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31/01/2022 | FRANCE | N°19MA03658

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 31 janvier 2022, 19MA03658


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Eguilles a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 28 février 2017 relatif au montant de son prélèvement sur les ressources fiscales prévu à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation au titre de l'année 2017, en tant que cet arrêté fixe ce montant à la somme de 200 061,41 euros, ensemble le rejet de son recours gracieux, et de ramener ledit montant à la somme de zéro euro.

Par un jugement

n° 1706391 du 5 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Eguilles a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 28 février 2017 relatif au montant de son prélèvement sur les ressources fiscales prévu à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation au titre de l'année 2017, en tant que cet arrêté fixe ce montant à la somme de 200 061,41 euros, ensemble le rejet de son recours gracieux, et de ramener ledit montant à la somme de zéro euro.

Par un jugement n° 1706391 du 5 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de la commune d'Eguilles.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2019, la commune d'Eguilles, représentée par Me Bluteau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté ses demandes ;

2°) de ramener le montant de son prélèvement sur les ressources fiscales prévu à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation au titre de l'année 2017 à zéro euro ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le calcul du prélèvement est erroné en ce qu'il omet de prendre en compte 46 logements qui doivent être considérés comme des logements sociaux au sens des dispositions de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation ;

- la fixation du montant des dépenses déductibles de son prélèvement fiscal au titre de l'année 2017 est également erronée, dès lors qu'elle ne prend pas en compte les dépenses engagées par la commune pour la réalisation de logements sociaux à hauteur de 513 963,51 euros.

Par un courrier enregistré le 19 août 2019, le préfet de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône soutient qu'il n'est pas compétent pour représenter l'Etat dans la présente instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 février 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la Cour de rejeter la requête.

Elle soutient que :

- la commune d'Eguilles compte sur son territoire 135 logements locatifs sociaux à la date du 1er janvier 2016 ;

- les logements de la résidence " le Clos d'Alix " n'ont été mis en location que le 1er juin 2006 et ne pouvaient être comptabilisés au titre des réalisations en cours de l'année considérée ; la commune n'établit pas que ces logements étaient disponibles à la location le 1er janvier 2006 ;

- les vingt logements du parc communal ne peuvent être pris en compte ; il n'est pas établi que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait fait obstacle au conventionnement de ces logements ;

- le montant des dépenses déductibles allégué par la commune n'est pas établi ; la subvention de 260 000 euros versée à l'Office public d'aménagement et de construction " Pays d'Aix Habitat " a été déduite du montant du prélèvement 2019 ;

- les travaux déclarés par la commune n'entrent pas dans le champ des dispositions de l'article L. 302-7 du code de la construction et ne sont pas déductibles.

Par ordonnance en date du 7 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'arrêté du 24 février 2005 du ministre chargé du logement modifiant l'arrêté du 12 avril 2001 relatif à l'inventaire annuel des logements sociaux pris en application de l'article L. 302-6 du code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Point, rapporteur,

- et les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté en date du 24 juillet 2014, pris en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, le préfet des Bouches-du-Rhône a constaté que la commune d'Eguilles n'avait pas atteint le nombre de logements sociaux dont la réalisation lui incombait en application de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation et prononcé la carence de la commune d'Eguilles en matière de logements sociaux. Par arrêté en date du 28 février 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a fixé le montant des pénalités à la somme de 200 061,47 euros au titre de l'année 2017. La commune d'Eguilles fait appel du jugement en date du 5 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 27 janvier 2017 relative à la citoyenneté et l'égalité : " I.- Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à (...) 3 500 habitants (...) qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération (...) de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 25 % des résidences principales (...) Les résidences principales retenues pour l'application du présent article sont celles qui figurent au rôle établi pour la perception de la taxe d'habitation ". Aux termes du point IV du même article : " Les logements locatifs sociaux retenus pour l'application du présent article sont : 1° Les logements locatifs appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré, à l'exception, en métropole, de ceux construits, ou acquis et améliorés à compter du 5 janvier 1977 et ne faisant pas l'objet d'une convention définie à l'article L. 351-2. / 2° les autres logements conventionnés dans les conditions définies à l'article L. 351 -2 et dont l'accès est soumis à des conditions de ressources ".

3. Aux termes de l'article L. 302-6 du code de la construction et de l'habitation : " Dans les communes dont la population est au moins égale à (...) 3 500 habitants (...) les personnes morales, propriétaires ou gestionnaires de logements sociaux au sens du IV de l'article L. 302-5, sont tenues de fournir au représentant de l'Etat dans le département, chaque année avant le 1er juillet, un inventaire par commune des logements sociaux dont elles sont propriétaires ou gestionnaires au 1er janvier de l'année en cours. (...) ". L'article R. 302-15 du même code dispose que : " I.- L'inventaire prévu au premier alinéa de l'article L. 302-6 est établi pour chaque bâtiment par la personne morale propriétaire, à défaut par la personne morale gestionnaire. Il comporte les informations suivantes : / A.- Données générales concernant : / (...) 2° Localisation du bâtiment, date de première mise en location / 3° Numéro et date d'effet de la convention pour les logements conventionnés mentionnés à l'article L. 351-2, année d'expiration de la convention. (...) II. Les inventaires prévus aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 302-6 sont établis selon des modalités précisées par arrêté du ministre chargé du logement ".

4. Aux termes de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation : " Il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5 (...) Ce prélèvement est fixé à 25 % du potentiel fiscal par habitant défini à l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales (...) Le prélèvement est diminué du montant des dépenses exposées par la commune (...) pendant le pénultième exercice (...) au titre ... des travaux de viabilisation des terrains ou des biens immobiliers mis ensuite à disposition pour la réalisation de logements sociaux ou de terrains familiaux décomptés en application du 5° du IV de l'article L. 302-5 du présent code, des dépenses engagées pour financer des dispositifs d'intermédiation locative dans le parc privé permettant de loger des personnes mentionnées au II de l'article L. 301-1 soit dans des logements loués à des organismes bénéficiant de l'agrément mentionné à l'article L. 365-4 en vue de leur sous-location à ces personnes, dans les conditions prévues au 6° du IV de l'article L. 302-5 ou à l'article L. 321-10, soit dans des logements conventionnés en application des articles L. 321-4 ou L. 321-8 dont la gestion a été confiée par mandat par le propriétaire à un de ces organismes ou pour favoriser la signature de conventions mentionnées aux mêmes articles L. 321-4 ou L. 321-8 si elles sont destinées au logement de personnes mentionnées au II de l'article L. 301-1 dans la limite d'un plafond fixé, selon la localisation de la commune et sans pouvoir être supérieur à 10 000 euros par logement et par an, par décret en Conseil d'Etat, des moins-values correspondant à la différence entre le prix de cession de terrains ou de biens immobiliers donnant lieu à la réalisation effective de logements sociaux et leur valeur vénale estimée par le service des domaines (...) / Dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ces dépenses sont déductibles les années suivantes au prorata du nombre de logements locatifs sociaux qu'elles permettent de réaliser au regard des obligations triennales définies à l'article L. 302-8. Un décret en Conseil d'Etat précise la nature des dépenses déductibles et les modalités de déclarations de ces dépenses par les communes ".

En ce qui concerne le décompte des logements sociaux au 1er janvier 2016 :

5. Pour fixer le montant du prélèvement en litige, le préfet des Bouches-du-Rhône a retenu un nombre de 135 logements sociaux pour la commune d'Eguilles au 1er janvier 2016.

6. La commune d'Eguilles soutient en premier lieu que le préfet des Bouches-du-Rhône a omis de prendre en compte 26 logements supplémentaires réalisés dans la résidence " le Clos d'Alix ", dont la construction avait été achevée au 31 décembre 2015. Il est constant que ces 26 logements n'ont pas été inscrits à l'inventaire prévu à l'article L. 302-6 du code de la construction et de l'habitation. Il est également constant que la commune d'Eguilles n'a produit aucune observation au courrier des services de l'Etat daté du 30 août 2016 l'informant de la liste des logements sociaux au 1er janvier 2016 susceptibles d'être retenus pour l'inventaire. En outre, pour justifier de la prise en compte de ces 26 logements sociaux supplémentaires sur le territoire de la commune à la date du 1er janvier 2016, la commune d'Eguilles se borne à verser au dossier un document de l'OPH Pays d'Aix habitat daté du 11 août 2016, faisant référence à la signature de deux conventions le 31 décembre 2015, relatives à la " mise en location " des logements du Clos d'Alix " à compter du 1er juin 2016 ". Ces éléments ne permettent d'établir ni le nombre de logements concernés, ni leur mise en location ou leur mise à disposition pour la location à la date du 1er janvier 2016. Ainsi, la commune d'Eguilles n'établit pas que les logements dont elle fait état auraient rempli les conditions justifiant leur inscription à l'inventaire prévu au premier alinéa de l'article L. 302-6 du code de la construction et de l'habitation pour l'année 2017. Dans ces conditions, la commune d'Eguilles n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait omis de prendre en compte les 26 logements de la résidence " le Clos d'Alix ".

7. La commune d'Eguilles soutient en second lieu que le préfet des Bouches-du-Rhône a omis de prendre en compte 20 logements du parc communal. Il est toutefois constant que les logements en cause n'étaient pas conventionnés à la date du 1er janvier 2016 et que la procédure de conventionnement n'avait pas abouti à cette date. La faute invoquée par la commune d'Eguilles, qui allègue que le retard pris dans le conventionnement de ces logements serait imputable à une " mauvaise volonté " de la part des services de l'État, est sans incidence sur le décompte des logements locatifs sociaux au 1er janvier 2016. Par suite, la commune d'Eguilles n'est pas fondée à soutenir que ces vingt logements auraient dû être comptabilisés dans l'inventaire pour l'année 2016.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Eguilles n'est pas fondée à soutenir que le montant du prélèvement opéré au titre de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation devrait être réduit à raison de la prise en compte de 46 logements sociaux supplémentaires.

En ce qui concerne les sommes déductibles du prélèvement :

9. Aux termes de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation : " Le prélèvement est diminué du montant des dépenses exposées par la commune, et le cas échéant, uniquement pour l'année 2012, de celles exposées sur le territoire de cette commune par l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient, pendant le pénultième exercice, au titre des subventions foncières mentionnées à l'article L. 2254-1 du code général des collectivités territoriales, ... (...) Si le montant de ces dépenses et moins-values de cession est supérieur au prélèvement d'une année, le surplus peut être déduit du prélèvement des deux années suivantes. Dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ces dépenses sont déductibles les années suivantes au prorata du nombre de logements locatifs sociaux qu'elles permettent de réaliser au regard des obligations triennales définies à l'article L. 302-8. Un décret en Conseil d'Etat précise la nature des dépenses déductibles et les modalités de déclarations de ces dépenses par les communes. ". Aux termes de l'article R. 302-16 du code de la construction et de l'habitation : " Peuvent être déduites du prélèvement prévu à l'article L. 302-7 du présent code les dépenses et les moins-values, énumérées ci-après, supportées par les communes pour atteindre les objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux définis à l'article L. 302-8 du même code (...) ". Aux termes de l'article R. 302-17 du code de la construction et de l'habitation : " Les communes concernées par le prélèvement prévu à l'article L. 302-5 du présent code adressent chaque année au préfet, au plus tard le 31 octobre, un état, certifié conforme par l'ordonnateur, des dépenses et moins-values, déductibles dans les conditions fixées à l'article R. 302-16, qu'elles ont effectivement supportées au titre de l'exercice précédent ".

10. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 302-7 et de l'article R. 302-17 du code de la construction et de l'habitation que le droit à diminution du prélèvement prévu à l'article L. 302-5 du même code est conditionné à la production d'un état certifié conforme par l'ordonnateur des dépenses et moins-values déductibles avant le 31 octobre de l'année considérée. Il est constant que la commune d'Eguilles, qui sollicite la diminution de son prélèvement à raison d'un montant de 513 963,51 euros au titre des dépenses qu'elle aurait engagées pour la réalisation de 26 logements sociaux dans la résidence " le Clos d'Alix ", n'a pas fourni à la date du 31 octobre 2017 cet état certifié conforme par l'ordonnateur, ni les pièces justificatives requises. Par suite, elle ne justifie pas de son droit à diminution du prélèvement au titre de l'année 2017. Contrairement à ce qu'affirme la commune d'Eguilles, l'absence de prise en compte de ces sommes au titre de l'année 2017, à supposer les montants allégués justifiés, n'entrainait pas la déchéance des droits à déduction, les sommes justifiées pouvant être prises en compte au titre des deux exercices suivants. A cet égard, le préfet des Bouches-du-Rhône fait valoir, sans être utilement contredit sur ce point, que la subvention de 260 000 euros versée à l'OPH Pays d'Aix Habitat a été prise en compte au titre de l'année 2019 et que le restant des dépenses exposées par la commune, qui correspond à des travaux relatifs à un parking, n'est pas éligible. Par suite, la commune d'Eguilles n'est pas fondée à soutenir que le montant du prélèvement arrêté par le préfet des Bouches-du-Rhône au titre de l'année 2017 devrait être réduit à raison des sommes exposées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Eguilles n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune d'Eguilles soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d'Eguilles est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Eguilles et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. B... Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.

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N° 19MA03658

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03658
Date de la décision : 31/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune.

38 Logement.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : BLUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-01-31;19ma03658 ?
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