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07/03/2022 | FRANCE | N°19MA03081

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 07 mars 2022, 19MA03081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Côte d'Azur Routage a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 27 mars 2017, du 19 avril 2017 et du 17 mai 2017 par lesquelles le directeur de la protection des populations des Alpes-Maritimes lui a enjoint de mettre en place un système de traçabilité des denrées alimentaires en application des dispositions de l'article 18 du règlement (CE) n° 178/202 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions génér

ales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Côte d'Azur Routage a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les décisions du 27 mars 2017, du 19 avril 2017 et du 17 mai 2017 par lesquelles le directeur de la protection des populations des Alpes-Maritimes lui a enjoint de mettre en place un système de traçabilité des denrées alimentaires en application des dispositions de l'article 18 du règlement (CE) n° 178/202 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires.

Par un jugement n° 1702786 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2019 et un mémoire complémentaire daté du 23 août 2021, la SAS Côte d'Azur Routage, représentée par la SCP Klein, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler ou de prononcer le retrait des décisions du 27 mars 2017, du 19 avril 2017 et du 17 mai 2017 par lesquelles le directeur de la protection des populations des Alpes-Maritimes lui a enjoint de mettre en place un système de traçabilité des denrées alimentaires en application des dispositions de l'article 18 du règlement (CE) n° 178/202 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002.

Elle soutient que :

- l'article 18 du règlement (CE) n° 178/2002 ne lui est pas applicable ;

- l'article 19 du règlement (CE) n° 178/2002 ne lui est pas applicable ;

- elle n'a pas d'activité dans le secteur alimentaire ; elle est un intermédiaire qui réalise des prestations de conditionnement de colis, pour le compte de ses clients ; les colis sont acheminés par les services postaux ;

- elle n'a plus aucune relation commerciale avec la société DDI Ltd ; l'injonction n'avait plus lieu d'être à la date de la mesure attaquée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2020, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le cadre réglementaire européen prévoit que les obligations de traçabilité des denrées alimentaires s'appliquent à tous les acteurs de la chaine de commercialisation ;

- la SAS Côte d'Azur Routage effectue une prestation de stockage et de préparation des commandes pour le compte d'entreprises clientes dans le cas de ventes à distance, notamment pour la société britannique DDI Ltd ;

- le règlement (CE) n° 178/2002 est applicable à la SAS Côte d'Azur Routage pour ces activités ; elle est tenue de mettre à disposition des autorités les informations nécessaires à la traçabilité des produits ;

- la circonstance qu'elle n'a plus aucune relation commerciale avec la société DDI Ltd est sans incidence, dès lors que les données exigibles doivent être conservées pendant la durée d'alerte définie par la réglementation européenne.

Par ordonnance en date du 25 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2021.

Par courrier du 13 janvier 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de fonder son arrêt sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le courrier du 27 mars 2017 par lequel les services de l'Etat ont informé la SAS Côte d'Azur Routage qu'ils envisageaient de prendre à son égard une mesure d'injonction et l'ont invitée à présenter ses observations constitue un acte préparatoire qui ne fait pas grief et n'est pas susceptible de recours. Les conclusions tendant à l'annulation de cet acte sont par suite irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires ;

- le règlement (CE) n° 178/202 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires ;

- le code de la consommation ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Point, rapporteur,

- et les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public.

1. Par courrier du 27 mars 2017, la directrice départementale de la protection des populations des Alpes-Maritimes, en application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de la consommation, a informé la SAS Côte d'Azur Routage qu'elle était tenue de mettre en place le système de traçabilité des denrées alimentaires prévu à l'article 18 du règlement (CE) n° 178/2002 du 28 janvier 2002 et l'a invitée à produire ses observations. Ce courrier précisait que des manquements de la société à cette réglementation avaient été constatés et qu'ils étaient susceptibles d'être punis d'une peine d'amende de 5e classe. Par courrier du 5 avril 2017, la SAS Côte d'Azur Routage a présenté ses observations. Par un courrier du 19 avril 2017, la directrice départementale de la protection des populations des Alpes-Maritimes a enjoint à la société Côte d'Azur Routage de mettre en place, dans le délai de quinze jours, un système de traçabilité des denrées alimentaires qu'elle distribuait. Par un courrier du 17 mai 2017, la directrice départementale de la protection des populations a rejeté le recours gracieux formé, le 28 avril 2017, par la société Côte d'Azur Routage contre cette décision. La SAS Côte d'Azur Routage relève appel du jugement en date du 14 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 2017, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.

Sur la recevabilité de la demande dirigée contre le courrier du 21 mars 2017 :

2. Le courrier du 27 mars 2017 par lequel les services de l'Etat ont informé la SAS Côte d'Azur Routage qu'ils envisageaient de prendre à son égard une mesure d'injonction et l'ont invitée à présenter ses observations constitue un acte préparatoire, dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 521-1 du code de la consommation, en vue de recueillir les observations de l'intéressée. Cet acte ne fait pas grief et n'est pas susceptible de recours. Les conclusions tendant à l'annulation de cet acte sont par suite irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les conclusions dirigées contre les décisions du 19 avril 2017 et du 17 mai 2017 :

3. Aux termes de l'article 18 du règlement (CE) n° 178/202 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 : " 1. La traçabilité des denrées alimentaires, des aliments pour animaux, des animaux producteurs de denrées alimentaires et de toute autre substance destinée à être incorporée ou susceptible d'être incorporée dans des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux est établie à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution. 2. Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l'alimentation animale doivent être en mesure d'identifier toute personne leur ayant fourni une denrée alimentaire, un aliment pour animaux, un animal producteur de denrées alimentaires ou toute substance destinée à être incorporée ou susceptible d'être incorporée dans des denrées alimentaires ou dans des aliments pour animaux (...) ". Aux termes de l'article 19 du même règlement : " (...) 2 Tout exploitant du secteur alimentaire responsable d'activités de commerce de détail ou de distribution qui n'affectent pas l'emballage, l'étiquetage, la sécurité ou l'intégrité des denrées alimentaires engage, dans les limites de ses activités propres, les procédures de retrait du marché des produits ne répondant pas aux prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires et contribue à la sécurité des denrées alimentaires en transmettant les informations nécessaires pour retracer le cheminement d'une denrée alimentaire et en coopérant aux mesures prises par les producteurs, les transformateurs, les fabricants et/ou les autorités compétentes (...) ".

4. Aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 178/202 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 : " Aux fins du présent règlement, on entend par : 1) "législation alimentaire", les dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant les denrées alimentaires en général et leur sécurité en particulier, au niveau communautaire ou national. La législation alimentaire couvre toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution des denrées alimentaires et également des aliments destinés ou donnés à des animaux producteurs de denrées alimentaires ; 2) "entreprise du secteur alimentaire", toute entreprise publique ou privée assurant, dans un but lucratif ou non, des activités liées aux étapes de la production, de la transformation et de la distribution de denrées alimentaires ; 3) "exploitant du secteur alimentaire", la ou les personnes physiques ou morales chargées de garantir le respect des prescriptions de la législation alimentaire dans l'entreprise du secteur alimentaire qu'elles contrôlent (...) 15 ) "traçabilité", la capacité de retracer, à travers toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, le cheminement d'une denrée alimentaire, d'un aliment pour animaux, d'un animal producteur de denrées alimentaires ou d'une substance destinée à être incorporée ou susceptible d'être incorporée dans une denrée alimentaire ou un aliment pour animaux ; 16) "les étapes de la production, de la transformation et de la distribution", toutes les étapes, dont l'importation, depuis et y compris la production primaire d'une denrée alimentaire, jusque et y compris son entreposage, son transport, sa vente ou sa livraison au consommateur final, ainsi que, le cas échéant, l'importation, la production, la fabrication, l'entreposage, le transport, la distribution, la vente et la livraison des aliments pour animaux (...) ".

5. Aux termes de l'article 2 du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 : " Aux fins du présent décret, on entend par : 1° " Compléments alimentaires ", les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d'un compte-gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de la consommation : " Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations. ". Aux termes de l'article L. 232-1 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsqu'un exploitant du secteur alimentaire ou du secteur de l'alimentation animale n'a pas respecté les obligations qui lui sont faites par les dispositions des articles 19 ou 20 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002, l'autorité administrative compétente peut ordonner, en utilisant notamment les informations issues des procédures de traçabilité que l'exploitant est tenu de mettre à sa disposition, la destruction, le retrait, la consignation ou le rappel en un ou plusieurs lieux du ou des lots de produits d'origine animale, de denrées alimentaires en contenant ou d'aliments pour animaux ou toute autre mesure qu'elle juge nécessaire (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la SAS Côte d'Azur Routage exerce une activité de routage, de stockage, d'expédition et d'édition d'articles de distribution par correspondance. Elle a réalisé jusqu'en avril 2017, au bénéfice de la société DDI Ltd, des prestations de réception, de stockage et de conditionnement des colis des compléments alimentaires que cette société britannique commercialisait via des sites de vente sur internet. Il est constant que le produit " Maximenpills " vendu en France par la société DDI Ltd est un complément alimentaire commercialisé sous forme des denrées alimentaires au sens de la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires. Il est également constant que ce produit contient des substances médicamenteuses non mentionnées sur l'étiquetage, alors qu'elles sont contre-indiquées pour les personnes sujettes à des troubles cardiovasculaires. Les autorités françaises, qui ont détecté la présence de ces substances, ont déclenché la procédure d'alerte prévue à l'article 50 du règlement du 20 janvier 2002, en vue de gérer au niveau de l'Union européenne le risque pour la santé humaine lié à la commercialisation de ce produit.

8. Il ressort des pièces du dossier que la SAS Côte d'Azur Routage intervient dans la commercialisation des compléments alimentaires en cause au stade de l'entreposage et de l'expédition des produits, en vertu du contrat qu'elle a conclu avec la société DDI Ltd. Ces opérations sont au nombre des étapes comprises dans la distribution et spécifiquement énumérées au point 16 de l'article 3 du règlement (CE) n° 178/202 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002. Par suite, du fait de ces activités, la SAS Côte d'Azur Routage doit être regardée comme une entreprise du secteur alimentaire et un exploitant du secteur alimentaire au sens du 2) et du 3) du même article, soumise à la législation alimentaire au sens du 1) de ce même article. Dans ces conditions, la SAS Côte d'Azur Routage n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'entrerait pas dans le champ des dispositions précitées des articles 18 et 19 du règlement (CE) n° 178/202 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002. Par voie de conséquence, c'est à juste titre que l'administration, par les décisions attaquées, a demandé à la SAS Côte d'Azur Routage de mettre en place un système de traçabilité des denrées alimentaires dont elle assurait en partie la distribution.

9. Si la société requérante soutient qu'elle n'avait plus de relations contractuelles avec la société DDI Ltd et que les produits litigieux n'étaient plus entreposés chez elle, il ressort toutefois du procès-verbal établi le 27 juin 2017 que le gérant de la SAS Côte d'Azur Routage a déclaré que les relations avec la société DDI Ltd étaient interrompues " depuis une quinzaine de jours " et que la dernière facture de prestation serait émise le 30 juin 2017. Il ressort des pièces du dossier que des factures de prestations ont été émises le 12 juin 2017 et le 19 juin 2017. Par suite, à la date des décisions attaquées, la SAS Côte d'Azur Routage était toujours en relations commerciales avec la société DDI Ltd. La société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que la mesure d'injonction prise par l'administration serait sans objet et qu'elle n'était plus à cette date, ou à la date du rejet de son recours gracieux, soumise aux obligations de traçabilité prévues par le règlement (CE) n° 178/202 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation ou d'abrogation des décisions attaquées présentées par la SAS Côte d'Azur Routage doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Côte d'Azur Routage est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la SAS Côte d'Azur Routage.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 21 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme Christine Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. B... Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2022.

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N° 19MA03081

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03081
Date de la décision : 07/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

05-02-02


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SCP KLEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-07;19ma03081 ?
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