Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 avril 2018 par lequel le maire d'Aix-en-Provence a refusé de lui délivrer un permis de construire régularisant un abri couvert sur un terrain cadastré KR 0006 situé 1190 rue du lieutenant Parayre domaine de Campredon aux Milles.
Par un jugement n° 1808619 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 21 décembre 2019 et le 14 avril 2021, M. A... B..., représenté par Me Marques, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2018 par lequel le maire d'Aix-en-Provence a refusé de lui délivrer un permis de construire régularisant un abri couvert sur un terrain cadastré KR 0006 situé 1190 rue du lieutenant Parayre domaine de Campredon aux Milles ;
3°) d'enjoindre à la commune d'Aix-en-Provence de lui délivrer un certificat de non opposition à ce permis tacite, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de se prononcer sur l'exception d'illégalité de la décision de prolongation de délai d'instruction soulevée à l'encontre du refus d'autorisation du permis de construire ;
- l'arrêté attaqué est fondé sur une décision du 23 janvier 2018 prononçant la prolongation du délai d'instruction elle-même illégale, dès lors qu'elle est signée par une autorité incompétente, qu'elle est insuffisamment motivée, et qu'elle s'appuie sur un motif erroné ;
- l'utilisation de délai dilatoire par l'administration ne peut, dans le cas d'espèce, priver le pétitionnaire d'une décision tacite d'autorisation ;
- le projet en litige n'entre dans aucune des situations visées par l'article les dispositions de l'article R. 424-2 du code de l'urbanisme ;
- à titre subsidiaire, il doit être regardé comme étant titulaire d'un permis de construire tacite depuis le 29 avril 2018 ;
- la notification de l'arrêté attaqué est intervenue tardivement, de sorte qu'il s'analyse non comme un refus de permis de construire mais comme un retrait du permis qui lui a été tacitement accordé le 29 mars 2018 ;
- ce retrait est intervenu en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 février 2021, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Andreani, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Quenette,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Marques, représentant M. B..., et de Me Andreani, représentant la commune d'Aix-en-Provence.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a déposé le 29 décembre 2017 une demande de permis afin de régulariser la construction d'une serre agricole sur des parcelles situées sur un terrain cadastré KR 0006 situé 1190 rue du lieutenant Parayre domaine de Campredon aux Milles sur le territoire de la commune d'Aix-en Provence, en zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune. Le 23 janvier 2018, la commune d'Aix-en-Provence a informé M. B... que le délai d'instruction de sa demande était majoré et que la nouvelle date limite d'instruction était fixée au 29 avril 2018. M. B... relève appel du jugement du 18 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2018 par lequel le maire d'Aix-en-Provence a refusé la délivrance du permis de construire sollicité.
Sur la régularité du jugement :
2. Si le requérant soutient que le tribunal administratif de Marseille a omis de se prononcer sur l'exception d'illégalité de la décision de prolongation de délai d'instruction soulevée à l'encontre du refus d'autorisation du permis de construire, il ressort du jugement attaqué que ce moyen est visé. Dès lors qu'il est inopérant à l'encontre de la décision de refus d'autorisation du permis sollicité, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, le requérant soutient que l'arrêté attaqué est fondé sur une décision du 23 janvier 2018 prononçant la prolongation du délai d'instruction elle-même illégale, dès lors qu'elle est signée par une autorité incompétente, qu'elle est insuffisamment motivée, et qu'elle s'appuie sur un motif erroné et dilatoire, en sorte qu'il serait titulaire d'un permis tacite à l'expiration du délai de trois mois suivant le dépôt de sa demande d'autorisation, d'un permis de construire tacite régularisant la serre agricole édifiée en 2013.
4. Aux termes de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ". Aux termes de l'article R. 423-22 du même code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 ". Aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager ". Aux termes l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles R. 423-24 à R. 423-33, l'autorité compétente indique au demandeur ou à l'auteur de la déclaration, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie : / a) Le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ ; / b) Les motifs de la modification de délai ; (...) ". Aux termes de l'article R. 423-24 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : / a) Lorsque le projet est soumis, dans les conditions mentionnées au chapitre V, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévues par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme ; (...) ". L'article R. 424-1 du code de l'urbanisme dispose que : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction (...), le silence gardé par l'autorité compétente vaut (...) : / (...) b) Permis de construire (...) tacite ".
5. D'une part, la décision de refus d'autorisation du permis sollicité ne trouve pas sa base légale dans la lettre du 23 janvier 2018 majorant le délai d'instruction, pas plus qu'elle n'est prise pour son application. Par suite, l'exception d'illégalité de la décision du 23 janvier 2018 prononçant la prolongation du délai d'instruction soulevée à l'encontre du refus d'autorisation du permis de construire est inopérante.
6. D'autre part, s'il est vrai que le courrier de modification du délai d'instruction adressé le 23 janvier 2018 se borne à mentionner que le délai d'instruction du dossier est de 3 mois en application de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme mais qu'il est majoré d'un mois car le " projet est soumis à autorisations ou prescriptions prises par d'autres législations ou réglementations " comme le prévoit l'article R. 423-24 du code de l'urbanisme, disposition qu'il vise mais, sans toutefois préciser quelle consultation serait nécessaire et sur quel fondement, le courrier mentionne toutefois sans ambigüité que le délai total d'instruction est de quatre mois, et il précise que ce délai expire le 29 avril 2018. Il est ainsi suffisamment précis pour informer clairement le pétitionnaire du terme du délai d'instruction à compter duquel il pouvait entreprendre les travaux et la notification de la prolongation du délai d'instruction a bien été effectuée conformément aux dispositions de l'article R. 423-42 du code de l'urbanisme. Or, le caractère erroné du délai d'instruction notifié par l'autorité compétente ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d'une décision de permis de construire tacite à l'issue du délai légalement applicable. Par suite, à supposer que le projet de construction n'entrerait ni dans le champ d'application des dispositions de l'article R. 423-24 du code de l'urbanisme, ni dans celui des dispositions de l'article R. 424-2 du même code, la prorogation du délai d'instruction de la demande de permis de construire déposée par M. B..., dont il n'est pas établi qu'elle relèverait de la part de l'administration d'une manœuvre frauduleuse, n'a pas eu pour effet de le rendre titulaire d'un permis de construire tacite à compter du 29 mars 2018.
7. En deuxième lieu, le requérant soutient qu'il doit être regardé comme étant titulaire d'un permis de construire tacite depuis le 29 avril 2018, dès lors que la notification de l'arrêté attaqué est intervenue tardivement, de sorte qu'il s'analyse non comme un refus de permis de construire mais comme un retrait du permis qui lui a été tacitement accordé le 29 mars 2018 en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.
8. L'article R. 424-10 du code de l'urbanisme prévoit que : " La décision accordant ou refusant le permis ou s'opposant au projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, (...) ".
9. Il résulte des dispositions précédentes que le demandeur d'un permis de construire est réputé être titulaire d'un permis tacite si aucune décision ne lui a été notifiée avant l'expiration du délai réglementaire d'instruction de son dossier. Cette notification intervient à la date à laquelle le demandeur accuse réception de la décision, en cas de réception dès la première présentation du pli la contenant, ou, à défaut, doit être regardée comme intervenant à la date à laquelle le pli est présenté pour la première fois à l'adresse indiquée par le demandeur.
10. Il ressort des pièces du dossier que le pli contenant l'arrêté attaqué du 19 avril 2018 portant décision expresse de refus a été posté le 20 avril 2018 et a été présenté pour la première fois à M. B... le 23 avril 2018, soit avant l'expiration du délai d'instruction. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il est devenu titulaire d'un permis tacite à compter du 29 avril 2018.
11. Dès lors que l'arrêté du 19 avril 2018 attaqué s'analyse comme un refus de permis de construire, et non comme une décision de retrait d'un permis tacite, M. B... ne peut utilement soutenir qu'il aurait dû être précédé de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement n° 1808619 du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 19 avril 2018 par lequel le maire d'Aix-en-Provence a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la construction d'une serre agricole. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Aix-en-Provence, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Aix-en-Provence et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la commune d'Aix-en-Provence une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Aix-en-Provence.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2022, où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Quenette, premier conseiller,
- Mme Baizet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 janvier 2022.
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N° 19MA05787
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