Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la cour a désigné Mme Massé-Degois, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti ;
- et les observations de Me Tiget substituant Me Bataille représentant Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. La préfète des Hautes-Alpes relève appel du jugement du 10 mai 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 10 mars 2021 refusant à Mme B..., ressortissante congolaise, la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Sur l'appel de la préfète des Hautes-Alpes :
2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ".
3. D'autre part, selon l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable du 1er décembre 2018 au 1er mai 2021 et donc aux faits en litige : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ".
4. Il résulte de ces dispositions que Mme B..., qui a formé un recours contre la décision du 20 novembre 2019 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile, n'a plus le droit de se maintenir sur le territoire français depuis la date de lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Mme B..., qui soutient n'avoir jamais reçu la décision de la Cour nationale du droit d'asile et que la préfète des Hautes-Alpes n'apporte pas la preuve de la notification de cette décision, ne conteste toutefois pas que cette décision a été lue en audience publique à la date du 8 février 2021, ainsi d'ailleurs que cela résulte d'une correspondance de cette juridiction du 9 décembre 2021 versée au dossier.
5. Il suit de là que, à la date de l'arrêté contesté, soit le 10 mars 2021, Mme B... pouvait légalement être obligée à quitter le territoire français. La préfète des Hautes-Alpes est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 mai 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 10 mars 2021.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... en première instance et en appel.
Sur les moyens présentés par Mme B... :
7. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été pris par M. Cédric Verline, secrétaire général de la préfecture des Hautes-Alpes, investi, en vertu de l'arrêté n° 05-2020-08-31-003 du 31 août 2020 de la préfète de ce département, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour et aisément consultable sur le site internet de la préfecture des Hautes-Alpes, d'une délégation de signature à l'effet de signer notamment les arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département des Hautes-Alpes, délégation qui exclut les réquisitions de la force armée et du comptable ainsi les arrêtés de conflit et déclinatoire de compétences. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté.
8. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement à savoir le motif de la demande présentée par Mme B..., les circonstances de son entrée et de son séjour en France ainsi que sa situation personnelle et familiale. L'autorité préfectorale n'étant par ailleurs pas tenue de préciser de manière exhaustive le détail de l'ensemble des éléments considérés, la décision attaquée, qui contrairement à ce qui est soutenu, n'est nullement rédigée de manière stéréotypée mais se réfère aux éléments de sa situation personnelle, est suffisamment motivée en droit et en fait et n'est, en conséquence, pas entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ait vainement sollicité un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle ait été empêchée de présenter des observations avant que ne soit prise la décision attaquée. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige est intervenu en méconnaissance de son droit d'être entendu. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu tel qu'il est exprimé aux paragraphes 1 et 2 de l'article 41 et du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut être accueilli.
10. En quatrième lieu, et comme il l'a été dit aux points 2 à 5, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français au motif que la décision de la Cour nationale du droit d'asile statuant sur son recours contre la décision de l'OFPRA ne lui avait pas été notifiée. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.
11. Enfin, en dernier lieu, si la requérante, qui vit dans le département des Hautes-Alpes, fait valoir que plusieurs membres de sa famille, dont sa mère, sa fille née le 10 janvier 1981 et son fils né le 1er avril 2004, résident régulièrement en France depuis respectivement pour ses enfants domiciliés en région parisienne 2012 et 2017, elle est pour sa part entrée irrégulièrement sur le territoire national le 10 juin 2018 après avoir vécu 58 ans, selon ses dires, dans son pays d'origine où elle ne démontre ni y être dépourvue de toutes attaches, ni l'existence d'obstacles l'empêchant d'y retourner. Ne justifiant par ailleurs pas d'une insertion sociale ou professionnelle quelconque en France, elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'arrêté préfectoral en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale par rapport aux buts poursuivis.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète des Hautes-Alpes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 10 mars 2021 et lui a enjoint, dans un délai de deux mois, de statuer à nouveau sur la situation de Mme B....
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées en appel par Mme B... :
13. Le présent arrêt qui annule les articles 2 à 4 du jugement n° 2102851 du 10 mai 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille et rejette la demande de première instance de Mme B... n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions qu'elle présente devant la Cour à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance d'appel :
14. Les dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement au conseil de Mme B... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2102851 du 10 mai 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille et ses conclusions formées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Bataille et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète des Hautes-Alpes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Gap.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2022 où siégeaient :
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Mahmouti, premier conseiller ;
- M. Sanson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.
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N° 21MA02086
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