Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Royal et Sunalliance Insurance PLC a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner l'Etat à lui verser une somme de 734 023,45 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1800019 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 30 janvier, 31 juillet et 3 août 2020, la société Royal et Sunalliance Insurance PLC, représentée par la SELARL Job Ricouart et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 734 023,45 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable du 16 octobre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'Etat est engagée sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, dont les conditions se trouvent réunies à raison des dégâts causés aux locaux de l'agence bancaire de la Société Générale par un attroupement de supporters qui sortaient du stade de Furiani, après un match le 17 octobre 2015 ;
- elle est fondée à obtenir l'indemnisation de ses préjudices, constitués par les sommes qu'elle a versées à son assurée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2020, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête. Le préfet fait valoir, à titre principal, que la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée et, à titre subsidiaire, que le montant du préjudice n'est pas justifié.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me Zemmour, représentant la société Royal et Sunalliance Insurance PLC, et de Mme A... représentant la préfecture de Haute-Corse.
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 octobre 2015, à l'issue d'un match de football opposant le club du Paris Saint Germain au club de Bastia, un groupe d'individus a saccagé l'agence bancaire de la Société Générale située à proximité du stade Armand Cesari, à Furiani. Son assureur, la société Royal et Sunalliance Insurance PLC, après l'avoir indemnisée des dommages subis, a demandé au préfet de la Haute-Corse, le 16 octobre 2017, le remboursement des sommes versées à son assurée. Cette demande a été rejetée le 14 décembre 2017. La société Royal et Sunalliance Insurance PLC relève appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 734 023,45 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa réclamation préalable, au titre des préjudices subis par son assurée du fait des dégradations commises le 17 octobre 2015.
2. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou des attroupements précisément identifiés.
3. En premier lieu et comme l'a rappelé le tribunal à juste titre, il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu du directeur départemental de la sécurité publique de la Haute-Corse établi le 8 novembre 2017, que le 17 octobre 2015, après la fin de la rencontre de football à 19 heures, un groupe de 15 à 20 individus sortant du stade, le visage dissimulé et porteurs pour certains de barres de fer et d'engins incendiaires artisanaux s'est dirigé vers le rond-point de Furiani et s'en est pris violemment aux deux établissements bancaires situés de part et d'autre de la route. L'agence de la Société Générale a été visée par des jets d'engins incendiaires et des fumigènes qui ont atteint l'intérieur de l'établissement après que l'entrée avait été forcée par les individus. L'incendie, se propageant par rayonnement depuis l'un des bureaux, a notamment détruit l'intégralité du mobilier de l'espace libre-service de l'agence et des bureaux voisins. L'engagement entre les forces de l'ordre et les individus, qui avait débuté à 19 heures 45 et qui a mobilisé 63 militaires et 35 policiers sur le terrain, s'est poursuivi jusqu'à la dispersion totale des auteurs de violences, à 21 heures 30.
4. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, il résulte également de l'instruction, au regard des moyens mis en œuvre par les auteurs des faits de violence, que l'action de détérioration volontaire de l'agence bancaire dont a été victime l'assurée de la société requérante a été perpétrée par un groupe de personnes, de façon préparée et concertée, et non de façon spontanée, et sans lien avec la manifestation sportive qui s'est déroulée dans le calme, 45 minutes avant le début des exactions, et à une distance de plus de 700 mètres. Par suite, dans les circonstances dans lesquelles cette action a été commise, elle ne peut être regardée comme imputable à un attroupement ou à un rassemblement au sens des dispositions précitées de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Royal et Sunalliance Insurance PLC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais du litige :
6. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions de la société requérante tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Royal et Sunalliance Insurance PLC est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société RSA Luxembourg SA, anciennement nommée société Royal et Sunalliance Insurance PLC et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2022.
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N° 20MA00371