs que ceux exposés dans la requête enregistrée sous le n° 21MA04545.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale A... deux décisions du 13 janvier 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. D... Taormina, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante nigériane née le 28 août 1997, qui déclare être entrée en France le 11 janvier 2019, a sollicité le 11 février 2019 auprès du préfet des Bouches-du-Rhône un titre de séjour au titre de l'asile. A... décision du 21 janvier 2020, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile. A... décision du 11 mai 2021, la Cour nationale du droit d'asile a confirmé ce rejet. A... arrêté du 19 juillet 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

2. Mme C... relève appel du jugement en date du 19 octobre 2021 A... lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté, en tant que le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur la jonction :

3. Les requêtes enregistrées sous les numéros 21MA04545 et 21MA04546 concernent le même litige et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, A... suite, de les joindre afin d'y statuer A... un même arrêt.

Sur la requête enregistrée sous le n° 21MA04545 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue A... la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. A la date de l'arrêté querellé à laquelle il convient de se placer pour en apprécier la légalité, Mme C... n'était mère que de deux enfants, I... C..., née le 28 octobre 2016 en Italie, et Emmanuel C..., né le 11 avril 2019 en France à Septèmes-les-Vallons. Pour soutenir que cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, Mme C... fait valoir qu'elle conduirait à une séparation entre elle et ses trois enfants, nés respectivement les 28 octobre 2016, 11 avril 2019 et 15 septembre 2021. Il ne ressortait pas des pièces du dossier soumises au préfet des Bouches-du-Rhône puis, dans le cadre de son recours en annulation, au tribunal administratif de Marseille que le père de l'un au moins des deux enfants auquel elle avait donné naissance à l'époque de l'arrêté querellé serait un ressortissant français ou en situation régulière en France. Dès lors, le premier juge a pu à bon droit considérer que ces deux enfants avaient vocation à suivre leur mère qui, ni dans le cadre de sa demande de titre de séjour, ni devant le tribunal, n'apportait la preuve d'un obstacle à la reconstitution de la cellule familiale hors de France alors que, ayant déclaré être entrée sur le territoire français le 11 janvier 2019 à l'âge de vingt-et-un ans, Mme C... n'établissait pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales hors de France. Elle ne peut en outre soutenir utilement, dès lors qu'il s'agit d'une circonstance postérieure à la date de l'arrêté querellé, qu'elle a depuis donné naissance à un troisième enfant né le 15 septembre 2021 à Marseille, ayant pour père un ressortissant nigérian qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié A... décision de la Cour nationale du droit d'asile du 31 mars 2021 et titulaire d'une carte de résident en France, dont il n'est ni établi, ni même allégué, qu'il participe à l'entretien de l'enfant et qu'il vive avec la requérante et ses enfants. A... suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait porté, au regard des buts en vue desquels il a pris la décision en litige, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C... et, A... suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Si Mme C... soutient, pour contester l'arrêté querellé en tant qu'il fixe le Nigéria comme pays de destination de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre, qu'elle encourrait des risques en cas de retour au Nigéria, il est constant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande d'asile et que l'intéressée ne verse devant la Cour, comme en première instance, aucun élément corroborant de telles allégations. A... suite, le moyen tiré de la violation de ces stipulations ne peut qu'être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, dès lors qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier soumises au préfet des Bouches-du-Rhône puis, dans le cadre de son recours en annulation, au tribunal administratif de Marseille que le père de l'un au moins des deux enfants auquel la requérante avait donné naissance à l'époque de l'arrêté querellé serait un ressortissant français ou en situation régulière en France, ce qui aurait été de nature à faire obstacle à son éloignement, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a considéré que le préfet des Bouches-du-Rhône n'avait pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants en prenant la décision en litige. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que l'arrêté querellé méconnaîtrait l'intérêt de son troisième enfant conçu mais non encore né à la date de l'arrêté querellé, dès lors qu'elle n'établit pas ni n'allègue que le père de cet enfant, ressortissant nigérian titulaire de la qualité de réfugié, contribue effectivement à l'entretien de celui-ci.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que A... son jugement du 19 octobre 2021, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. A... suite doivent être rejetées ses conclusions à fin d'annulation dudit jugement et de l'arrêté du 19 juillet 2021 pris A... le préfet des Bouches-du-Rhône et, A... voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles formulées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la requête enregistrée sous le n° 21MA04546 :

11. A... le présent arrêt, la Cour se prononçant sur la demande d'annulation du jugement rendu le 19 octobre 2021 A... le tribunal administratif de Marseille, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions formulées A... Mme C... dans cette instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme C... enregistrée sous le n° 21MA04546 aux fins de sursis à exécution du jugement attaqué.

Article 2 : La requête de Mme C... enregistrée sous le n° 21MA04545 et le surplus des conclusions de la requête enregistrée sous le n° 21MA04546 sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Me Gilbert et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2022, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. D... Taormina, président assesseur,

- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public A... mise à disposition au greffe, le 4 avril 2022.

N°s 21MA04545 - 21MA04546 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04545
Date de la décision : 04/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : GILBERT;GILBERT;GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-04;21ma04545 ?
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