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04/04/2022 | FRANCE | N°20MA00365

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 04 avril 2022, 20MA00365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AB Sud Formation a demandé au tribunal administratif de Marseille de résilier ou d'annuler le lot n° 2 de l'accord-cadre conclu entre France Formation Sécurité et le département des Bouches-du-Rhône, de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 383 096,43 euros à parfaire au titre de la perte de chance d'obtenir le lot n° 2 de l'accord-cadre litigieux et de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 10 000 euros correspondant aux f

rais engagés au titre de la procédure irrégulière de passation de l'accord-cadr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AB Sud Formation a demandé au tribunal administratif de Marseille de résilier ou d'annuler le lot n° 2 de l'accord-cadre conclu entre France Formation Sécurité et le département des Bouches-du-Rhône, de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 383 096,43 euros à parfaire au titre de la perte de chance d'obtenir le lot n° 2 de l'accord-cadre litigieux et de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 10 000 euros correspondant aux frais engagés au titre de la procédure irrégulière de passation de l'accord-cadre et ses suites.

Par un jugement n° 1707282, 181057 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de la société AB Sud Formation.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2020, la société AB Sud Formation demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 383 096,43 euros et la somme de 10 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société AB Sud Formation soutient que :

- le critère technique du jugement des offres était imprécis et par suite illégal ;

- l'appréciation portée sur son offre est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; le défaut d'indication des moyens externes ne pouvait être pénalisé ;

- le motif tiré de ce qu'un des formateurs présentés était peu expérimenté est erroné ;

- les évaluations présentées n'étaient pas incomplètes ;

- l'absence de méthodologie relevée par le rapport n'est pas fondée ;

- le motif tiré du caractère trop détaillé du programme est erroné ;

- elle a subi un préjudice de 383 096,43 euros au titre du manque à gagner ;

- elle a subi un préjudice de 10 000 euros au titre des frais engagés pour la procédure de passation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2021, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par la SELARL Landot et associés, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que le contrat soit seulement résilié et en tout état de cause à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la société AB Sud Formation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la validité du contrat n'est entachée d'aucun vice ;

- la formulation du critère technique de jugement des offres était régulière ; le critère était formulé en des termes précis ; le sous-critère tenant à la description de la prestation a été précisément défini par le département ; le sous-critère tenant aux moyens humains ne manque aucunement de clarté ; le sous-critère tenant à la description de la prestation ne souffre ni d'imprécision ni d'ambiguïté ; la société a déposé une offre conforme et bien notée sur ce critère ;

- l'analyse des offres ne présente aucune erreur manifeste d'appréciation ;

- la présentation de moyens en prestation externe était un élément d'appréciation des offres ;

- le sous-critère tenant aux moyens humains n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; l'expérience des formateurs était un élément d'appréciation ;

- les évaluations proposées par la requérante dans le cadre de son offre étaient incomplètes ;

- l'offre remise par la société requérante ne présentait pas de méthodologie ;

- l'offre remise par la société requérante manquait de lisibilité ;

- à titre subsidiaire, la société requérante ne justifie pas d'un intérêt lésé ;

- à titre infiniment subsidiaire, il n'y a pas lieu d'annuler l'accord cadre ; une telle annulation aurait un caractère excessif ;

- la demande indemnitaire est infondée ; la requérante ne justifie d'aucun manque à gagner ; elle était dénuée de toute chance de remporter le marché ; elle ne justifie pas du montant du préjudice qu'elle allègue ; elle n'a pas droit au remboursement des frais de soumission.

Par ordonnance en date du 19 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 avril 2021.

Par courrier du 9 mars 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de fonder son arrêt sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation du contrat dès lors que le marché a été entièrement exécuté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Point, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Ka pour la société AB Sud Formation et de Me Lahiteau pour le département des Bouches-du-Rhône.

Une note en délibéré produite pour le département des Bouches-du-Rhône a été enregistrée le 24 mars 2022.

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 22 septembre 2016, le département des Bouches-du-Rhône a lancé une procédure de consultation en vue de la passation d'un marché à procédure adaptée pour la conclusion d'un accord-cadre à bons de commande relatif à la formation en matière de sécurité destinée aux bénéficiaires du RSA. Les prestations du marché ont été réparties en deux lots. Le lot n° 2 " Agent Qualifié de Sécurité et de Prévention (AQSP) ou équivalent " a été attribué à France Formation Sécurité. Le marché a été signé le 6 juillet 2017. La société AB Sud Formation, candidate évincée, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler ou de prononcer la résiliation de ce lot n° 2 du marché en cause et de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme totale de 393 096,43 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière. La société AB Sud Formation relève appel du jugement en date du 26 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Sur la validité des contrats :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 511-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Saisi par un tiers de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. S'agissant du tiers agissant en qualité de concurrent évincé, celui-ci ne peut, à l'appui d'un tel recours, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. Il revient ensuite au juge, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat.

3. Aux termes de l'article 30 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. ". Aux termes de l'article 52 de cette même ordonnance : " I. - Le marché public est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché public ou à ses conditions d'exécution ". Aux termes de l'article 62 du décret du 25 mars 2016 : " (...) II.- Pour attribuer le marché public au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : (...) 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché public ou à ses conditions d'exécution au sens de l'article 38 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir, par exemple, des critères suivants : a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ; b) Les délais d'exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l'assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ; c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché public lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché public. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché public ou ses conditions d'exécution (...) ".

4. Aux termes de l'article 6 du règlement de la consultation : " (...) les critères de jugement des offres sont les suivants : / Point 1 - Le prix noté sur 40 points (...) / Point 2 - La valeur technique, notée de 0 à 60 puis pondérée (60 %), sera appréciée sur la base des éléments suivants, figurant dans le cadre de mémoire technique contractuel du lot considéré (étant précisé qu'un cadre de mémoire technique est à fournir par lot) : / 2-1 - La description de la prestation notée 25 points sur 60, comprenant notamment : le programme détaillé de la ou les formations (nb d'heures et de jours, distinction volume théorique et volume pratique, contenu détaillé de la formation) ; la méthodologie employée et les outils utilisés (Il s'agit notamment de décrire les objectifs pédagogiques, l'organisation de la prestation), dans le respect des minima indiqués au CCATP notamment article 6. / 2-2- Moyens humains notés 20 points sur 60. Composition de l'équipe affectée à la prestation en précisant comme mentionné dans le cadre du mémoire technique, pour chaque intervenant, son statut, sa fonction occupée dans l'organisme, son temps de travail annuel dans l'organisme, son temps de travail annuel dédié à la prestation exprimé en ETP et en % ainsi que la description des missions et spécificités d'intervention dans la prestation et des références (expériences et durées, objectifs et résultats obtenus) relatives à leurs attributions ainsi décrites. Préciser si des moyens en prestation externes viennent compléter l'intervention dans l'animation de l'action (atelier et entretien individuel). Joindre les CV mettant en exergue les éléments du profil professionnel relatifs à la prestation. / 2-3- Moyens matériels mis à disposition pour effectuer la prestation : description de locaux existants : bureaux d'entretiens individuels, salles de formation pouvant accueillir un groupe de stagiaires, ressources pédagogiques et documentations dédiées aux séances de formation en face à face pédagogique, équipements pédagogiques et description des lieux d'exécution proposés (dont description précise des moyens de transport en commun), notés 15 points sur 60. / Le classement des offres sera effectué en fonction du total de la note obtenue pour le critère " technique " et de la note obtenue pour le critère " Prix ". / L'offre jugée économiquement la plus avantageuse sera celle qui se verra attribuer le total le plus élevé après pondération. (...) ". Aux termes de l'article 6 du cahier des clauses administrative et techniques particulières, relatif au lot n° 2 : " 2.4 Modalités d'admission. Des tests de niveaux sous forme de formes de " QCM " et de " réponses ouvertes " seront réalisés par l'organisme de formation permettant de positionner le bénéficiaire du RSA sur la formation visée. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que le département des Bouches-du-Rhône a retenu deux critères d'attribution du marché portant, d'une part, sur le prix noté sur quarante points et, d'autre part, sur la valeur technique notée sur soixante points puis pondérée à hauteur de 60 %. Le pouvoir adjudicateur a entendu apprécier la valeur technique des offres en tenant compte de trois critères de second rang, la description de la prestation, les moyens humains et les moyens matériels mis en œuvre. La société requérante, qui a obtenu la note maximale de quinze au 3ème critère de second ordre de la valeur technique relatif aux moyens matériels, soutient que l'appréciation du critère de second ordre relatif à la description de la prestation, pour lequel elle a obtenu la note de 19,5 sur 25, et celle relative aux moyens humains, pour lesquels elle a obtenu la note de 18,5 sur 20, sont entachées d'erreur.

En ce qui concerne la précision des critères de sélection des offres :

6. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors également porter sur les conditions de mise en œuvre de ces critères. Il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en œuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné. Il résulte de l'instruction que le pouvoir adjudicateur a établi comme premier critère de second ordre du critère technique la " description de la prestation ", notée sur vingt-cinq points. En se bornant à mentionner les éléments descriptifs à fournir, sans préciser le contenu de ses attentes pour l'appréciation des prestations proposées, le département des Bouches-du-Rhône n'a pas suffisamment précisé ce critère de second ordre. Par suite, la société AB Sud Formation est fondée à soutenir que ce critère technique était imprécis et que le département des Bouches-du-Rhône a sur ce point manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

En ce qui concerne l'appréciation de la valeur des offres :

S'agissant du critère de second ordre des moyens humains :

7. Il résulte de l'instruction que la société requérante a été pénalisée d'un point sur le critère des moyens humains, au motif qu'elle n'avait pas précisé ses moyens externes. Il résulte du règlement de consultation que le critère de second ordre sur les moyens humains ne requérait la présentation de moyens en prestations externes que de façon facultative, par rapport aux moyens propres mis en œuvre par l'organisme de formation. Si le pouvoir adjudicateur, dans un courrier adressé à la société requérante le 11 avril 2017, a invité cette dernière à améliorer sa proposition, elle ne pouvait apprécier la qualité de cette proposition au regard du défaut de moyens externes, les critères techniques définis au règlement de consultation ne comportant aucune exigence quant au recours à de moyens externes par rapport à des moyens internes, mais seulement une exigence de description en cas de recours à des moyens externes pour compléter les interventions. La société AB Sud Formation, en réponse à la demande qui lui a été adressée sur ce point par le pouvoir adjudicateur, a précisé qu'elle assurerait seulement une prestation externe pour la manipulation des extincteurs. Par suite, en sanctionnant l'offre de la société requérante au motif qu'elle ne proposait pas suffisamment de prestations externes, sans remettre en cause le dimensionnement de son dispositif d'intervention, le pouvoir adjudicateur a fait une inexacte application des critères de sélection des offres. Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort qu'un point lui a été retiré à ce titre sur l'appréciation du critère des moyens humains.

8. Il résulte de l'instruction que la société requérante a été pénalisée d'un demi-point sur le critère des moyens humains, au motif qu'un de ses formateurs n'était pas suffisamment expérimenté. Le règlement de consultation précisait que les références des formateurs devaient être mentionnées, et qu'au titre de ces références il y avait lieu de préciser les expériences et les durées dans les attributions confiées. Par suite, le département des Bouches-du-Rhône a pu sans commettre d'erreur prendre en considération la durée d'expérience des formateurs et retirer un demi-point à la société requérante au motif qu'un de ses formateurs avait une expérience de moins de trois ans. Dès lors, le moyen doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le pouvoir adjudicateur lui a retiré un point concernant le critère de second ordre relatif aux moyens humains.

S'agissant du critère de la description de la prestation :

10. Il résulte de l'instruction que pour fixer la note de 19,25 sur 25 au critère de second ordre relatif à la description de la prestation, le département des Bouches-du-Rhône a fait valoir que le programme était trop détaillé, que la méthodologie n'était pas présentée et que les évaluations proposées n'étaient pas complètes.

11. Concernant le dispositif d'évaluation, qui figurait au nombre des éléments d'appréciation pour l'évaluation du sous-critère, il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la seconde demande de négociation et de la nouvelle proposition envoyée le 20 avril 2017, le pouvoir adjudicateur a relevé qu'aucun dispositif d'évaluation intermédiaire n'était proposé et a retiré un point au titre de cette absence de dispositif intermédiaire d'évaluation. Toutefois, lors de la négociation, le département des Bouches-du-Rhône avait sollicité une proposition d'évaluation " plus complète, et plus en adéquation avec le public visé ". La société requérante, qui se borne à relever qu'elle a produit un dispositif d'évaluation détaillé, ne conteste pas utilement l'appréciation sur la valeur de son offre sur ce point, le pouvoir adjudicateur ayant justifié cette appréciation en faisant valoir qu'un dispositif intermédiaire d'évaluation serait utile et pertinent au regard des besoins des publics visés.

12. Concernant la méthodologie, qui figurait également au nombre des éléments d'appréciation pris en compte pour évaluer le critère " description de la prestation ", le pouvoir adjudicateur a relevé que la méthodologie n'était pas présentée et a retiré à ce titre trois points sur vingt-cinq. Toutefois, la société requérante justifie avoir présenté dans son offre, notamment à la suite de la négociation intervenue le 11 avril 2017, un document présentant une rubrique " méthodologie et évaluation ". Au sein de cette rubrique, au titre des " critères d'appréciation pour exercer l'emploi ", figuraient des éléments précis relatifs à la méthode utilisée pour développer les activités de formation et aux objectifs pédagogiques concernant les compétences attendues des agents en formation. Par suite, c'est à tort que le pouvoir adjudicateur a considéré que l'offre de la société requérante ne présentait aucun élément sur les objectifs pédagogiques et qu'elle a, à ce titre, retiré trois points à la notation du critère de second ordre " description de la prestation ".

13. La société requérante soutient enfin que c'est à tort que le pouvoir adjudicateur lui a retiré 1,5 point pour le critère de second ordre de la description de la prestation, au motif que sa prestation était peu lisible. Le pouvoir adjudicateur a fait valoir que le découpage du programme de formation en vingt-quatre modules était trop morcelé au regard du référentiel et " rendait l'ensemble peu lisible ". Dans le rapport d'analyse des offres, il est indiqué que " le découpage en vingt-quatre modules est trop morcelé eu égard au référentiel, ce qui rend l'ensemble peu lisible et ne permet pas d'apprécier la progression pédagogique et la cohérence du parcours de formation ". Toutefois, l'article 6 du CCATP dans ses stipulations relatives au lot n° 2 prévoyait un référentiel de dix-huit " apports ", répartis dans deux actions de théorie et de pratique. Il résulte de l'instruction que la société requérante a présenté un programme d'actions en vingt-quatre modules. Dans son mémoire technique initial figurait de façon synthétique une présentation de la prestation de formation, en une page. Le candidat y indiquait que son programme reprenait un programme " conforme au cahier des charges " et précisait les cinq modules rajoutés par rapport à ce cahier des charges. Le programme détaillé, composé d'une dizaine de pages, fait figurer de façon claire vingt-quatre modules. Dans ces conditions, alors que le référentiel mentionné dans le CCATP comprenait un descriptif de deux actions composé de dix-neuf " apports ", la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le pouvoir adjudicateur lui a reproché le morcellement de son programme en vingt-quatre modules et son manque de lisibilité, et lui a retiré pour ce motif 1,5 point sur le critère de la description de la prestation.

14. Il résulte de ce qui précède que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le pouvoir adjudicateur lui a retiré un point au titre du critère de second ordre des moyens humains et 4,5 points au titre du critère de second ordre de la description de la prestation, soit un total de 5,5 points sur 60 pour le critère de la valeur technique.

En ce qui concerne les conséquences des irrégularités commises :

15. Il résulte de l'instruction que l'offre de la société AB Sud Formation a été classée en deuxième position. Le candidat retenu a obtenu une note globale de 95,69 sur 100, contre 93 sur 100 pour la société requérante. Par suite, l'irrégularité relative au défaut de précision du critère de second ordre de description des offres, noté sur vingt-cinq points, a eu à elle seule une incidence sur le classement des offres. En outre, les erreurs commises sur l'appréciation de la valeur technique de l'offre de la société AB Sud Formation, à raison de 5,5 points sur 60, ont également eu par elles-mêmes une incidence sur le classement des offres. La société AB Sud Formation est donc fondée à soutenir que les manquements invoqués ont un lien direct avec son éviction et ont porté atteinte à ses intérêts.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société AB Sud Formation est fondée à soutenir qu'elle a été régulièrement évincée de la procédure d'attribution du lot n° 2.

En ce qui concerne la demande d'annulation ou de résiliation du marché :

17. Il résulte de l'instruction que l'irrégularité commise par le département des Bouches-du-Rhône pour l'attribution du marché a eu une incidence sur le choix de la société attributaire. Ces irrégularités n'ont toutefois pas entrainé un vice de consentement de la personne publique et n'ont pas affecté l'objet des prestations de service du marché. En l'absence de circonstances particulières révélant une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, les manquements commis ne justifient pas que soit prononcée l'annulation du marché. Par suite, les conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées.

18. Il résulte de l'instruction que le contrat a été signé le 6 juillet 2017. Le contrat avait une durée d'exécution de douze mois renouvelable deux fois. Par suite, à la date du présent arrêt, le marché a été entièrement exécuté et les conclusions aux fins de résiliation du marché ont perdu leur objet.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la réalité du préjudice :

19. Il résulte de ce qui précède que la société AB Sud Formation a été classée en deuxième position. Le candidat retenu a obtenu une note globale de 95,69 sur 100 contre 93 sur 100 pour la société requérante, et les fautes commises par le département des Bouches-du-Rhône ont eu une incidence directe sur le classement des offres. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir qu'elle avait des chances sérieuses de remporter le marché et à demander réparation de ses préjudices.

En ce qui concerne le montant du préjudice :

20. La société AB Sud Formation, qui a droit notamment à l'indemnisation de son bénéfice manqué, demande la réparation de son préjudice à hauteur de 383 096,43 euros à ce titre, et à raison de 10 000 euros pour les frais engagés au titre de la procédure. Les frais de soumission engagés pour la procédure, qui en l'espèce ne sont pas spécifiquement justifiés, sont réputés inclus dans les charges engagées par la société pour accomplir les prestations du marché, et donc dans le manque à gagner. Concernant le manque à gagner, la société requérante se borne à soutenir que le marché aurait généré un chiffre d'affaires avant impôt sur les sociétés de 162 000 euros, soit 486 000 euros sur trois ans, sans justifier de ses charges et du bénéfice net qu'elle aurait tiré de cette activité. Le tableau réalisé par l'expert-comptable versé à l'appui de la demande indemnitaire de la société AB Sud Formation n'a pas un caractère probant, en particulier concernant la prise en compte d'un chiffre d'affaires indirect et concernant les coûts de formation engagés pour la réalisation des prestations. En défense, le département des Bouches-du-Rhône fait valoir que le marché concernait la formation de vingt bénéficiaires et que le montant d'une formation était de 1 050 euros par bénéficiaire, soit un chiffre d'affaires de 21 000 euros. La Cour ne dispose dès lors pas des éléments permettant d'évaluer l'ampleur du préjudice subi par la société AB Sud Formation. Il y a lieu, dans ces conditions, de prescrire une expertise économique et comptable pour évaluer le montant du préjudice subi par la société AB Sud Formation du fait de son éviction irrégulière du contrat en cause.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1707282, 1810157 est annulé.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par la société AB Sud Formation aux fins de résiliation du contrat en litige.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société AB Sud Formation aux fins d'annulation du contrat sont rejetées.

Article 4 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par la société AB Sud Formation, procédé à une expertise contradictoire en présence de la société AB Sud Formation et du département des Bouches-du-Rhône, avec mission pour l'expert, qui sera désigné par la présidente de la Cour, de :

- prendre connaissance de l'entier dossier ;

- déterminer le montant du bénéfice net que la société AB Sud Formation aurait perçu de l'exécution du lot n° 2 du marché sous forme d'accord-cadre à bons de commande relatif à la formation en matière de sécurité destinée aux bénéficiaires du RSA, compte tenu des charges fixes et variables que cette société aurait supportées dans l'exécution du contrat et des recettes procurées par celui-ci.

Article 5 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société AB Sud Formation, au département des Bouches-du-Rhône et à la société France Formation Sécurité.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. B... Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2022.

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N° 20MA00365

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00365
Date de la décision : 04/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : KA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-04;20ma00365 ?
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