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28/02/2022 | FRANCE | N°20MA03968

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 28 février 2022, 20MA03968


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2001191 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te, enregistrée le 22 octobre 2020, M. A... B..., représenté par Me Summerfield, demande à la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2001191 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 octobre 2020, M. A... B..., représenté par Me Summerfield, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un certificat de résidence ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Summerfield au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 7 bis h de l'accord franco-algérien, dès lors, d'une part, qu'il ressort des termes de l'arrêté litigieux que le préfet a examiné d'office s'il ne pouvait prétendre à la délivrance d'un tel titre et, d'autre part, qu'entré en France en 2014, il y réside régulièrement depuis le 5 janvier 2015 et peut donc prétendre de plein droit à la délivrance d'un certificat de résidence valable dix ans sur le fondement de ces stipulations ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 6-7° de cet accord ; l'avis du collège des médecins de l'office français d'immigration et d'intégration (OFII) est en contradiction avec le précédent avis du médecin de l'agence régionale de santé ; le préfet s'est cru à tort lié par l'avis des médecins de l'OFII et a commis une erreur de droit en ne justifiant pas la divergence d'appréciation entre les avis médicaux successifs ; il ne peut pas effectivement bénéficier des soins appropriés à son état de santé en Algérie ; souffrant d'un diabète de type I, les multiples complications dont il est atteint notamment sur le plan cardiovasculaire et oculaire ne peuvent être prises en charge en Algérie ; il ne bénéficie pas de la sécurité sociale et le village où il résidait en Algérie est éloigné des centres de soin ; la surinfection du pied dont il souffre ne lui permet pas de voyager ;

- l'obligation de quitter le territoire français pris sur le fondement de cette décision de refus de séjour illégale l'est également ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la situation sanitaire actuelle l'empêche de voyager car il fait partie des personnes à risque de développer une forme grave ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par une décision du 25 septembre 2020, M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Balaresque a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 janvier 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité par M. B..., ressortissant algérien né en 1952 à Mediouna (Algérie), l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il était susceptible d'être reconduit. M. B... relève appel du jugement du 6 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / Il est statue´ sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité´ professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer a` l'appui de leur demande. (...) / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit (...) h) au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France. (...) ".

3. D'une part, il ressort des termes mêmes des stipulations du 7°de l'article 6 de l'arrêté du 24 janvier 2020 que le préfet, après avoir exposé les motifs pour lesquels il considérait que M. B... ne remplissait pas les conditions pour obtenir le renouvellement de son certificat de résidence, valable un an, portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'accord franco-algérien, a examiné d'office si l'intéressé entrait dans un autre cas d'attribution d'un titre de séjour sur le fondement de cet accord. Ce faisant, le préfet a nécessairement examiné la situation de l'intéressé au regard des stipulations du h) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien. Par suite, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, M. B... est fondé à se prévaloir de la méconnaissance de ces stipulations par l'arrêté litigieux.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'arrêté litigieux, que M. B..., entré régulièrement en France le 13 octobre 2014, a obtenu le 5 janvier 2015 une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois, renouvelée jusqu'au 5 janvier 2016, date à laquelle il a obtenu un certificat de résidence " vie privée et familiale " valable un an sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, lequel a été renouvelé jusqu'au 5 janvier 2018. M. B..., qui a sollicité, antérieurement à son expiration, le renouvellement de ce dernier titre, a bénéficié, à compter du 6 janvier 2018, de récépissés, qui en ont prolongé les effets, ainsi que l'indique d'ailleurs l'arrêté litigieux. A la date de cet arrêté, M. B... bénéficiait donc d'autorisations ou de titres de séjour constamment renouvelés depuis cinq ans. Le préfet ne conteste d'ailleurs pas sérieusement le caractère ininterrompu de la résidence régulière de M. B... en France depuis le 5 janvier 2015. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence algérien de 10 ans, le préfet a méconnu les stipulations précitées du h) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. B... d'un certificat de résidence algérien valable dix ans. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, de délivrer ce titre à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de l'instance :

7. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces dispositions, de faire droit à la demande présentée par l'avocat de M. B..., qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, qu'il réclame, à verser à Me Summerfield, le versement de cette somme valant renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2001191 du 6 juillet 2020 du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de délivrer à M. B... un certificat de résidence valable dix ans.

Article 3 : L'Etat versera à Me Summerfield une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de cette somme valant renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Summerfield et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 7 février 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.

2

No 20MA03968


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03968
Date de la décision : 28/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-28;20ma03968 ?
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