La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/02/2022 | FRANCE | N°20MA01172

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 09 février 2022, 20MA01172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler par voie d'exception la délibération du 4 avril 2014 par laquelle le conseil municipal de Roquecourbe-Minervois a délégué l'exercice du droit de préemption au maire, d'annuler par voie d'exception la délibération du 11 mars 2015 par laquelle le conseil municipal de Roquecourbe-Minervois a institué un droit de préemption urbain, d'annuler la décision du 4 mai 2018 par laquelle le maire de Roquecourbe-Minervois a

décidé de préempter un ensemble immobilier à usage de cave viticole, appa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler par voie d'exception la délibération du 4 avril 2014 par laquelle le conseil municipal de Roquecourbe-Minervois a délégué l'exercice du droit de préemption au maire, d'annuler par voie d'exception la délibération du 11 mars 2015 par laquelle le conseil municipal de Roquecourbe-Minervois a institué un droit de préemption urbain, d'annuler la décision du 4 mai 2018 par laquelle le maire de Roquecourbe-Minervois a décidé de préempter un ensemble immobilier à usage de cave viticole, appartenant à la société coopérative agricole " Le progrès Minervois " et de condamner la commune de Roquecourbe-Minervois à lui verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803188 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 4 mai 2018 par laquelle le maire de Roquecourbe-Minervois a décidé de préempter un ensemble immobilier à usage de cave viticole, appartenant à la société coopérative agricole " Le progrès Minervois ".

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 mars 2020 et 18 septembre 2020, la commune de Roquecourbe-Minervois, représentée par Me Merland, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter les conclusions de M. C... A... et Mme B... A... ;

3°) de mettre à leur charge de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a statué ultra petita dès lors que les requérants n'invoquaient pas l'article L 300-1 du code de l'urbanisme ;

- la délibération instituant le droit de préemption n'a pas à être motivée ; la délibération du 11 mars 2015 n'est pas illégale ;

- la décision du 4 mai 2018 est suffisamment motivée ;

- elle repose sur des motifs légaux ;

- la commune ne commet aucun abus en matière de recours contentieux ;

- la délibération du 4 avril 2014 est légale ;

- la délégation qu'accorde cette délibération était en vigueur à la date de la décision attaquée ;

- la délibération du 11 mars 2015 est légale ;

- la décision de préemption a été notifiée dans les délais légaux ;

- l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme n'a pas été méconnu.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 juillet 2020 et 23 octobre 2020, M. C... A... et Mme B... A... concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Roquecourbe-Minervois une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire à l'annulation des délibérations du 4 avril 2014 et 11 mars 2015.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par la commune de Roquecourbe-Minervois ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la société coopérative agricole (SCA) " Le progrès Minervois " qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Charre, représentant la commune de Roquecourbe-Minervois.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... et Mme B... A... se sont portés acquéreurs, pour un prix de 110 000 euros, d'un ensemble immobilier à usage de cave viticole, situé rue du Foyer, sur le territoire de la commune de Roquecourbe-Minervois, constitué des parcelles cadastrées section D numéros 7, 136, 172, 186, 187, 212, 213 et 218 appartenant à la société coopérative agricole " Le progrès Minervois ". Un compromis de vente a été signé le 11 janvier 2017. La déclaration d'intention d'aliéner a été réceptionnée par la commune le 18 février 2018. La commune de Roquecourbe relève appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 4 mai 2018, par laquelle le maire de la commune a décidé d'acquérir, au même prix, ce bien, par voie de préemption.

2. En statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, le tribunal s'est borné à donner un effet utile au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 210-1 du même code, sans soulever d'office aucun moyen. Le tribunal n'a pas statué ultra petita et le jugement n'est pas irrégulier.

3. Contrairement aux affirmations de la commune, le jugement n'est pas fondé sur l'illégalité de la délibération du 11 mars 2015, mais s'est borné à répondre à un moyen de défense de la commune qui invoquait cette délibération. Le moyen d'appel tiré de la légalité de cette délibération est donc inopérant.

4. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) // Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Selon le premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.". Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

5. La décision est motivée par " la mise en place et la sauvegarde du patrimoine historique de la commune..., la mise en œuvre du développement touristique par la création d'espaces culturels, musée de la vigne et du vin et de manufacture textile... , le maintien et l'extension des activités économiques liées au produit du terroir par location de la cuverie existante, l'aménagement urbain de cœur du village afin de développer les activités de loisir (salles des fêtes pouvant recevoir des manifestations culturelles à vocation intercommunales aux normes d'accessibilité exigées par la loi - parking désengorgeant les rues du village - salles réservées aux associations culturelles et sportives du village.., l'aménagement de locaux municipaux adaptés et fonctionnels, notamment pour les services techniques. La superficie préemptée permet d'envisager la réalisation des projets urbains ci-dessus cités sur plusieurs années.... La priorité sera donnée dès 2019 à l'aménagement d'une salle des fêtes aux normes... de locaux municipaux fonctionnels pour les services techniques et d'un parking avec matérialisation de places adaptées... ". Il résulte des termes mêmes de la motivation adoptée que la commune ne justifiait à la date de la décision attaquée de la réalité d'aucun projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, dès lors que compte tenu de la multiplicité des objectifs invoqués, elle ne précise l'existence d'aucun projet suffisamment précis et identifié, lequel ne ressort pas davantage des autres pièces du dossier, les études préalables présentées par la commune ne concernant en effet que d'autres projets que ceux afférents au bien en litige qui ne peuvent justifier la décision en cause, et l'étude du conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement de l'Aude étant postérieure à la décision de préemption.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Roquecourbe-Minervois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui s'est fondé sur l'ensemble des pièces du dossier et pas seulement comme le soutient la commune sur le seul libellé de la délibération, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 4 mai 2018.

Sur les frais du litige :

7. Les consorts A... n'ayant pas la qualité de partie perdante, les conclusions de la commune de Roquecourbe-Minervois fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu sur le fondement des mêmes dispositions de mettre à la charge de la commune de Roquecourbe-Minervois la somme de 2 000 euros, à verser aux consorts A....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Roquecourbe-Minervois est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la commune de Roquecourbe-Minervois la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser aux consorts A....

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et Mme B... A..., à la commune de Roquecourbe-Minervois et à la société coopérative agricole (SCA) " Le progrès Minervois ".

Copie en sera adressée au directeur des finances publiques de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2022.

2

N° 20MA01172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01172
Date de la décision : 09/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP BLANQUER CROIZIER CHARPY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-09;20ma01172 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award