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21/02/2022 | FRANCE | N°20MA04818

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 21 février 2022, 20MA04818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., de nationalité sierra-léonaise, a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 2003016 du 4

décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D..., de nationalité sierra-léonaise, a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 2003016 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me Marcel, demande à la Cour :

1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination ;

4°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ou de procéder au réexamen de sa demande ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle n'a pas accès aux soins nécessaires à son état de santé dans son pays d'origine dans lequel elle n'a pas accès à sa prise en charge par la sécurité sociale ; le tribunal n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, après avoir retenu l'existence de troubles psychologiques en cas de retour dans son pays d'origine, et a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis des médecins de l'OFII ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est établi qu'elle a été excisée dans son pays d'origine et qu'elle a fui avec ses filles pour éviter à celles-ci qu'elles suivent le même sort ; sa fille aînée, âgée de dix-huit ans, qui vient d'être mère, a besoin d'elle ; or sa petite-fille a vocation à rester en A... où ses parents en situation régulière résident ; elle n'a plus aucun lien avec sa famille dans son pays d'origine ; le tribunal a relevé ses efforts notables d'insertion sociale et professionnelle ; il ne lui reste comme famille que ses deux filles en A... ; elle retrouvera du travail dès lors qu'elle se verra délivrer un titre de séjour ;

- le préfet de Vaucluse a commis une erreur manifeste d'appréciation de l'ensemble de sa situation ; le défaut d'examen sérieux de la demande est caractérisé ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision de refus de séjour et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; la décision de fixation du pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée le 4 janvier 2021 au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 28 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B... Taormina, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante sierra-léonaise née le 14 juin 1978, est entrée en A... selon ses déclarations le 25 décembre 2016, sous couvert d'un visa C Schengen délivré par les autorités françaises de Conakry. Elle a présenté le 18 décembre 2017 une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 avril 2018 et par la Cour nationale du droit d'asile le 14 février 2019. Elle a ensuite sollicité le 26 février 2019 la délivrance d'une carte de séjour au titre de son état de santé. Par arrêté du 25 juin 2020, le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

2. Mme D... relève appel du jugement en date du 4 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral et à ce qu'il soit enjoint au préfet de Vaucluse de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa demande.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence,... l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée... par la juridiction compétente... ". Mme D..., déjà représentée par un avocat, ne justifie pas d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle compétent et n'a pas joint à son appel une telle demande. Aucune situation d'urgence ne justifie qu'il soit fait application, en appel, des dispositions précitées. Sa demande d'aide juridictionnelle provisoire ne peut, dans ces conditions, qu'être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en A..., si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".

5. La requérante ne peut utilement, pour prétendre bénéficier d'un titre de séjour en raison de son état de santé, soutenir ne pas avoir accès dans son pays d'origine à un système de sécurité sociale concernant la prise en charge par l'Etat des dépenses engendrées par la maladie. Dès lors, doit être écarté le moyen formulé à ce titre. En outre, il ne résulte pas des termes de la décision attaquée que le préfet de Vaucluse se soit estimé tenu par l'avis émis par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit dès lors être également écarté. Il y a lieu pour le surplus d'écarter les moyens invoqués par la requérante quant à la violation de l'article L. 313-11.11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nîmes au point 6 de son jugement.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " -1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale... 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

7. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la violation des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet de Vaucluse de la situation de Mme D... par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nîmes aux points 4 et 8 de son jugement.

8. Il ne résulte pas des termes de la décision attaquée que le préfet de Vaucluse n'ait pas procédé à un examen sérieux de la demande de Mme D.... Le moyen tiré de l'erreur de droit doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 4 à 8 du présent arrêt, l'exception d'illégalité du refus de séjour invoquée à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée.

10. En second lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Nîmes au point 12 de son jugement.

En ce qui concerne le pays de destination :

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Mme D... qui ne produit pas d'éléments nouveaux depuis le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle serait exposée à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Elle n'est, par suite, pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté querellé, en tant qu'il a désigné son pays d'origine comme pays de renvoi.

13. Compte tenu de tout ce qui précède, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête. En conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et formulées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. B... Taormina, président assesseur,

- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 février 2022.

N° 20MA04818 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04818
Date de la décision : 21/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : PYXIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-21;20ma04818 ?
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