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21/03/2022 | FRANCE | N°19MA03200

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 21 mars 2022, 19MA03200


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Idverde a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'arrêter le décompte du lot n° 1 du marché public de réalisation des travaux d'extension du golf du Cap d'Agde à la somme de 2 149 917,58 euros hors taxes, de rejeter la demande formulée à titre reconventionnel par la commune d'Agde et de condamner la commune d'Agde à lui verser la somme de 177 562,21 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts moratoires selon taux directeur de la Banque centrale européenne à compter du 8

décembre 2014, date de notification du projet de décompte final.

Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Idverde a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'arrêter le décompte du lot n° 1 du marché public de réalisation des travaux d'extension du golf du Cap d'Agde à la somme de 2 149 917,58 euros hors taxes, de rejeter la demande formulée à titre reconventionnel par la commune d'Agde et de condamner la commune d'Agde à lui verser la somme de 177 562,21 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts moratoires selon taux directeur de la Banque centrale européenne à compter du 8 décembre 2014, date de notification du projet de décompte final.

Par un jugement n° 1602885 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune d'Agde à verser à la société Idverde la somme de 177 562,21 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires, selon taux de la Banque centrale européenne majoré de sept points, à compter du 7 janvier 2015.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2019 et des mémoires complémentaires datés du 7 août 2020 et du 2 novembre 2020, la commune d'Agde, représentée par la SCP CGCB et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 14 juin 2019 ;

2°) à titre principal, de rejeter les demandes de la société Idverde ;

3°) de condamner la société Idverde à lui verser la somme de 106 227 euros ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner M. A... à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

5°) de mettre à la charge de la société Idverde et de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maître d'œuvre n'avait pas qualité pour signer l'ordre de service n° 2 prolongeant les délais d'exécution des travaux ; la prolongation ne pouvait résulter que d'un avenant ; seul le représentant du pouvoir adjudicateur avait le pouvoir de proposer la prolongation des délais d'exécution ;

- les cas dérogatoires énumérés aux articles 19.2.2 et 19.2.3 du CCAG Travaux ne sont pas applicables au cas d'espèce ;

- la date contractuelle de fin des travaux était fixée au 1er juillet 2013, pour des semis au 20 juillet 2013 ; l'ordre de service n° 2 n'est pas opposable au maître de l'ouvrage ;

- l'article 9.3 du CCAP ne permettait pas un allongement de la durée globale des travaux par ordre de service du maître d'œuvre ;

- les retards imputables à la société SIREV sont limités à trente-deux jours, soit jusqu'au 3 août 2013 ; le système installé par la société SIREV fonctionnait partiellement dès le 30 mai 2013 et totalement à partir du 27 juin 2013 ; les retards de la société SIREV ne couvrent pas la totalité des retards de la société Idverde ;

- à la date contractuelle de fin des travaux, la société Idverde n'avait pas terminé sa mission ; de nombreuses prestations restaient à réaliser ;

- le maître de l'ouvrage n'a pas consenti à l'ordre de service n° 2 et à l'allongement du délai d'exécution ; elle s'est expressément opposée à cette prolongation par courrier du 19 juin 2013, adressé au titulaire ;

- les travaux ont été réceptionnés le 4 décembre 2013 ;

- le nombre de jours de retard constatés est de cent-trente-deux jours ; le montant des pénalités s'élève à la somme de 283 789,26 euros ; le solde du marché est négatif à hauteur de 106 227 euros ;

- le maître d'œuvre a commis une faute dans l'élaboration du décompte ; il a omis la prise en compte des pénalités de retard ;

- la situation ne permettait pas une prolongation des délais d'exécution sur le fondement des articles 19.2.2 et 19.2.3 du CCAG ; un avenant était nécessaire ;

- le pouvoir adjudicateur décide de la prolongation ou du report.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, et un mémoire complémentaire du 11 septembre 2020, la société Idverde, représentée par la SELARL Cabinet Cabanes Neveu et associés, conclut à titre principal au rejet de la requête, à la confirmation du jugement et, à titre subsidiaire, à la modulation du montant des pénalités. Elle demande à ce que soit mise à la charge de la commune d'Agde la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune d'Agde a admis être redevable de la somme de 177 565,21 euros toutes taxes comprises au titre du solde du décompte ;

- la demande reconventionnelle présentée par la commune d'Agde aux fins de paiement des pénalités de retard est infondée ;

- les travaux ont été réalisés dans le délai contractuel ; l'ordre de service n° 2 est opposable au maître de l'ouvrage ;

- les délais contractuels ont en tout état de cause été respectés ; les travaux étaient achevés à la date du 26 juillet 2013 ;

- les décalages de planning sont le fait du maître de l'ouvrage ;

- il y a lieu de comptabiliser vingt-et-un jours d'intempéries au cours de l'hiver 2012-2013 ;

- une partie des retards est imputable au titulaire du lot n° 3 " arrosage automatique " ; le maître de l'ouvrage a accepté un report pour les semis au 20 juillet 2013 ; elle ne pouvait contractuellement effectuer certaines prestations avant l'achèvement des travaux d'arrosage automatique ;

- les modalités d'application des pénalités n'ont pas été respectées par le maître de l'ouvrage ; la procédure de l'article 9.4 du CCAP n'a pas été respectée ; le maître d'œuvre n'a constaté aucun retard ;

- la phase de parachèvement des parcours, entre les semis et la tonte des gazons, ne peut être prise en compte au titre des pénalités de retard ;

- la réception ne pouvait intervenir qu'à la terminaison des travaux pour la totalité des travaux ;

- la commune d'Agde s'était engagée à ne pas appliquer les pénalités de retard ;

- le décompte de cent-trente-sept jours de retard est infondé ; un retard de six jours maximum pourrait être admis ;

- l'article 9.1 du CCAP fixait le terme du marché à la date de réception sans réserve des travaux et ne fixait aucun délai ;

- le montant des pénalités annoncées par la commune d'Agde est injustifié ;

- il y a lieu de moduler les pénalités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2020, et un mémoire complémentaire enregistré le 23 novembre 2020, M. B... A..., représenté par Me Ensenat, conclut à titre principal au rejet de la requête, à la confirmation du jugement et à ce que soit mise à la charge de la commune d'Agde la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- les évènements qui ont justifié l'ordre de service n° 2 étaient au nombre de ceux qui permettaient la prolongation des délais d'exécution des travaux par ordre de service ; ces prolongations ne nécessitaient pas l'adoption préalable d'un avenant ;

- ces ordres de service pouvaient être notifiés par le maître d'œuvre ; un accord verbal du maître de l'ouvrage a été donné ;

- il n'a commis aucune faute ; le maître de l'ouvrage a donné son accord verbal pour l'ordre de service n° 2 ; le manquement à son devoir de conseil n'est pas établi ; il n'y avait pas lieu d'appliquer des pénalités de retard ; les retards n'étaient pas imputables au titulaire ;

- l'appel en garantie formé par la commune d'Agde est irrecevable ; la faute invoquée ne porte ni sur la réception des travaux ni sur la situation des entreprises, mais sur l'exécution des missions d'architecte en cours de chantier.

Par une ordonnance en date du 24 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... Point, rapporteur,

- les conclusions de M. C... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Cano pour la société Idverde.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement notifié le 8 octobre 2012, la société ISS Espaces verts devenue la société Idverde s'est vu attribuer le lot n° 1 " terrassement et ouvrages spécifiques " du marché de travaux relatif à l'extension du golf du Cap d'Agde. Le montant initial du lot n° 1 était de 2 145 839,45 euros hors taxes, soit 2 566 423,98 euros toutes taxes comprises. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 4 décembre 2013. Par un courrier du 3 mars 2016, la société Idverde a mis en demeure la commune d'Agde de lui notifier le décompte signé dans un délai de quinze jours. Aucun décompte n'ayant été notifié par la commune d'Agde, la société Idverde a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'arrêter le décompte général du lot n° 1 du marché et de condamner la commune d'Agde à lui verser la somme de 177 562,21 euros toutes taxes comprises, correspondant aux deux dernières factures restées impayées, au titre du solde de ce marché. En défense, la commune d'Agde a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à condamner la société requérante à lui verser la somme de 106 227 euros au titre du solde du marché. La commune d'Agde relève appel du jugement en date du 14 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à la société Idverde la somme de 177 562,21 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché.

Sur les pénalités de retard :

2. Aux termes de l'article 9.4 du cahier des clauses administratives particulières au marché en litige : " Dans tous les cas de dépassement des délais contractuels indiqués ci-dessus et dans l'acte d'engagement, éventuellement recalés, et sauf accord écrit de la collectivité, le titulaire encourra, sans mis en demeure préalable, une pénalité. / La collectivité établira un mémoire indiquant les périodes de pénalités concernées et leurs montants. / Ces pénalités seront retenues sur les décomptes présentés par le titulaire. (...) Pénalités de retard dans l'exécution des travaux / En dérogation à l'article 20.1 du CCAG " Travaux ", en cas de retard constaté par le maître d'œuvre dans l'exécution des parties de l'ouvrage ou ensemble de prestations faisant l'objet du présent marché par rapport au délai figurant au planning d'exécution, l'entrepreneur encourt une pénalité journalière calendaire de 1/1000e du montant du marché éventuellement augmenté des avenants hors TVA. ".

3. Lorsque le juge est appelé à arrêter le solde du marché, la personne publique peut lui demander de prononcer les pénalités. Il résulte des stipulations précitées du contrat que seuls les retards constatés par le maître d'œuvre peuvent faire l'objet de pénalités de retard au titre de l'exécution des travaux. Il résulte de l'instruction que par ordre de service n° 2 du 17 octobre 2013, notifié à la société ISS Espaces verts le 21 octobre 2013, le maître d'œuvre a prononcé la prolongation de la durée des travaux et reporté la date de fin d'exécution des prestations au 28 novembre 2013. Par un courrier du 9 janvier 2014, le maître d'œuvre a indiqué que les travaux avaient été achevés le 26 novembre 2013 et que " les travaux pour ISS (...) ont été réalisés sans dépassement ". La commune d'Agde soutient que l'ordre de service n° 2 était irrégulier et que le maître d'œuvre ne pouvait, sans son accord, prononcer la prolongation des délais d'exécution du marché. Cette irrégularité, à la supposer établie, serait de nature à engager la responsabilité pour faute du maître d'œuvre vis-à-vis du maître de l'ouvrage. Toutefois, une telle irrégularité ne remet pas en cause le fait qu'aucun retard dûment constaté par le maître d'œuvre ne peut être opposé à l'entreprise titulaire du lot, qui ne peut dès lors se voir appliquer de pénalités. Dans ces conditions, la commune d'Agde n'est pas fondée à soutenir que les pénalités de retard seraient dues par la société Idverde.

4. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Agde n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions reconventionnelles tendant à l'application des pénalités de retard et à leur imputation sur le solde du marché.

Sur l'appel en garantie dirigé contre M. A... :

5. Il résulte de l'instruction que la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Montpellier à l'encontre de la commune d'Agde porte sur des prestations qui n'ont pas été payées à la société Idverde et ne résulte pas d'une faute du maître d'œuvre. Si la commune d'Agde allègue une faute du maître d'œuvre l'ayant mise dans l'impossibilité d'infliger des pénalités à la société titulaire du lot, une telle faute est sans lien avec la condamnation prononcée. La demande de la commune d'Agde tendant à engager la responsabilité du maître d'œuvre à raison de cette faute a dès lors un caractère distinct de la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Montpellier. Par suite, les conclusions d'appel en garantie dirigées par la commune d'Agde contre M. A... doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Agde le versement à la société Idverde de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

7. Les dispositions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de la société Idverde et de M. A..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes réclamées sur ce fondement par la commune d'Agde. Les conclusions de la commune d'Agde doivent par suite être rejetées.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Agde les sommes réclamées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d'Agde est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la commune d'Agde la somme de 2 000 euros à verser à la société Idverde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Idverde, à la commune d'Agde et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. D... Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2022.

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N° 19MA03200


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03200
Date de la décision : 21/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Pénalités de retard.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CGCB et ASSOCIES MONTPELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-21;19ma03200 ?
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