Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La mutuelle d'assurances du corps de santé français (MACSF) a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le maire de la commune de Cannes a refusé de lui accorder un permis de construire en vue de la construction d'un immeuble d'habitation de onze logements, ainsi que la décision du 12 septembre 2018 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1804883 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés le 23 février 2021 et le 13 mai 2021, la MACSF, représentée par Me Brouchot, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté du 15 mai 2018 et cette décision du 12 septembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la minute du jugement ne comporte pas les signatures requises à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation dans l'application de l'article UD13 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- cet arrêté porte atteinte à son droit de propriété en lui opposant une servitude de jardin à protéger en dépit de l'absence d'acquisition de la parcelle antérieurement frappée d'un emplacement réservé ;
- l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir ;
- le motif tiré de l'application de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme et de l'article UD3 du règlement du plan local d'urbanisme est erroné ;
- le motif tiré de l'application de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article UD11 du règlement du plan local d'urbanisme est erroné.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 décembre 2021, la commune de Cannes, représentée par Me Eglie-Richters, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la MACSF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la MACSF ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 10 janvier 2022, présenté pour la MACSF, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Eglie-Richters, représentant la commune de Cannes.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 mai 2018, le maire de la commune de Cannes a refusé de délivrer à la Mutuelle d'assurances du corps de santé français (MACSF) un permis de construire un immeuble d'habitation de onze logements situé sur un terrain nu cadastré section CH n° 47, au 5 avenue de Madrid.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte toutes les signatures requises à l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Ainsi, le jugement n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée par la MACSF.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet (...) peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ". Les dispositions du paragraphe 3.2 de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme de Cannes, identiques à ces dispositions du code de l'urbanisme, ayant le même objet que celles-ci et prévoyant par là même des exigences qui ne sont pas moindres, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée.
4. L'accès au parking aménagé sous l'immeuble projeté s'effectue au moyen d'un " monte-véhicule " fermé par une porte basculante en façade du côté de l'avenue de Madrid, à une distance d'environ 5,05 mètres du trottoir de la voie publique, au droit d'un passage pour piétons protégé. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment des dimensions et de l'emplacement de l'aire d'attente de 5 mètres de longueur et de 3,50 mètres de largeur placée parallèlement à la voie d'accès interne au projet, que cet aménagement et la présence de feux avertissant les véhicules entrants de la présence d'un autre véhicule en cours de sortie soient de nature à éviter qu'un véhicule engagé sur la voie interne soit contraint de faire marche arrière sur la voie publique pour laisser le passage à un véhicule sortant. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le maire de Cannes a estimé que le projet méconnaissait les dispositions du paragraphe 3.2 de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme.
5. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Aux termes de l'article UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, relatif à l'aspect extérieur : " Les constructions et aménagements doivent contribuer à l'harmonie de leur environnement et, le cas échéant, du bâtiment auquel ils sont intégrés, par les bonnes proportions de leur volume et de leurs éléments ainsi que par la qualité des matériaux mis en œuvre, et par le choix des couleurs employées pour leur embellissement (...) ".
6. Il ressort des pièces annexées à la demande de permis de construire déposée par la MACSF que la toiture de l'immeuble projeté de type R + 2 est conçue en monopente inclinée vers l'arrière et débordant du côté de l'avenue de Madrid. Si l'architecture des immeubles environnants et le paysage urbain ne présentent pas un caractère particulier, la hauteur de ces immeubles est nettement plus élevée, jusqu'à R + 7, et leur toiture est soit en tuiles à deux ou quatre pentes, soit en terrasse. Dans ces conditions, le maire de Cannes n'a pas fait une inexacte application de l'article UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme en refusant de délivrer le permis de construire sollicité pour ce motif.
7. Si la MACSF conteste la légalité du troisième motif retenu par le maire de Cannes pour refuser de lui délivrer un permis de construire et fondé sur l'article UD 13 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, relatif aux espaces libres, aux plantations et aux espaces boisés classés, il résulte de l'instruction que le maire de Cannes aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur les deux autres motifs tirés de l'application des articles UD 3 et UD 11 du règlement.
8. Par lettre du 14 octobre 2013, a, sur le fondement de l'article L. 230-1 du code de l'urbanisme, mis en demeure le maire de Cannes d'acquérir le terrain d'assiette du projet, grevé par le plan local d'urbanisme d'un emplacement réservé en vue d'y créer un " petit square public ". Ainsi que l'a reconnu le maire dans un courrier du 16 décembre 2015, en l'absence d'acquisition dans le délai d'un an prescrit par l'article L. 230-3, les limitations au droit de construire résultant de cet emplacement réservé lui sont devenues inopposables. Si la MACSF soutient que l'arrêté du 15 mai 2018 attaqué porte atteinte à son droit de propriété en persistant à lui opposer une " servitude de jardin à protéger " en dépit de l'absence d'acquisition de la parcelle antérieurement frappée de cet emplacement réservé, il ressort des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme, approuvé le 24 octobre 2005 et modifié notamment le 21 juillet 2008 prévoyait à la fois l'emplacement réservé et le classement du terrain d'assiette au titre des " jardins à protéger ". Par suite, l'arrêté attaqué n'est entaché d'aucune illégalité sur ce point et pas davantage de détournement de pouvoir.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la MACSF n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cannes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la MACSF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la MACSF une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Cannes et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la MACSF est rejetée.
Article 2 : La MACSF versera à la commune de Cannes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la mutuelle d'assurances du corps de santé français et à la commune de Cannes.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.
N° 21MA00830 2
hw