Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... A..., de nationalité capverdienne, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen, de réexaminer sa situation sans délai et de lui délivrer dans l'attente un titre de séjour.
Par un jugement n° 2100002 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté en tant que le préfet des Alpes-Maritimes avait fixé comme pays de renvoi le pays d'origine du requérant et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2021, M. C... A..., représenté par Me Bakary, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas annulé l'arrêté préfectoral attaqué dans sa totalité ;
2°) d'annuler les dispositions de cet arrêté non annulées par le tribunal administratif de Nice ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen, de réexaminer sa situation sans délai et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de Me Bakary, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 si celle-ci lui a été allouée.
Il soutient que :
- le jugement dont il est fait appel est insuffisamment motivé ; le requérant ne peut accéder aux considérations factuelles et aux motifs de droit pour lesquels le premier juge n'a pas annulé intégralement l'arrêté querellé ;
- le jugement est entaché d'erreur de droit, de fait et d'appréciation ;
- il est titulaire d'une carte de résident portugaise valable jusqu'au 13 octobre 2023 qui lui permet de séjourner en France trois mois et le préfet des Alpes-Maritimes ne démontre pas que lors de l'arrêté querellé, cette durée de trois mois était expirée ; il séjourne au Portugal depuis quatorze ans, est père de deux enfants ayant la nationalité portugaise et a demandé la nationalité portugaise, éléments qui n'ont été pris en compte ni par le préfet ni par le tribunal ;
- l'arrêté querellé ne comporte aucune mention relative au formulaire d'observations qu'il a rempli et le préfet n'a aucunement tenu compte des mentions figurant dans ledit formulaire ; il est insuffisamment motivé ; il est entaché d'une erreur de fait, dès lors qu'il indique à tort qu'il voulait se séparer de sa compagne ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale en ce qu'il aurait dû faire l'objet d'une mesure de réadmission au Portugal où il vit depuis quatorze ans ;
- l'arrêté attaqué ne comporte pas de mention relative à son auteur, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ; n'y figurent ni la signature de son auteur, ni la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ; le fait de produire devant le tribunal, à l'audience, une version totalement différente de celle qui a été notifiée au requérant est sans incidence sur l'illégalité entachant la décision administrative, exempte de signature, notifiée le 31 décembre 2020 ;
- l'arrêté querellé ne mentionne nulle part les dispositions de l'article L. 531-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté querellé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que sa compagne en France est enceinte ;
- son éloignement du territoire n'est pas justifié par le fait qu'il constituerait une menace à l'ordre public ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il dispose d'une carte de résident portugaise en cours de validité, de sorte que la critique relative à son entrée irrégulière sur le territoire est inopérante à son égard.
Par ordonnance du 5 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2022 à 12h00.
M. C... A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, modifiée ;
- le règlement (CE) n° 1987/2006 du 20 décembre 2006 du Parlement européen et du Conseil ;
- la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B... Taormina, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant capverdien né le 16 février 1986, a fait l'objet d'un arrêté du 31 décembre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et a fixé le pays de destination.
2. Il relève appel du jugement n° 2100002 rendu le 5 janvier 2021 par le tribunal administratif de Nice qui n'a annulé cet arrêté qu'en tant que le préfet avait fixé comme pays de renvoi le pays d'origine du requérant et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Le jugement rendu par le tribunal administratif de Nice mentionne les considérations de fait et de droit sur lesquelles il s'appuie pour ne faire droit que partiellement aux conclusions à fin d'annulation formulées par M. C... A... et rejeter le surplus des conclusions de sa requête. Dès lors, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier en l'absence de motivation ou par insuffisance de celle-ci n'est pas fondé et doit, par suite, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, modifiée : " Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des parties contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres parties contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, point a, c et e, et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de la partie contractante concernée ". Il résulte de ces dispositions que ne peut être reconduit à la frontière un étranger dont il n'est pas soutenu qu'il ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonné le bénéfice des stipulations précitées.
5. En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que M. C... A... est titulaire d'une carte de résident portugaise valable jusqu'au 13 octobre 2023 qui lui permet de séjourner en France pour une durée de trois mois. Dès lors que le préfet des Alpes-Maritimes ne démontre pas ni même n'allègue que lorsqu'il s'est prononcé sur la situation du requérant, cette durée de trois mois était expirée, il ne pouvait comme il l'a fait prendre à son encontre l'arrêté querellé. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges n'ont annulé cet arrêté qu'en tant que le préfet des Alpes-Maritimes avait fixé comme pays de renvoi le pays d'origine du requérant et ont rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
6. Compte tenu de ce qui précède, M. C... A... est fondé à demander, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués, d'une part, l'annulation du jugement rendu le 5 janvier 2021 en tant que le tribunal administratif de Nice n'a pas annulé dans son intégralité l'arrêté du 31 décembre 2020 pris par le préfet des Alpes-Maritimes et, d'autre part, l'annulation des dispositions non annulées de cet arrêté par le tribunal administratif de Nice.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
8. L'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de prendre toutes mesures utiles afin de mettre fin au signalement du requérant dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour dont l'annulation est prononcée. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux autres conclusions du requérant, tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie... perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens... ". Aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " ... En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie... qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide... ".
10. M. C... A... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale. Me Bakary demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamés à son client si celui-ci n'avait pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, il y a lieu d'accueillir les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à payer à son avocat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100002 rendu le 5 janvier 2021 par le tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il n'a pas annulé dans son intégralité l'arrêté du 31 décembre 2020 pris par le préfet des Alpes-Maritimes à l'encontre de M. C... A....
Article 2 : Les dispositions de l'arrêté du 31 décembre 2020 pris par le préfet des Alpes-Maritimes non annulées par le tribunal administratif de Nice sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de prendre toutes mesures utiles afin de mettre fin au signalement de M. C... A... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour dont l'annulation est prononcée.
Article 4 : L'Etat versera à Me Bakary la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... A..., à Me Bakary et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2022, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. B... Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2022.
N° 21MA00396 2