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24/01/2022 | FRANCE | N°20MA02327

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 24 janvier 2022, 20MA02327


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... D... épouse C... ont demandé à la présidente du tribunal administratif de Marseille, par deux actes introductifs d'instance, d'annuler les arrêtés du 16 juillet 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office.

Par un jugement nos 1906819, 1906820 du 12 septembre 2019, la magistrate désignée par la prés

idente du tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes après les avoir ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... D... épouse C... ont demandé à la présidente du tribunal administratif de Marseille, par deux actes introductifs d'instance, d'annuler les arrêtés du 16 juillet 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office.

Par un jugement nos 1906819, 1906820 du 12 septembre 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes après les avoir jointes.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête enregistrée le 20 juillet 2020 sous le numéro 20MA02327, M. C..., représenté par Me Colas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 septembre 2019 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il le concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Colas sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas respecté le droit d'être entendu ;

- il est entaché d'erreur de fait ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste au regard de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juin 2020.

II.- Par une requête enregistrée le 20 juillet 2020 sous le numéro 20MA02328, Mme D... épouse C..., représentée par Me Colas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 septembre 2019 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il la concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Colas sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas respecté le droit d'être entendu ;

- il est entaché d'erreur de fait ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste au regard de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations.

Mme D... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juin 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le traité sur l'Union européenne ;

- la directive 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- et les observations de Me Colas, représentant M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme D... épouse C... font appel du jugement du 12 septembre 2019 par laquelle la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 16 juillet 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office.

2. Les requêtes de M. C... et Mme D... épouse C... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la méconnaissance du droit d'être entendu :

3. Le 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable, permettait au préfet d'obliger à quitter le territoire français un étranger qui " s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa. "

4. Ces dispositions, applicables au présent litige, procèdent à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. La directive du 16 décembre 2008 encadre de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, sans toutefois préciser si et dans quelles conditions doit être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu.

5. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

6. Contrairement à ce qu'a jugé la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille, M. C... et Mme D... épouse C... n'ont pas présenté de demande d'asile au cours de l'examen de laquelle ils auraient été mis à même de présenter leurs observations sur leur situation. Le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas produit en appel. En première instance, il n'a apporté aucun élément de nature à établir qu'il aurait mis les intéressés à même, préalablement à l'édiction des mesures d'éloignement, de présenter de manière utile et effective leur point de vue sur l'irrégularité de leur séjour et les motifs qui auraient selon eux été susceptibles de justifier qu'il s'abstienne de prendre à leur égard une décision de retour. Il suit de là que les obligations de quitter le territoire français ont été prononcées en méconnaissance du droit des intéressés à être entendus, ce qui les a privés d'une garantie.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... et Mme D... épouse C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 16 juillet 2019.

8. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens soulevés à l'encontre de ces arrêtés.

Sur l'injonction :

9. L'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. "

10. Compte tenu de ces dispositions, l'annulation des arrêtés du 16 juillet 2019 implique nécessairement, en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, que le préfet des Bouches-du-Rhône réexamine la situation de M. C... et de Mme D... épouse C..., dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois, et leur délivre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. M. C... et Mme D... épouse C... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat dans le cadre des deux instances le versement de la somme de 2 000 euros à Me Colas, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 12 septembre 2019 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille et les arrêtés du 16 juillet 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. C... et de Mme D... épouse C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de leur délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Colas la somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., Mme B... D... épouse C..., à Me Colas et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2022.

2

Nos 20MA02327 et 20MA02328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02327
Date de la décision : 24/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : COLAS;COLAS;COLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-01-24;20ma02327 ?
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