Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°2100178 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire ainsi que des pièces complémentaires, enregistrés les 5 mai, 4 juin, 2 juillet, 10 septembre et 28 octobre 2021, M. B... A..., représenté par Me Bruna-Rosso, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 avril 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 440 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'auteur des décisions attaquées est incompétent ;
- les décisions en litige ne sont pas suffisamment motivées ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait dû au préalable saisir la commission du titre de séjour pour avis ;
- le préfet aurait également dû saisir la DIRRECTE ;
- son admission au séjour répond à des motifs exceptionnels et des considérations humanitaires ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen personnel de sa situation, notamment au regard des critères posés par la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 28 novembre 2012 et a ainsi méconnu son pouvoir général de régularisation :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- le préfet a méconnu son pouvoir d'appréciation prévu par les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse, qui n'a pas produit d'observations en défense.
Par une ordonnance du 28 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre suivant, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Balaresque a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 16 décembre 2020, le préfet de Vaucluse a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité par M. A..., ressortissant marocain né le 20 décembre 1987 à Ajdir (Maroc) et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 6 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision aurait été signée par une autorité incompétente, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 2 du jugement, dès lors que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté du 31 août 2020 portant délégation de signature à M. Guyard, secrétaire général, a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Vaucluse du même jour, accessible à M. A... sur le site internet de la préfecture.
3. En deuxième lieu, la décision attaquée vise les textes dont elle fait application, notamment l'article 3 de l'accord franco-marocain ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise les considérations de fait relatives à la situation personnelle de l'intéressé qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
4. En troisième lieu, il ressort des écritures du requérant lui-même qu'il est entré pour la première fois en France le 10 juin 2011, soit moins de dix ans avant la décision litigieuse du 16 décembre 2020. M. A... ne justifiant pas d'une présence habituelle sur le territoire national depuis plus de dix ans, le préfet de Vaucluse n'était dès lors pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée, à ce titre, d'un vice de procédure ne peut qu'être écarté.
5. En quatrième lieu, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. A... ne peut utilement invoquer l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour contester la décision, qui n'est pas fondée sur ces dispositions, par laquelle le préfet de Vaucluse a refusé de régulariser sa situation en qualité de salarié. Par ailleurs, le préfet n'était pas tenu, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de régularisation, de saisir le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.
7. En cinquième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 dès lors, d'une part, que celle-ci ne revêt pas un caractère réglementaire et, d'autre part, que les critères de régularisation y figurant ne présentent pas le caractère de lignes directrices susceptibles d'être invoquées, mais constituent de simples orientations pour l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation (cf. CE, 4.02.2015, nos 383267 et 383268).
8. En sixième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de Vaucluse a envisagé la possibilité de faire bénéficier M. A... d'une mesure de régularisation en qualité de salarié, ainsi que d'une admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette autorité se serait, sur ce dernier point, fondée uniquement sur le maintien irrégulier de l'intéressé sur le territoire résultant d'une utilisation abusive de la carte de séjour pluriannuelle qui lui a été délivrée ni qu'elle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de M. A.... Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen réel et complet de sa situation et de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation doivent être écartés.
9. En septième lieu, le requérant, qui a bénéficié à deux reprises d'un visa Schengen D saisonnier entre juin et septembre 2011 puis août et novembre 2014 avant de se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle " saisonnier " valable du 20 juin 2017 au 19 juin 2020, a fait valoir à l'appui de sa demande de régularisation une promesse d'embauche et son expérience professionnelle en qualité de manœuvre agricole et, à titre subsidiaire, la présence en France de nombreux membres de sa famille, en particulier son père, titulaire d'une carte de résident. Aucun de ces éléments ne traduit l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels d'admission au séjour. C'est donc sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, ni méconnaître les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de Vaucluse a refusé de régulariser sa situation.
10. En huitième lieu, s'agissant des moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet quant à l'appréciation de sa situation familiale, qui avaient été précédemment invoqués dans les mêmes termes devant les juges de première instance et à l'appui desquels le requérant reprend purement et simplement l'argumentation soumise à ces derniers, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif aux points 8 à 10 de son jugement. La seule circonstance que la mère de M. A... ait bénéficié postérieurement à la décision contestée et au jugement attaqué de la délivrance d'un titre de séjour au titre du regroupement familial est à cet égard sans incidence sur l'appréciation de l'atteinte portée à la vie privée et familiale de l'intéressé, dont il est constant qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc où résident toujours ses sœurs et où il a vécu la majeure partie de sa vie.
11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. A....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, pour les motifs exposés au point 2, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cette décision doit être écarté comme manquant en fait.
13. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que, lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français accompagne une décision de refus de séjour, elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 3, la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, en tant qu'il oblige M. A... à quitter le territoire français, doit également être écarté.
14. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
15. En quatrième lieu, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse se serait cru en situation de compétence liée pour obliger M. A... à quitter le territoire français après avoir refusé de lui délivrer un titre de séjour et aurait ainsi méconnu son pouvoir d'appréciation.
16. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, la mesure d'éloignement de M. A... n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Cette décision n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressé.
17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2020.
18. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies, l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 7 février 2022, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Mérenne, premier conseiller,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.
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No 21MA01681