Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler l'arrêté du 6 avril 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation sous l'angle de l'admission exceptionnelle au séjour pour motifs humanitaires, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2101754 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Laporte, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2101754 du 10 juin 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation sous l'angle de l'admission exceptionnelle au séjour pour motifs humanitaires, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
1°) sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement est entaché de dénaturation des faits concernant les conditions d'entrée et de séjour du requérant ;
- le jugement est entaché de dénaturation des faits en tant que le magistrat désigné a jugé que M. A... n'avait pas établi le centre de ses liens privés et de ses intérêts sur le territoire français ;
2°) sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- en application des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les étrangers mineurs ne peuvent pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; or, il doit être présumé mineur jusqu'à ce que l'administration en apporte la preuve du contraire et cette présomption ne peut pas être renversée par la seule circonstance qu'il ait été placé en garde à vue pour des faits d'escroquerie et de détention de faux documents dès lors qu'aucune décision du juge pénal n'est intervenue ;
- le préfet a commis plusieurs erreurs d'appréciation et méconnu les dispositions des articles L. 511-1 II 3° et L. 511-1 I 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant qu'il n'a pas fait de demande de titre de séjour à son arrivée en France, que son acte de naissance est falsifié, qu'il constitue une menace réelle et actuelle, qu'il est majeur et qu'il présente un risque de fuite ; il n'a jamais commis d'infraction et son rapport éducatif fait état d'un comportement irréprochable ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant en considérant qu'il n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine ; il s'est parfaitement intégré en France et doit être regardé comme ayant établi le centre de ses liens privés et de ses intérêts sur le territoire français ;
3°) sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public au sens des dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et son placement en garde à vue ne permet pas de le présumer coupable de l'infraction qui lui est reprochée ;
- il justifie de circonstances humanitaires permettant son maintien sur le territoire français dès lors qu'il y a établi le centre de ses intérêts et de ses liens privés et qu'il se retrouverait isolé dans son pays d'origine ;
- l'interdiction de retour d'un an est disproportionnée et porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2021, le préfet de Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une décision du 29 octobre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B... Taormina, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 6 avril 2021, le préfet de l'Hérault a obligé M. A..., ressortissant bangladais, affirmant être né le 10 juillet 2003, à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement du 10 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation dudit arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le requérant soutient que les premiers juges ont entaché le jugement attaqué de dénaturation des faits de l'espèce, ce moyen, qui a trait au bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 3 du jugement, le requérant ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ". En l'espèce, M. A... soutient être né le 10 juillet 2003 et produit un extrait d'acte de naissance envoyé par son père. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault a retenu la majorité de M. A... en tenant compte des résultats des examens médicaux réalisés le 2 novembre 2020 dont les résultats sont versés au débat, concluant à un âge osseux compris entre dix-neuf ans et vingt-neuf ans avec des marges d'erreur pour chacun des examens pratiqués ne permettant pas de retenir la minorité de l'intéressé. D'autre part, si le rapport d'évaluation établi le 25 octobre 2019 par l'association Avitarelle conclut que les éléments recueillis au terme du processus d'évaluation de M. A... plaident en faveur de la minorité de l'intéressé, il a été relevé des incohérences et des divergences dans son récit lors de son placement en garde à vue le 6 avril 2021. Enfin, ainsi que l'a jugé à bon droit le magistrat désigné, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport d'analyse, réalisé le 4 mars 2019 et produit par le préfet de l'Hérault, et de l'extrait d'acte de naissance envoyé par le père du requérant, que l'authenticité de ce document est remise en cause en raison de l'absence de cachet humide du ministère des affaires étrangères du Bangladesh, de l'apostille, et de la double légalisation de l'acte par les autorités bangladaises et françaises. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault a pu légalement se fonder sur ces éléments pour conclure à la majorité du requérant. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public;(...) ". Aux termes du II de l'article L. 511-1 du même code : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1°) Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ;/ f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ".
6. M. A... fait valoir que le préfet de l'Hérault ne pouvait, sans porter atteinte à la présomption d'innocence ni entacher son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation, fonder la mesure d'éloignement litigieuse sur la circonstance qu'il avait fait usage d'un faux document d'identité, alors qu'il n'a pas été condamné pour les faits qui lui sont reprochés. Il ressort toutefois des termes de l'arrêté attaqué que la mesure d'éloignement a été prise au motif, prévu au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, qu'il ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français et ne disposait d'aucun droit au séjour en France. Ce motif est à lui seul suffisant pour justifier la décision contestée. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif. Par suite, la circonstance que le motif tiré de l'existence d'un trouble à l'ordre public en raison de l'utilisation frauduleuse d'un faux document d'identité serait erroné est par conséquent sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Par ailleurs, le requérant ne saurait utilement invoquer le principe de présomption d'innocence à l'encontre de la mesure d'éloignement attaquée qui constitue une mesure de police administrative, dépourvue de caractère répressif. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et a fait usage d'un faux document. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit dès lors être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire en France et sans charge de famille. Si le requérant soutient avoir établi en France le centre de ses liens privés et de ses intérêts, il s'est prévalu d'une minorité pour être admis à l'aide sociale à l'enfance dans le département de l'Hérault et ne démontre pas qu'il se trouverait isolé en cas de retour dans son pays d'origine où réside son père et où il a vécu la majeure partie de sa vie. Par suite, la mesure d'éloignement prononcée à son encontre ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
9. En dernier lieu, M. A... étant majeur, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est inopérant.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
11. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a déclaré être entré en France le 5 février 2019 et s'y est maintenu depuis cette date en se prévalant d'une minorité lui ayant permis d'être admis au bénéfice de l'aide sociale à l'enfance dans le département de l'Hérault. Eu égard à cette situation et alors qu'il est célibataire et sans charge de famille, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant à un an la durée d'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de l'Hérault aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation quand bien même M. A... n'aurait commis aucun trouble à l'ordre public.
12. En second lieu, si M. A... soutient que l'interdiction de retour d'un an porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, il ressort des pièces du dossier qu'en l'absence de liens privés et familiaux intenses, anciens et stables du requérant en France, le moyen ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, il ne justifie pas, du seul fait des appréciations élogieuses de son rapport éducatif, d'une circonstance humanitaire au sens des dispositions précitées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2022, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. B... Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 janvier 2022.
N° 21MA02672 2