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14/03/2022 | FRANCE | N°20MA04339

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 14 mars 2022, 20MA04339


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Thalès Communications et Security a demandé au tribunal administratif de Marseille d'arrêter les comptes entre les parties du lot n° 1 du marché conclu le 1er juin 2001 avec la régie des transports de Marseille à la somme de 266 955,45 euros toutes taxes comprises en faveur du groupement momentané d'entreprises solidaires composé de la société Thalès Communications et Security, mandataire, de la société SNEF et de la société SLE et de condamner la régie à payer à ce groupement la som

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Thalès Communications et Security a demandé au tribunal administratif de Marseille d'arrêter les comptes entre les parties du lot n° 1 du marché conclu le 1er juin 2001 avec la régie des transports de Marseille à la somme de 266 955,45 euros toutes taxes comprises en faveur du groupement momentané d'entreprises solidaires composé de la société Thalès Communications et Security, mandataire, de la société SNEF et de la société SLE et de condamner la régie à payer à ce groupement la somme de 5 266 955,45 euros toutes taxes comprises dont 2 009 683,44 euros toutes taxes comprises lui revenant spécifiquement ainsi qu'à son sous-traitant, la société ETELM, au titre du solde du marché et de l'indemnisation des prestations supplémentaires et dommages subis au cours de son exécution.

La société SNEF a demandé au même tribunal de condamner la régie des transports de Marseille à lui payer la somme de 2 662 611,91 euros toutes taxes comprises à titre de rémunération complémentaire en raison des conditions d'exécution du même marché et la somme de 309 903,30 euros toutes taxes comprises au titre de factures non réglées, le tout augmenté des intérêts légaux capitalisés.

La régie des transports de Marseille (RTM) a demandé au tribunal de condamner solidairement les sociétés Thalès Communications et Security, SLE et SNEF à lui payer, d'une part, la somme de 9 010 800 euros au titre de pénalités de retard, d'autre part une indemnité de 3 329 043 euros en réparation des préjudices subis, augmentée des intérêts légaux capitalisés.

Par un jugement nos 1107286 - 1106808 - 1107267 du 6 juillet 2015, le tribunal administratif de Marseille a joint ces trois requêtes et rejeté l'ensemble des demandes des parties.

Par un arrêt n° 15MA03522 - 15MA03716 - 15MA03726 en date du 14 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de la régie des transports de Marseille, a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille nos 1107286 - 1106808 - 1107267 du 6 juillet 2015 en tant qu'il a rejeté les demandes présentées devant lui par les sociétés Thalès Communications et Security et SNEF et condamné la régie des transports métropolitains (RTM) à verser à la société Thalès Communications et Security la somme de 1 004 627,27 euros toutes taxes comprises dont 643 278,11 euros toutes taxes comprises lui revenant directement avec intérêts à compter du 31 décembre 2009. La cour administrative d'appel de Marseille a également condamné la régie des transports métropolitains à verser à la société SNEF la somme de 161 593,97 euros toutes taxes comprises avec intérêts à compter du 31 décembre 2009, mis à la charge de la RTM les dépens et rejeté le surplus des conclusions.

Par une décision n° 428844 du 20 novembre 2020, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi formé par la régie des transports métropolitains (RTM), a annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur les conclusions présentées par la RTM tendant au paiement de pénalités de retard et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille, dans la mesure de la cassation prononcée.

Procédure devant la Cour :

Par des mémoires produits après renvoi du Conseil d'Etat et enregistrés le 28 décembre 2020 et le 26 mars 2021, la régie des transports métropolitains (RTM), représentée par la SELARL LLC, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 juillet 2015 en tant qu'il a rejeté ses conclusions présentées dans l'instance n° 1106808 ;

2°) de condamner solidairement les sociétés requises à lui verser la somme de 9 010 800 euros au titre des pénalités de retard, somme assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation à la date de l'enregistrement de la requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge des sociétés requises une somme de 10 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit ; le défaut de mise en œuvre préalable de la procédure spéciale de l'article 26.3 du CCAG ne pouvait faire obstacle à l'application des pénalités ;

- l'invocation des principes d'unité et d'indivisibilité du décompte est inopérante ;

- elle n'a pas renoncé implicitement aux pénalités de retard ; les pénalités ont été calculées sur une base de 112 semaines de retard ;

- les pénalités de retard sont fondées ; les retards sont imputables au groupement ; des retards ont été constatés pour l'équipement et le câblage des autobus, la livraison des VCP, les pannes et dysfonctionnements du système ;

- les " nouvelles " spécifications lors de la phase de reprise, le découpage en phases, la grève à la RTM et le retard du choix du 6e point haut ne sont pas des causes de retard imputables à la RTM ;

- la lenteur des dépannages est imputable au groupement ;

- les vérifications VSR avant de procéder aux opérations, ordonnées par la RTM, étaient utiles et correspondaient au programme fonctionnel ;

- le réseau IP n'est pas la cause principale du retard qu'a connu l'exécution du lot n° 1 ; les causes du dysfonctionnement étaient liées aux équipements LOREIV et non au réseau ;

- les conclusions du rapport de l'expert judiciaire sur l'imputabilité d'une partie des retards à la RTM ne sont pas concluantes ;

- le montant des pénalités applicables s'élève à la somme de 9 644 985 euros, correspondant à 112 semaines de retard ;

- les pénalités n'ont pas un caractère excessif.

Par des mémoires en défense, enregistrés après renvoi du Conseil d'Etat les 26 janvier 2021 et 7 mai 2021, la SAS Thalès Six GTS France, représentée par l'AARPI Schmitt Avocats, conclut au rejet des conclusions de la requête tendant au paiement des pénalités de retard et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la RTM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la demande tendant aux paiement des pénalités de retard est irrecevable ; lors du franchissement des jalons de paiement partiel définitif, la RTM n'a jamais imputé de pénalités ; la RTM est forclose à demander le paiement des pénalités ;

- la RTM a renoncé à l'application de certaines pénalités ; elle a agréé à la prolongation des délais d'exécution du marché, conformément à l'article 25 du CCAG-MI ;

- les demandes de la RTM sont infondées ; les retards constatés sont imputables à la RTM ; la RTM a fait preuve de carences dans l'exécution du lot n° 1 ; l'expert a estimé que les contraintes imposées par la RTM faisaient obstacle à l'application des pénalités de retard ;

- le chiffrage des pénalités est surévalué ; la pénalité " V " figurant au numérateur de l'opération de calcul des pénalités est erronée ; cette valeur ne peut excéder 15 % du montant de la tranche ferme du lot n° 1 ; les pénalités n'ont pas un caractère actualisable et révisable ;

- à titre subsidiaire, les pénalités ont un caractère excessif et il y a lieu d'en moduler le montant ; le montant réclamé par la RTM représente près de 80 % du prix de la tranche ferme du lot n° 1 ;

- ses moyens sont recevables.

Par des mémoires en défense, enregistrés après renvoi du Conseil d'Etat les 5 février 2021 et 5 mai 2021, la SA SNEF, représentée par Me Mazuru, conclut au rejet des conclusions de la requête tendant au paiement des pénalités de retard et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la RTM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la demande tendant au paiement des pénalités de retard est irrecevable ; la RTM a effectué des paiements partiels sans réserve ;

- la RTM a renoncé à l'application de certaines pénalités ; elle a agréé à la prolongation des délais d'exécution du marché ;

- les demandes de la RTM sont infondées ; les retards constatés sont imputables à la RTM ; le rapport d'expertise judiciaire a conclu à l'imputabilité des retards à la RTM ;

- les retards ne sont pas imputables à la SNEF ; pour la période du 23 juillet au 1er octobre 2001, le décalage est dû à une demande de contrôle par les services de la préfecture ; pour la période du 10 juin 2002 au 13 octobre 2003, les travaux ont été suspendus par la RTM ; pour la période de juin 2004 à février 2005, les travaux de câblage ont été suspendus par la RTM ; les grèves et mouvement sociaux de la RTM intervenus en octobre 2005 lui sont imputables ;

- le déroulement de l'exécution du marché s'est trouvé affecté par des perturbations causées par la RTM, concernant les conditions de vérification d'aptitude (VA) et de vérification de service régulier (VSR) et le choix du sixième point haut d'implantation radio ;

- l'intervention de la RTM sur le nombre de types d'autobus est à l'origine de retards ; la RTM n'a pas mis à disposition un nombre suffisant de bus ;

- la SNEF a respecté ses délais d'exécution prévus par les plannings ;

- le quantum de la demande présentée par la RTM est erroné ; la valeur " V " est erronée ; la période de référence est erronée ; l'actualisation n'est pas justifiée ;

- il y a lieu, à titre subsidiaire, de moduler le montant des pénalités.

Par ordonnance en date du 12 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 80-809 du 14 octobre 1980 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics industriels ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Point, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Marchesini pour la régie des transports métropolitains, de Me Tabouis pour la société Thalès Communication et Security et de Me Mazuru pour la SA SNEF.

Une note en délibéré, présentée par la société Thalès Communication et Security, a été enregistrée le 17 janvier 2022.

Une note en délibéré, présentée par la SA SNEF, a été enregistrée le 19 janvier 2022.

1. Au terme d'une procédure d'appel d'offres sur performances, la régie des transports de Marseille, devenue régie des transports métropolitains (RTM), a confié à un groupement d'entreprises composé de la société Alcatel CGA Transport, mandataire, aux droits de laquelle vient la société Thalès Communication et Security, de la société SLE et de la société SNEF, le lot n° 1 d'un marché public industriel portant sur " la conception, le développement, le déploiement et la maintenance d'un outil informatique intégré de gestion de la sécurité, d'exploitation et d'information des voyageurs de la flotte d'autobus de la régie des transports de Marseille ". Ce marché s'insérait dans un projet dénommé " Localisation, Radio, Exploitation, Informations Voyageurs " (LOREIV), destiné à garantir une plus grande sécurité des usagers et des agents de l'établissement. Le lot n° 1 portait sur l'ensemble des prestations à réaliser à ce titre, à l'exception des fonctions d'affichage de l'information à destination des voyageurs aux points d'arrêts et sur les panneaux d'affichage. Le montant total initial du lot n° 1, toutes tranches incluses, était de 10 932 380,80 euros. Le 9 juillet 2009, le groupement d'entreprises a adressé son projet de décompte final à la régie des transports de Marseille, comprenant les décomptes individuels de chacun de ses membres. Par un courrier du 30 septembre 2009, la RTM a communiqué à la société Thalès Communication et Security le solde comptable du marché en sa possession, l'a informée de son intention d'en déduire d'éventuelles pénalités de retard et indemnités à son profit à l'issue de l'expertise alors en cours et a rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires du groupement. La société Thalès Communication et Security a présenté un mémoire en réclamation le 16 novembre 2009, qui a été rejeté par la régie des transports de Marseille le 5 janvier 2010. Par un arrêt n° 15MA03522 - 15MA03716 - 15MA03726 en date du 14 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a condamné la régie des transports métropolitains à verser à la société Thalès Communications et Security la somme de 1 004 627,27 euros toutes taxes comprises dont 643 278,11 euros toutes taxes comprises lui revenant directement, et à la société SNEF la somme de 161 593,97 euros toutes taxes comprises. La cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le surplus des conclusions des parties. Par une décision en date du 20 novembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a rejeté les conclusions de la régie des transports métropolitains tendant au paiement de pénalités de retard et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille, dans la mesure de la cassation prononcée.

Sur les pénalités de retard :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir contractuelle opposée en défense :

2. Aux termes de l'article 90 du code des marchés publics dans sa version applicable au litige : " Le règlement partiel définitif est le paiement, non susceptible d'être remis en cause, correspondant à la réalisation complète des prestations prévues par un ou plusieurs lots, tranches ou bons de commande d'un marché. ". Aux termes de l'article 11.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics industriels (" CCAG-MI "), dans sa version applicable au litige issue du décret du 14 octobre 1980 : " 11.2. Acomptes. / Il appartient au titulaire de présenter ses demandes d'acomptes chiffrées et accompagnées des justifications appropriées. / Le montant de l'acompte est déterminé par la personne responsable du marché compte tenu, le cas échéant, du remboursement des avances et de l'application des pénalités de retard. ". Aux termes de l'article 11.3 du même cahier : " Paiement pour solde et paiements partiels définitifs. / 11.31. Après réception, selon les stipulations du chapitre IV, des prestations faisant l'objet du marché ou, si le marché est fractionné, d'une phase assortie d'un paiement partiel définitif, le titulaire doit adresser à la personne responsable du marché le projet de décompte correspondant aux prestations fournies. / Le montant du décompte est arrêté par la personne responsable du marché ; si celle-ci modifie le projet de décompte présenté par le titulaire, elle lui notifie le décompte retenu. / Si le projet de décompte, malgré une mise en demeure formulée par la personne responsable du marché, n'a pas été produit dans un délai de trois mois à partir de la réception des prestations, la personne publique est fondée à procéder à la liquidation sur la base d'un décompte établi par ses soins. Celui-ci est notifié au titulaire. / 11.32. Toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte. / Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté le décompte qui lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires. / A l'occasion de la notification d'un décompte pour solde ou pour paiement partiel définitif, le titulaire n'est admis à présenter aucune réclamation sur les pénalités, sur les révisions ou actualisations de prix pour lesquelles il a donné son acceptation ou qu'il est réputé avoir acceptées à l'occasion de la notification des décomptes antérieurs ". Aux termes de l'article 26 du même cahier, relatif aux " pénalités de retard ", alors applicable : " (...) 26.3. Le décompte des pénalités est notifié au titulaire qui est admis à présenter ses observations à la personne responsable du marché dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce décompte. / Passé ce délai d'un mois, le titulaire est réputé avoir accepté les pénalités ".

3. Aux termes de l'article 29 du chapitre IV du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics industriels (" CCAG-MI "), dans sa version applicable au litige, issue du décret du 14 octobre 1980 : " Opérations de vérification. / 29.1 Les prestations faisant l'objet du marché sont soumises à des vérifications qualitatives et quantitatives destinées à constater qu'elles répondent aux stipulations prévues dans le marché. / Le titulaire avise par écrit la personne responsable du marché de la date à partir de laquelle les prestations pourront être présentées en vue de ces vérifications. (...) ". Aux termes de l'article 30 du même cahier : " Délais et procès-verbaux de constatation. 31.1. Décisions. / A l'issue des vérifications prévues à l'article 29, la personne responsable du marché prononce la réception, éventuellement assortie d'une réfaction, l'ajournement ou le rejet des prestations. (...) 31.2. Réception. La personne responsable du marché prononce la réception des prestations si elles répondent aux stipulations du marché. La date de prise d'effet de la réception est précisée dans la décision de réception ; à défaut, c'est la date de notification de cette décision. / La réception entraîne transfert de propriété. ".

4. Aux termes de l'article 4.6 du cahier des clauses administratives particulières du marché, intitulé " Modalités de présentation des demandes d'acomptes et de soldes ", les prestations faisant l'objet du marché sont facturées selon les modalités définies dans un tableau. Ce tableau prévoit à diverses échéances correspondant à l'avancée de l'exécution des prestations, le paiement d'une partie du montant total des tranches, phases ou lots concernés, et pour les approvisionnements 15 % du montant total des postes bordereau concernés. Aux termes de l'article 5.3 du CCAP : " Vérifications de conformité des performances et essais sur sites : à l'issue du montage la RTM procédera aux vérification de conformité des performances et aux essais sur sites RTM en présence du titulaire. (...)". Aux termes de l'article 5.4 du CCAP : " Homologation et réception. L'homologation des essais par RTM sera effective après une période de fonctionnement en exploitation d'une durée de trois mois, sous réserve de satisfaire aux critères de qualité exigés dans la pièce 3 et à l'obligation de résultat tel que défini au paragraphe 1.5 du présent CCAP. La réception se fera par procès-verbal après homologation. ".

5. Les dispositions de l'article 26 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics industriels ouvrent au pouvoir adjudicateur la faculté, dans les conditions de forme et de délai qu'elles énoncent, de rendre définitives les pénalités de retard dont il notifie le décompte spécial au titulaire en cours d'exécution du marché, avant l'établissement du décompte prévu à l'article 11.3 du même cahier. En l'absence de mise en œuvre de cette faculté, il appartient aux cocontractants d'arrêter le décompte général du marché incluant, le cas échéant, le montant des pénalités de retard, dans le cadre de la procédure prévue par ce dernier article. Lorsque le juge est appelé à arrêter le solde du marché, la personne publique peut lui demander de prononcer ces pénalités.

6. La SA SNEF et la société Thalès Six GTS France soutiennent que la demande de paiement des pénalités est irrecevable dès lors que les prestations en cause ont fait l'objet de paiements partiels définitifs. Les sociétés SA SNEF et Thalès Six GTS France font valoir que les paiements de factures intervenus en cours d'exécution du marché et justifiés dans un tableau de synthèse pour un montant global de 5 032 071,77 euros hors taxes ont le caractère de paiements partiels définitifs pour lesquels la RTM n'a imputé aucune pénalité de retard.

7. Il résulte des dispositions de l'article 11.3 du CCAG-MI que les paiements partiels définitifs interviennent après réception, selon les dispositions du chapitre IV, ou dans le cas d'un marché fractionné, après la réception d'une phase assortie d'un paiement partiel définitif. Aux termes de l'article 5.4 du CCAP, l'homologation et la réception des prestations n'est acquise qu'à l'issue d'une période de fonctionnement en exploitation d'une durée de trois mois. Les sociétés requérantes font valoir que le groupement a émis et notifié à la RTM, au fur et à mesure de l'exécution du marché, des factures correspondant à des " jalons de paiement " tels que prévus à l'article 4.6 du CCAP. Il résulte toutefois de l'instruction que les stipulations de l'article 4.6 du CCAP, qui précisent les modalités de présentation de demandes d'acompte et de solde en fonction d'échéances, ne fixent pas un régime de paiements partiels définitifs. Pour partie, ces échéances sont sans rapport avec des prestations ou des phases donnant lieu à des opérations de vérification et de réception telles que prévues au chapitre IV du CCAG-MI, et les paiements effectués ne peuvent dès lors être regardés comme des paiements partiels définitifs. En ce qui concerne les sommes qui auraient été facturées et payées au titre des deux échéances intitulées " à la réception et essais en usines des principaux ensembles de la tranche ou de la phase " et " à la réception de la tranche ou de la phase ", les sociétés requérantes ne justifient pas de décisions de réception des prestations valant reconnaissance par le pouvoir adjudicateur de la conformité des prestations aux stipulations du marché, de nature à conférer à ces paiements le caractère de paiements partiels définitifs au sens de l'article 11.3 du CCAG-MI ou de l'article 90 du code de marchés publics. A cet égard, la RTM fait valoir sans être utilement contredite sur ce point que " le groupement n'a eu de cesse de vouloir faire procéder à des recettes ou des vérifications de service régulier alors que les systèmes correspondants ne fonctionnaient pas correctement ", que les tests réalisés en cours d'exécution n'ont pas permis d'homologuer les prestations dans des conditions normales d'exploitation, qu'au cours de la période de vérification finale (VSR) les procédures étaient incomplètes et que nombre de vérifications indispensables ont eu lieu après avril 2007. La " recette usine phase 2 ", prononcée le 13 décembre 2004, comporte une liste importante de réserves concernant les dysfonctionnements et les non-conformités aux stipulations du marché. Le courrier d'accompagnement précise que l'activation des fonctions SAEIV et le lancement de la ligne pilote SAEIV " et par là-même le déploiement du système sur l'ensemble des bus " est conditionné à la levée des réserves. Ce document ne peut dès lors être regardé comme une décision d'homologation et de réception des prestations. Ainsi, il n'est pas établi que les prestations du marché facturées par les sociétés titulaires du lot auraient fait l'objet de vérifications et de décisions de réception avant la date du 19 avril 2007. Dans ces conditions, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les paiements des acomptes intervenus en fonction des échéances définies à l'article 4.6 du CCAP correspondraient à des paiements partiels définitifs résultant de phases ou de prestations sanctionnées par un acte de réception. Elles ne peuvent dès lors utilement invoquer le régime des paiements partiels définitifs pour justifier la tardiveté et l'irrecevabilité de la demande d'application des pénalités.

8. L'absence d'exercice par la RTM de la procédure spéciale de décompte des pénalités prévue à l'article 26.3 du CCAG-MI n'implique pas qu'elle aurait renoncé à l'application des pénalités. Par suite, les paiements d'acomptes intervenus avant l'établissement du décompte général du marché ne font pas obstacle à l'application de ces pénalités dans le cadre du décompte général du marché ou devant le juge, lorsque la personne publique lui demande de les prononcer.

En ce qui concerne l'application des pénalités aux délais globaux :

9. Aux termes de l'article 8.4 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " En cas de non-respect des délais contractuels globaux et partiels de deux lots et de leurs différentes tranches, le titulaire encoure, sans mise en demeure préalable, des pénalités calculées par dérogation à l'article 26.1 du CCAG-MI par application de la formule suivante : P = V*R/1000. (...) En dérogation à l'article 26.1 du CCAG-MI il n'y a pas de seuil d'exonération. ". Aux termes de l'article 25 du CCAG-MI applicable au marché en litige : " 25.1 Lorsque le titulaire est mis dans l'impossibilité de respecter les délais contractuels du fait de la personne publique ou du fait d'un évènement ayant le caractère de force majeure, la personne publique prolonge les délais d'exécution. / Le délai ainsi prolongé a, pour l'application du marché, les mêmes effets que le délai contractuel. ".

10. Il résulte des stipulations précitées de l'article 8.4 du cahier des clauses administratives particulières du marché que les pénalités sont applicables aux délais contractuels globaux. Par suite, la SA SNEF et la société Thalès Six GTS France ne sont pas fondées à soutenir que les pénalités seraient exclusivement applicables aux jalons.

11. Les sociétés SA SNEF et Thalès Six GTS France soutiennent par ailleurs que la RTM, en accordant des prolongations des délais d'exécution, a expressément renoncé à l'application de pénalités. Il résulte toutefois de l'instruction que sont en litige les pénalités applicables au dépassement des délais contractuels compte tenu des périodes de suspension de l'exécution des prestations et des reports des délais globaux d'exécution accordés par la RTM. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le nombre de jours de retard constatés :

12. Aux termes de l'article 3.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Les délais d'exécution sont ceux définis à l'article 5 de l'acte d'engagement ". Aux termes de l'article 5 de l'acte d'engagement : " Tous les délais ont pour origine la date de notification de la tranche correspondante ". Les délais d'exécution pour le lot n° 1 sont définis en semaines et décomposés en six références allant de D1 à D6 applicables aux tranches du marché. Les références D1 et D2 correspondent à la tranche ferme phase 1. Le délai global (D1) pour l'exécution de la phase 1 était de 92 semaines. Le délai D3 correspondant à la phase 2 de la tranche ferme était de 114 semaines.

13. Aux termes de l'article 25 du CCAG-MI applicable au marché en litige : " 25.1 Lorsque le titulaire est mis dans l'impossibilité de respecter les délais contractuels du fait de la personne publique ou du fait d'un évènement ayant le caractère de force majeure, la personne publique prolonge les délais d'exécution. / Le délai ainsi prolongé a, pour l'application du marché, les mêmes effets que le délai contractuel. ". Aux termes de l'article 1.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Allotissement du marché : Le marché est divisé en deux lots comportant chacun plusieurs tranches tels que définis ci-après. / Lot 1 / Tranche ferme : coordination générale de l'ensemble des prestations des deux lots. Intégration des fonctions suivantes : 1. Localisation et sécurité des mobiles (...). / Phase 1, études, fourniture, (...) de : - l'ensemble des fonctions (...) sur 160 bus de lignes (...) - l'ensemble des fonctions de transmission (...). (...) Phase 2 : études, fourniture, montage (...) de l'ensemble des fonctions (...) sur le reste du réseau soit 440 bus (...). ".

14. Il résulte des stipulations précitées du contrat que les pénalités sont applicables en cas de retard sur les délais d'exécution fixés au contrat et définis à l'article 5 de l'acte d'engagement. Aux termes de cet article, l'application des délais d'exécution est conditionnée à la notification de la tranche correspondante. Par ordre de service n° 1 du 18 juillet 2001, la RTM a ordonné le démarrage de l'exécution des prestations à la date du 23 juillet 2001. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du courrier de la RTM en date du 28 mars 2002, que la RTM a différé le commencement d'exécution au 1er octobre 2001. Les délais d'exécution du lot n° 1, ainsi que l'indique le courrier du 28 mai 2002, ont commencé à courir le 1er octobre 2001. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les phases 1 et 2 du lot n° 1 ont été fusionnées et que le délai d'exécution D1 prévu pour la phase 1 a été aligné sur le délai D3 applicable à l'exécution de la phase 2. Par l'effet de ces mesures, le délai global d'exécution du lot n° 1 a été porté à 114 semaines à compter du 1er octobre 2001.

15. Il résulte également de l'instruction, notamment du courrier de la RTM daté du 4 juin 2003 et réceptionné par la société SAS Thalès Six GTS France le 10 juin 2003, que l'exécution du marché a été interrompue du 10 juin 2002 au 1er septembre 2003. La RTM a indiqué dans le courrier du 4 juin 2003 qu'un nouveau planning serait mis en place et que " les délais D1, D3 et D7 du marché, de 114 semaines (notre courrier du 28 mai 2002) sont ainsi portés à 178 semaines. ". Par un courrier du 6 juin 2003, la société Thalès Six GTS France, mandataire du groupement, a accepté la reprise de l'exécution des prestations à la date du 1er septembre 2003 et n'a présenté aucune observation concernant la prolongation des délais d'exécution à 178 semaines. Cette prolongation des délais d'exécution, qui visait à prendre en compte l'interruption de l'exécution du marché, a porté la date contractuelle d'achèvement des prestations du lot n° 1 au 25 février 2005.

16. La société Thalès Six GTS France et la SA SNEF soutiennent que la RTM a accepté un report des délais d'exécution au-delà de 178 semaines. Il résulte de l'instruction que le calendrier d'exécution établi le 26 septembre 2003, qui est versé au dossier, indique que les délais d'exécution des prestations s'achèvent au 20 mai 2005. Ce planning, adopté au moment de la reprise de l'exécution des prestations en septembre 2003, résultait de la prise en compte d'un décalage supplémentaire de la reprise du projet entre le 1er et le 26 septembre 2003 et a été accepté par l'ensemble des parties. Il a dès lors eu pour effet de reporter au 20 mai 2005 la date contractuelle d'achèvement des prestations. A cet égard, il résulte de l'instruction que dans un courrier du 8 novembre 2006 adressé par la RTM au titulaire du lot, la RTM mentionne le 20 mai 2005 comme " délai contractuel validé par la RTM ". Par suite, la RTM ne conteste pas utilement l'affirmation des sociétés requérantes selon lesquelles l'expiration des délais d'exécution contractuels a été reportée au 20 mai 2005.

17. Les sociétés requérantes soutiennent que la RTM a accordé un report supplémentaire des délais d'exécution, jusqu'au 31 décembre 2005. Il résulte toutefois de l'instruction que dans le compte-rendu de réunion du 6 avril 2005, au point 2.1 du compte rendu, il est fait mention d'un report de l'exécution de la phase VSR, à l'initiative de la RTM. Ce compte-rendu indique expressément que " la RTM reconnaît ne pas avoir réalisé en son temps que la période de VSR tombait pendant la période des vacances et propose un début au plus tôt le 1er octobre 2005. RTM indique ne pas avoir analysé les impacts financiers de cette décision. ". Le compte-rendu précise que " la RTM admet la non-pénalisation de ce report de délai pour autant qu'il lui soit bien imputable, c'est-à-dire que les incidents majeurs, ou les retards de câblage ne conduisent pas, sous la responsabilité du groupement, à ce que la VSR ne puisse pas avoir lieu avant le 1er octobre 2005. RTM accorde le dédoublement du délai de fin de câblage d'avec le début de la VSR pour cette raison liée aux congés annuels ". Ainsi, le report de la phase VSR sollicité par la RTM était lié et conditionné à l'impossibilité d'exécuter cette phase pendant la période de vacances. Il résulte de l'instruction qu'au regard des autres retards pris dans l'exécution des prestations, cette phase n'a pu débuter entre le 20 mai 2015 et le 1er octobre 2015. Par suite, la demande de report formulée par la RTM n'avait plus lieu d'être, et les sociétés Thalès Six GTS France et SA SNEF ne sont pas fondées à soutenir que la date contractuelle d'achèvement des prestations aurait été finalement reportée au 31 décembre 2005.

18. Il résulte de ce qui précède que la date contractuelle d'achèvement des prestations doit être fixée au 20 mai 2005. Il est constant que les prestations du marché ont été réceptionnées le 19 avril 2007. Ainsi, le nombre de jours de retard dans l'exécution des prestations contractuelles doit être établi à hauteur de 699 jours correspondant au nombre de jours écoulés entre le 20 mai 2005 et le 19 avril 2007.

En ce qui concerne l'imputabilité des retards :

19. Le marché en litige a été confié au groupement en vue de la réalisation des études, de la fourniture, du montage, de l'intégration de la mise en service, de la réception et de la formation à l'exploitation et à la maintenance du système LOREIV. Un tel projet ne comprenait pas la construction d'un ouvrage du sens du code des marchés publics et de la loi sur la maîtrise d'ouvrage publique. Dès lors, si l'expert, dans son rapport remis en juillet 2011, a analysé l'origine des retards en identifiant d'une part le rôle de la " maîtrise d'ouvrage ", d'autre part celui de la " maîtrise d'œuvre ", il y a lieu de regarder les mentions " maître de l'ouvrage " et " maître d'œuvre " présentes dans le rapport d'expertise comme faisant référence respectivement à la RTM et au groupement titulaire du marché, ainsi que l'expert le mentionne lui-même à la page 28 de son rapport.

20. En vertu des stipulations précitées de l'article 25 du CCAG-MI et de l'article 8-4 du CCAP, les pénalités sont applicables du seul fait de la constatation du non-respect des délais contractuels globaux et il appartient aux sociétés requérantes d'établir que les retards constatés ne leur seraient pas imputables. Ces dernières font valoir en premier lieu que l'expert a relevé à la page 55 de son rapport qu'au regard du " contexte très évolutif de ce projet, aussi bien du côté de la maîtrise d'ouvrage que de la maîtrise d'œuvre ", qui a fait augmenter la durée d'exécution, " l'application des pénalités de retard prévu par le CCAP devient difficilement réalisable ". Ces considérations, qui se bornent à faire référence à la désorganisation du projet, sont sans incidence directe sur la constatation des jours de retard et ne sont pas de nature à établir que les retards ne seraient pas imputables au titulaire du lot.

21. Les sociétés requérantes soutiennent en deuxième lieu qu'un mouvement de grève d'une durée de 33 jours ouvrables, intervenu entre le 4 octobre et le 23 novembre 2005, explique une partie des retards constatés et que ces retards ne leur sont pas imputables. L'expert judicaire a relevé que ces retards n'étaient pas imputables aux sociétés membres du groupement et ne pouvaient être pris en compte pour le décompte des pénalités. Toutefois, la société RTM fait valoir, sans être utilement contredite sur ce point, que les dépôts étaient ouverts, que les sociétés titulaires ont pu avoir accès aux équipements et aux bus, et ainsi exécuter les prestations contractuelles sans être empêchées par le mouvement de grève. La RTM contredit ainsi utilement les conclusions de l'expert sur ce point. Par suite, les sociétés Thalès Six GTS France et SA SNEF ne sont pas fondées à soutenir qu'une partie des retards en cause correspondrait à des jours de grève qui ne leur seraient pas imputables.

22. Les sociétés requérantes soutiennent en troisième lieu que les retards ont été provoqués par les interventions perturbatrices de la RTM et que cette dernière est directement à l'origine d'une partie des retards.

23. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que les retards globaux résultent en partie de retards cumulés dans l'exécution de quatre séries de prestations correspondant à la mise en place de la ligne pilote, l'équipement des bus et véhicules légers, le système radio, et la VSR. L'expert judicaire a également relevé à la page 42 de son rapport que les retards résultaient d'une façon générale de problèmes d'organisation dans le déroulement du projet. A la page 55 de son rapport, l'expert a ainsi indiqué que les " changements dans la conduite du projet ont créé systématiquement des perturbations dans l'organisation et la mise en place de tâches et ont allongé les délais de façon importante ".

24. Aux termes du rapport d'expertise, les retards constatés concernant la mise en place de la ligne pilote, dont l'impact sur l'ensemble des délais d'exécution est d'environ un mois et demi, est imputable à un " défaut d'exécution de prestations contractuelles ". Selon l'expert, la RTM, qui aux termes du contrat avait la possibilité de modifier sur ce point le programme fonctionnel, ne peut être tenue pour responsable de ces retards. Les sociétés requérantes ne contredisent pas utilement les conclusions du rapport d'expertise sur ce point. Par suite, les sociétés requérantes n'établissent pas que les retards liés à la mise en place de la ligne pilote, qui ont eu une incidence sur les retards globaux à hauteur de quarante-cinq jours, ne leur seraient pas imputables.

25. Il résulte de l'instruction, en particulier des éléments exposés dans le rapport d'expertise, que sur l'ensemble des retards constatés, six mois de retard trouvent leur origine dans l'équipement des bus et des véhicules légers. Le restant des retards globaux est imputable conjointement à la mise en place du système radio et à la mise en œuvre tardive de la phase VSR. Selon l'expert, qui n'est pas utilement contredit par les parties sur l'ensemble de ces points, les retards liés à l'équipement des bus et véhicules légers proviennent à la fois à des changements d'organisation et de mise à disposition des matériels, imputables à la RTM, et à d'autres causes faisant partie des " contraintes d'exploitation annoncées dans le programme fonctionnel ", notamment des problèmes de " mauvaises performances ", qui sont dès lors imputables au titulaire du marché. Si la RTM fait valoir qu'elle a mis à disposition du titulaire un nombre de bus suffisant pour le câblage, elle ne contredit pas utilement les conclusions de l'expert selon lesquelles les changements d'organisation et de mise à disposition du matériel sont en partie à l'origine des retards. Concernant les retards constatés pour la mise en place du système radio, l'expert a relevé d'une part que le choix tardif du site de Luminy, imputable à la RTM, avait été " très lourd de conséquence sur les délais ", d'autre part qu'une partie des retards s'expliquait par des difficultés de mise en œuvre technique, imputables dès lors au titulaire du marché. Concernant les retards constatés pour la mise en œuvre de la phase VSR, il résulte de l'expertise judiciaire que les retards étaient imputables à la fois à des décalages techniques, résultant de l'exécution des prestations, et à un défaut d'organisation de l'opération du fait de la RTM. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que 654 jours de retard, correspondant à 699 jours de retard globaux constatés moins 45 jours directement imputables au titulaire au titre de la mise en place de la ligne pilote, ont pour origine essentielle la désorganisation du projet.

26. Si l'expert a indiqué que le " maître de l'ouvrage " avait par son action " débordé sur la maîtrise d'œuvre ", il a relevé le fait que les problèmes d'organisation dans le déroulement du projet " étaient inhérents à la fois à la maîtrise de l'ouvrage et au maître d'œuvre ". A la page 55 de son rapport, l'expert a relevé que les changements ayant perturbé l'organisation et la mise en place du projet trouvaient leur origine " aussi bien du côté de la maîtrise de l'ouvrage que de la maîtrise d'œuvre ". Si la RTM soutient que le programme fonctionnel, à son article 5.5.2, prévoyait que le maître de l'ouvrage devait viser les prestations d'études précisant les spécifications fonctionnelles et matérielles, elle ne conteste pas utilement les constats établis par l'expert judiciaire concernant les modifications de programme et les interventions du " maître de l'ouvrage ", à l'origine d'une partie des retards, notamment concernant l'équipement des bus et véhicules légers ou le choix tardif du site de Luminy pour le système radio. Les sociétés Thalès Six GTS France et SA SNEF sont par suite fondées à soutenir qu'une partie des retards pour lesquels la RTM demande l'application de pénalités est directement imputable à la RTM elle-même. Au vu de ce qui vient d'être exposé, il y a lieu de considérer qu'un tiers des 654 jours de retard résultant directement de la désorganisation générale du projet, et ne correspondant pas à la mise en place de la ligne pilote, sont imputables à la RTM.

27. Il résulte de tout ce qui précède que sur les 699 jours de retard constatés, 218 jours ne sont pas imputables aux sociétés Thalès Six GTS France et SA SNEF. Par suite, la RTM est seulement fondée à demander l'application des pénalités au groupement à raison de 481 jours de retard.

En ce qui concerne le mode de calcul des pénalités :

28. Aux termes de l'article 8.4 du cahier des clauses administratives particulières au marché, les pénalités de retard sont calculées, par dérogation à l'article 26.1 du CCAG-MI, par application de la formule P = (V*R) /1000, R désignant le nombre de jours de retard et V la valeur pénalisée. Aux termes de l'article 26.1 du CCAG-MI : " Dans le silence du marché, lorsque le délai contractuel, éventuellement prolongé dans les conditions de l'article 25, est dépassé, le titulaire encourt, sans mise en demeure préalable, une pénalité calculée par application de la formule suivante : P = (VxR) / 3 000 dans laquelle P montant des pénalités ; V valeur pénalisée ; cette valeur est égale au prix de règlement des prestations en retard ou, exceptionnellement, de l'ensemble des prestations si le retard de livraison d'une partie rend l'ensemble inutilisable ; R nombre de jours de retard. ". Aux termes de l'article 26.5 du CCAG-MI : " 26.5. Dans le cas de cotraitants pour lesquels le paiement est effectué à des comptes séparés, les pénalités sont réparties entre les cotraitants conformément aux indications données par le mandataire, sauf stipulation différente du marché. / Dans l'attente de ces indications, les pénalités sont retenues en totalité au mandataire, sans que cette opération engage la responsabilité de la personne publique à l'égard des autres cotraitants. ".

29. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'exécution du marché n'a pas permis l'exploitation du système " LOREIV " avant le mois d'avril 2007. L'expert a ainsi relevé dans son rapport les nombreux dysfonctionnements qui ont conduit à la prolongation de l'exécution du marché jusqu'en 2007, dysfonctionnements qui, par leur nature et leur ampleur, et au regard du caractère interdépendant des fonctionnalités du système " LOREIV ", faisaient obstacle à la mise en fonction du système lui-même. L'expert a ainsi relevé, à la page 58 de son rapport, que " le projet est en exploitation depuis fin 2007 ". En outre, le caractère opérationnel du système " LOREIV " ne pouvait être certifié que par la mise en œuvre de la phase VSR, qui s'est prolongée jusqu'à fin 2007. A l'issue de cette phase de vérification, le système LORIEV a été considéré par les parties comme opérationnel à compter du 19 avril 2007. A cet égard, au vu de la finalité même de la phase VSR, les sociétés Thalès Six GTS France et SA SNEF ne sont pas fondées à soutenir que les prestations de retard correspondant à la valeur " V " seraient limitées aux prestations de la phase VSR. Par suite, la RTM est fondée à soutenir que l'ensemble du système " LOREIV " était inutilisable jusqu'à sa réception le 19 avril 2007 et que la valeur pénalisée doit correspondre au montant total de la tranche ferme du lot 1, soit la somme de 9 644 985 euros.

30. Il résulte de ce qui précède que le nombre de jours de retard imputables au groupement titulaire du marché est de 481 jours. Par suite, en application de l'article 8.4 du cahier des clauses administratives particulières au marché, le montant des pénalités de retard doit être établi à la somme de 4 639 237,78 euros.

Sur la demande de modulation des pénalités :

31. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, être saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. Il appartient au titulaire du marché qui saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge de fournir tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif.

32. Les sociétés Thalès Six GTS France et SA SNEF soutiennent que le montant des pénalités excède 50 % du montant du marché initial. Il résulte de ce qui précède que le montant des pénalités résultant de l'application des stipulations contractuelles s'élève à la somme de 4 639 237,78 euros soit environ 48 % du montant global du marché. En outre, ainsi que le fait également valoir la société Thalès Six GTS France, la formule contractuelle des pénalités de retard comporte un dénominateur de valeur 1 000, par dérogation à l'article 26.1 du CCAG-MI, qui serait applicable dans des marchés comparables, et dans lequel le dénominateur est de valeur 3 000. Par suite, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que le montant des pénalités résultant de l'application des stipulations contractuelles est excessif et à demander la modulation de ces pénalités. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, au vu de la nature et de l'ampleur des retards constatés, et de la responsabilité propre du groupement titulaire dans la survenance de ces retards, de limiter le montant des pénalités à la somme de 2 000 000 euros.

33. Aux termes de l'article 1 de l'acte d'engagement signé le 3 janvier 2001, les trois sociétés titulaires du lot n° 1 constituaient un groupement d'entreprises solidaires, dont la société Alcatel CGA Transport était le mandataire. Aux termes de l'article 6 de l'acte d'engagement, les paiements dus au titre du marché devaient être effectués sur des comptes séparés. En l'absence d'indications données par le mandataire, il n'y a pas lieu de répartir les pénalités entre les cotraitants. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner solidairement les sociétés SLE, Thalès Six GTS France et SA SNEF au paiement de la somme de 2 000 000 euros. Le surplus de la demande présentée à ce titre par la RTM doit être rejeté.

Sur les intérêts :

34. En vertu de l'article 1153 du code civil, les intérêts au taux légal courront sur la somme de 2 000 000 euros due par les sociétés SLE, Thalès Six GTS France et SA SNEF à compter du 5 octobre 2011, date à laquelle ils ont été demandés pour la première fois. Les intérêts seront capitalisés à compter du 21 août 2015, comme le demande la RTM dans sa requête d'appel, pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

35. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les demandes présentées par les parties sur ce fondement doivent dès lors être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les sociétés SLE, Thalès Six GTS France et SA SNEF sont condamnées à verser à la RTM la somme de 2 000 000 euros au titre des pénalités de retard. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2011. Les intérêts seront capitalisés à compter du 21 août 2015 pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille nos 1107286 - 1106808 - 1107267 du 6 juillet 2015 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la régie des transports métropolitains (RTM), à la société Thalès Six GTS France, à la SA SNEF et à Me Sohm, liquidateur de la société SLE.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. B... Point, premier conseiller

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2022.

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N° 20MA04339

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04339
Date de la décision : 14/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-03 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Rémunération du co-contractant. - Pénalités de retard.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-14;20ma04339 ?
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