Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... M'Rini a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 11 octobre 2019 par laquelle le directeur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) a prononcé son licenciement et de lui enjoindre de la réintégrer et de procéder à la reconstitution de sa carrière.
Par un jugement n° 1910214 du 28 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 août 2021, Mme A... M'Rini, représentée par Me Gasior, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 juin 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 11 octobre 2019 du directeur général de l'AP-HM ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'AP-HM de la réintégrer à compter du 12 décembre 2019 et de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter de cette date ;
4°) de mettre à la charge de l'AP-HM, outre les dépens, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas justifié d'une délégation régulière de signature au bénéfice de l'auteur de la décision de licenciement contestée ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle repose sur des faits qui ne sont pas matériellement établis ;
- eu égard à ses qualités professionnelles, elle ne pouvait être licenciée ;
- cette sanction est à tout le moins disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2022, l'AP-HM, représentée par Me Pichon, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... M'Rini d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... M'Rini ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 24 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Massé-Degois, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sanson,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Mme A... M'Rini.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... M'Rini, agent de service hospitalier exerçant à l'AP-HM depuis le 15 septembre 2014 par contrats régulièrement renouvelés, en dernier lieu jusqu'au 29 février 2020, relève appel du jugement du 28 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 octobre 2019 par laquelle le directeur général de l'AP-HM a prononcé son licenciement à compter du 12 décembre suivant et à ce qu'il soit enjoint au directeur général de la réintégrer et de procéder à la reconstitution de sa carrière.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes mêmes de la décision attaquée et du rapport disciplinaire, qu'il est reproché à Mme A... M'Rini d'avoir à deux reprises, au cours des mois de janvier et février, adopté un comportement inapproprié à l'égard d'accompagnants de patients, d'avoir pris part à une altercation entre agents au mois de mars 2019 et d'avoir proféré des insultes et menaces au cours d'une réunion de service qui s'est tenue le 26 avril 2019.
4. D'une part, les pièces produites par l'AP-HM, particulièrement imprécises sur ce point, ne permettent pas d'établir que Mme A... M'Rini aurait manqué de professionnalisme lorsque, au mois de janvier 2019, elle a insisté auprès de la famille d'un patient afin que soit respecté le nombre maximum d'accompagnants par box, étant à cet égard précisé, ainsi qu'il ressort du témoignage particulièrement circonstancié rédigé le 16 mai 2019 par la collègue qui l'assistait alors, qu'elle a sollicité l'intervention de sa supérieure hiérarchique qui a elle-même constaté que le comportement de ces accompagnants justifiait leur évacuation du service. En outre, alors que l'AP-HM se borne à reprocher à Mme A... M'Rini d'être intervenue au risque d'aggraver la situation " lors d'une agression verbale de la part de parents à l'accueil des Urgences " au cours du mois de février 2019, sans étayer autrement ses allégations, alors que de nombreuses attestations produites par la requérante relatent l'incident avec précision et témoignent du calme qu'elle a su alors conserver, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait manqué aux devoirs qui lui incombent en sa qualité d'agent public. Enfin, il ressort de l'attestation établie le 11 mai 2019 par un témoin de la scène que Mme A... M'Rini n'a pas pris part à l'altercation, survenue au mois de mars 2019, au cours de laquelle l'AP-HM soutient, en des termes particulièrement imprécis, qu'elle aurait eu une attitude déplacée et non professionnelle, mais a simplement tenté de ramener au calme deux agents qui se disputaient.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport de discipline du 3 mai 2019 et du procès-verbal de la séance du 11 octobre 2019 de la commission administrative paritaire, réunie en conseil de discipline pour connaître du cas de Mme A... M'Rini, que l'intéressée a tenu des propos offensants à l'égard d'une collègue de travail le 26 avril 2019, au cours d'une réunion de service que sa supérieure hiérarchique a dû interrompre en raison, notamment, de son comportement inapproprié. Ces agissements ne sont pas contestés par Mme A... M'Rini, qui se borne à faire valoir qu'il s'agissait d'une réaction légitime aux provocations d'une autre agente.
6. Le comportement de Mme A... M'Rini décrit au point 5 précédent caractérise un manquement à ses obligations professionnelles, présente un caractère fautif et est ainsi de nature à justifier une sanction disciplinaire. Cependant, et alors que les autres griefs ne sont pas matériellement établis ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, en l'absence d'antécédents disciplinaires, le directeur général de l'AP-HM a, en décidant de licencier Mme A... M'Rini, prononcé une sanction disproportionnée. Il y a lieu, dès lors, d'accueillir le moyen, soulevé pour la première fois en appel, tiré de la disproportion entre la faute commise et la sanction infligée.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... M'Rini est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'annulation d'une décision évinçant illégalement un agent public implique, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, outre la réintégration juridique rétroactive de cet agent à la date de la décision d'éviction illégale, entraînant la régularisation de ses droits sociaux, sa réintégration effective dans l'emploi qu'il occupait avant son éviction illégale ou dans un emploi équivalent à celui-ci. Toutefois, si l'annulation du licenciement d'un agent contractuel implique en principe la réintégration de l'intéressé à la date de son éviction, cette réintégration doit être ordonnée sous réserve de l'examen de la date à laquelle le contrat aurait normalement pris fin si la mesure d'éviction illégale n'était pas intervenue.
9. L'annulation du licenciement de Mme A... M'Rini n'implique pas la réintégration effective de cette dernière, dont le contrat à durée déterminée aurait normalement pris fin le 29 février 2020 mais uniquement une réintégration juridique à la date d'effet de l'éviction illégale. Cette annulation implique qu'il soit procédé à la reconstitution de ses droits sociaux, et notamment de ses droits à pension de retraite, qu'elle aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale, au titre de la période courant de la date d'effet de son licenciement, le 12 décembre 2019, jusqu'à la fin de son contrat à durée déterminée, le 29 février 2020. Il appartiendra, en outre, au directeur général de l'AP-HM, dès lors que l'annulation de la décision contestée ne peut avoir pour effet de permettre à la requérante de bénéficier du renouvellement par tacite reconduction de ce contrat, de lui notifier son intention de renouveler ou non cet engagement en application de l'article 41 du décret susvisé du 6 février 1991.
Sur les frais liés à l'instance :
10. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A... M'Rini, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'AP-HM demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'AP-HM le versement à Mme A... M'Rini d'une somme de 2 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
11. D'autre part, la présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions présentées par Mme A... M'Rini devant la Cour sur le fondement de l'article R. 761-1du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1910214 du 28 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille et la décision du directeur général de l'AP-HM du 11 octobre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au directeur général de l'AP-HM de procéder à la reconstitution des droits sociaux de Mme A... M'Rini pour la période courant de la date d'effet de son licenciement jusqu'à la fin de son contrat à durée déterminée, le 29 février 2020.
Article 3 : L'AP-HM versera à Mme A... M'Rini la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... M'Rini et à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, où siégeaient :
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Sanson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.
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N° 21MA03483