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24/02/2022 | FRANCE | N°21MA01548

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 24 février 2022, 21MA01548


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou (ADEBL) a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2015 par lequel le maire de la commune du Lavandou a délivré un permis d'aménager à la SAS Promeo Patrimoine.

Par un jugement n° 1900707 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2021, la SAS Promeo Patrimoine représent

ée par Me Boillot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou (ADEBL) a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2015 par lequel le maire de la commune du Lavandou a délivré un permis d'aménager à la SAS Promeo Patrimoine.

Par un jugement n° 1900707 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2021, la SAS Promeo Patrimoine représentée par Me Boillot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 février 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- le projet ne méconnait pas l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ;

- le projet ne méconnait pas l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 août 2021, l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou, représentée par Me Busson, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Promeo Patrimoine la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens d'appel sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Baizet,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chavrier, substituant Me Boillot, représentant la SAS Promeo Patrimoine.

Une note en délibéré produite par l'ADEBL a été enregistrée au greffe le 7 février 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Promeo Patrimoine relève appel du jugement du 19 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 7 juillet 2015 par lequel le maire de la commune du Lavandou lui a délivré un permis d'aménager un parc résidentiel de loisir de soixante-six emplacements dans le secteur de Cavalière.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Le tribunal administratif de Toulon a annulé le permis d'aménager en litige au motif qu'il méconnaissait les dispositions de articles L. 146-6 alinéa 1 et L. 146-4 I du code de l'urbanisme.

3. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et, dans les départements d'outre-mer, les récifs coralliens, les lagons et les mangroves. Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements qui incluent, selon leur importance et leur incidence sur l'environnement, soit une enquête publique, soit une mise à disposition du public préalablement à leur autorisation. ". L'article R. 146-1 du même code, dans sa version alors applicable, définit une liste d'espaces à préserver en application de ces dispositions.

4. Par ailleurs, l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable, prévoit, d'une part, que les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les SCOT et les schémas de secteur. En l'absence de SCOT, ils doivent notamment être compatibles, s'il y a lieu, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues aux articles L. 145-1 à L. 146-6. Ce même article prévoit, d'autre part, que les SCOT et les schémas de secteur doivent être compatibles, s'il y a lieu, avec ces mêmes dispositions. Il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire de la commune est couvert par un SCOT, cette conformité doit s'apprécier au regard des éventuelles prescriptions édictées par ce document d'urbanisme, sous réserve que les dispositions qu'il comporte sur les modalités d'application des dispositions des articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme soient, d'une part, suffisamment précises et, d'autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions. Enfin, eu égard, d'une part, au seul rapport de compatibilité prévu par l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme entre les documents d'urbanisme qu'il mentionne et entre ces documents et les règles spécifiques à l'aménagement et à la protection du littoral et, d'autre part, au rapport de conformité qui prévaut entre les décisions individuelles relatives à l'occupation ou à l'utilisation du sol et ces mêmes règles, la circonstance qu'une telle décision respecte les prescriptions du plan local d'urbanisme ne suffit pas à assurer sa légalité au regard des dispositions directement applicables des articles L. 146-1 et suivants de ce code.

5. Le document d'orientation générale (DOG) du SCOT Provence-Méditerranée approuvé le 16 octobre 2009, accessible tant au juge qu'aux parties sur internet, rappelle que l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme assigne l'obligation de préserver certains espaces ou milieux littoraux, présentant un intérêt particulier en termes de paysage, de patrimoine naturel ou culturel ou de maintien des équilibres biologiques. Le DOG identifie parmi les espaces remarquables caractéristiques du littoral les espaces naturels non bâtis du massif des Maures, au motif que " ce vaste ensemble couvert de forêts de chênes liège et de maquis, dont la valeur écologique est reconnue, forme le grand arrière-plan paysager de la rade d'Hyères et de la baie Bormes - Le Lavandou. Le chaînon littoral plongeant en corniche dans la méditerranée du haut de ses 400 à 500 mètres d'altitude au-dessus du Lavandou crée un paysage exceptionnel et emblématique du littoral varois. C'est un espace remarquable par sa superficie et sa forte naturalité en dehors des espaces du site de Sainte-Eulalie, des espaces dédiés aux lignes électriques, des espaces dédiés aux retenues d'eau, des déchetteries, des carrières et des espaces dédiés aux activités sportives et de loisirs. ".

6. Le projet en litige est situé sur les parcelles cadastrées AP 237 et 256 situées dans le quartier de Cavalière. Il ressort des pièces du dossier que ces parcelles sont vierges de toute construction et partiellement boisée. Elles sont situées à l'est dans le prolongement de la vaste zone 1Nr du massif exceptionnel des Maures, lui-même recouvert de chênes lièges et d'une végétation typique de la flore méditerranéenne et constituant un site et un paysage remarquable avec lequel elles forment une unité paysagère. La présence d'un chemin piétonnier à l'est ne constitue pas une rupture de cet ensemble naturel boisé. Egalement, la circonstance que les parcelles ont pu être exploitées à des fins agricoles ou qu'elles aient été laissées à l'abandon sont sans incidence sur la qualification d'espace remarquable au vu des caractéristiques des parcelles et de leur situation en continuité des espaces naturels du massif des Maures. Comme l'a relevé à bon droit le tribunal administratif, ces parcelles sont situées à 360 m A... la mer et constituent également une zone boisée proche du rivage au sens du b) de l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme. Ce secteur constitue ainsi un espace remarquable devant bénéficier de la protection de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme et la SAS Promeo Patrimoine n'est pas fondée à soutenir que le projet de parc résidentiel de loisir ne méconnaitrait pas ces dispositions.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors applicable : " I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. ". Doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées. En outre, il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 146-4 précitées. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 146-4 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors qu'elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.

8. Le SCOT Provence-Méditerranée approuvé le 16 octobre 2009, accessible tant au juge qu'aux parties sur internet, ne détermine aucun critère d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés pour l'application de l'article L. 146-4 précité. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est entouré au nord d'un camping accueillant des habitats légers et présentant une très faible densité, lui-même situé dans la prolongation au nord d'une zone naturelle boisée présentant quelques constructions éparses. Les constructions présentes dans ce camping n'assurent pas elles-mêmes de continuité avec l'ensemble des constructions avoisinantes. Le terrain d'assiette est situé à l'est comme il a été dit dans le prolongement des espaces naturels non bâtis du massif des Maures avec lesquels il constitue une unité paysagère. Si le terrain est entouré au sud et à l'ouest par des compartiments dont l'urbanisation est un peu plus significative, il en est nettement séparé par des routes, la route de Cavalière plage et le boulevard de l'Hubac du bleu. Aussi, le terrain d'assiette du projet de parc résidentiel de loisir de soixante-six emplacements, local d'accueil, piscine, stationnement et voiries, bureaux et espaces de remise en forme, ne peut-il être considéré comme étant en continuité avec une agglomération ou un village existant.

9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Promeo Patrimoine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 7 juillet 2015.

Sur les frais liés au litige :

10. D'une part, l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la SAS Promeo Patrimoine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Promeo Patrimoine la somme de 2 000 euros à verser à l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Promeo Patrimoine est rejetée.

Article 2 : La SAS Promeo Patrimoine versera la somme de 2 000 euros à l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Promeo Patrimoine et à l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou.

Copie en sera adressée pour information à la commune du Lavandou.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022 où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 février 2022.

2

N° 21MA01548

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01548
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-04-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Autorisations relatives au camping, au caravaning et à l'habitat léger de loisir. - Autorisation d'aménagement de parc résidentiel de loisirs.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SCP N. BEDEL DE BUZAREINGUES G. BOILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-24;21ma01548 ?
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