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04/04/2022 | FRANCE | N°21MA02131

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 04 avril 2022, 21MA02131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A..., de nationalité ivoirienne, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet révélée par la décision du 1er octobre 2018 par laquelle le préfet du Bouches-du-Rhône a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en lieu et place de la carte de séjour portant la mention " étudiant " qui lui a été délivrée, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "

vie privée et familiale " ou, à défaut, un titre de séjour portant la mention " sala...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A..., de nationalité ivoirienne, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite de rejet révélée par la décision du 1er octobre 2018 par laquelle le préfet du Bouches-du-Rhône a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en lieu et place de la carte de séjour portant la mention " étudiant " qui lui a été délivrée, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, un titre de séjour portant la mention " salarié ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour et de prendre une décision dans les deux mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler durant le temps de l'instruction, dans les quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1906224 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant D... :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, M. A..., représenté par Me Youchenko, demande à D... :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus de délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " matérialisée par la décision du 1er octobre 2018 de délivrer un titre de séjour mention " étudiant " ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler durant le temps de l'instruction dans les quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de prendre une décision dans les deux mois de la notification de la décision à intervenir et passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de Me Youchenko, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le titre de séjour " salarié " dont il est désormais titulaire est subordonné à la seule occupation effective d'un emploi d'ouvrier paysagiste, alors qu'il est titulaire de trois CAP (maintenance des véhicules, restauration-cuisine, jardinier-paysagiste) ; or, avec un titre de séjour " vie privée et familiale ", il disposerait d'un droit au travail sans aucune restriction et pourrait se maintenir durablement en France où il a établi le centre de ses intérêts personnels et familiaux, et pas seulement pour y faire des études ou y travailler ;

- la décision querellée méconnaît les articles L. 313-11.7°, L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'il a prouvé, par son parcours, arrivé mineur en France où il a passé trois CAP, y ayant toujours travaillé, d'abord en alternance dans le cadre de ses formations puis désormais à temps plein, sa volonté de s'intégrer durablement à la société française ; il justifie avoir travaillé d'octobre 2016 à mai 2018 soit dix-neuf mois à la date de la décision attaquée (dont dix-sept mois à temps plein) outre qu'il justifie travailler de nouveau à temps plein depuis octobre 2018 à ce jour, soit plus de deux ans et demi supplémentaires ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation et il en va de même de l'appréciation faite de sa situation par les premiers juges, qui ont néanmoins constaté le caractère exemplaire de l'insertion scolaire et professionnelle ; il n'a pas d'attaches familiales dans son pays d'origine, hormis son oncle qui l'exploitait et le maltraitait quand il l'a recueilli à la mort de ses parents, ce qui l'a conduit à fuir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le requérant est actuellement titulaire d'un titre de séjour mention " salarié ", valable jusqu'au 6 octobre 2025 ;

- il ne démontre pas ne plus avoir de contact avec sa famille en Côte d'Ivoire ; il n'est arrivé en France qu'en 2014 et ne revendique avoir aucun proche ni enfant sur le territoire français.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B... Taormina, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 23 février 1998, serait entré en France au cours du mois de mai 2014. Par un arrêt du 22 avril 2015 de la chambre spéciale des mineurs E... d'appel d'Aix-en-Provence, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département des Bouches-du-Rhône jusqu'à sa majorité. Le 1er mars 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a délivré à M. A... un titre de séjour mention " étudiant " valable jusqu'au 28 février 2017, renouvelé le 20 mars 2017 pour une durée de seize mois. Le 10 juillet 2018, M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour au titre de la " vie privée et familiale " ou " salarié " et à défaut en tant qu'" étudiant ". Par une décision du 1er octobre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a délivré à nouveau un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 30 septembre 2019.

2. M. A... relève appel du jugement en date du 9 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet révélée par la décision du 1er octobre 2018 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en lieu et place de la carte de séjour portant la mention " étudiant " qui lui a été délivrée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit: / ...7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Si M. A... soutient que la décision implicite de refus de titre de séjour mention " vie privée et familiale " qu'il conteste a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et méconnaît les dispositions précitées, il n'apporte toutefois, dans ses écritures d'appel, aucun élément nouveau par rapport à ceux exposés en première instance. Il y a lieu, par suite, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 5 de leur jugement.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ".

6. Comme l'a exactement jugé le tribunal administratif de Marseille, la situation de M. A..., qui n'apporte dans ses écritures d'appel aucun élément nouveau par rapport à ceux exposés en première instance, ne relève pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen formulé à ce titre par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 8 de leur jugement.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

8. Comme l'ont exactement jugé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 23 février 1998, n'était plus dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire lorsqu'il a présenté, le 10 juillet 2018, une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", implicitement rejetée par le préfet le 1er octobre 2018. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré d'une prétendue méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 11 de leur jugement.

9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation en ne délivrant pas à M. A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ".

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 9 février 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation dudit jugement et de la décision implicite de refus de délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", matérialisé par la décision du 1er octobre 2018 de lui délivrer un titre de séjour mention " étudiant ", doivent être rejetées. Par conséquent, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et formulées en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Youchenko et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2022, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. B... Taormina, président assesseur,

- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2022.

N° 21MA02131 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02131
Date de la décision : 04/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : YOUCHENKO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-04;21ma02131 ?
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