La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2022 | FRANCE | N°21MA02874

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 19 janvier 2022, 21MA02874


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., de nationalité algérienne, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la

notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'État une somme d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., de nationalité algérienne, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par jugement n° 2100174 du 26 avril 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

I. - Par une requête et un mémoire non communiqué enregistrés les 20 juillet 2021 et 18 novembre 2021, sous le n° 21MA02874, M. C..., représenté par Me Ibrahim, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 11 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de son avocate, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté querellé méconnaît les stipulations de l'article 6, 5) de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il justifie abondamment de sa présence continue en France depuis 2011 et de son intégration à la société française notamment par le travail ; il est marié avec Mme D... depuis le 6 août 2016, titulaire d'un certificat de résident valable dix ans, avec laquelle il justifie d'une communauté de vie, mais qui ne peut prétendre au regroupement familial, conformément à l'article 4 de l'accord franco-algérien, ne percevant comme ressource que le revenu de solidarité active ;

- le jugement querellé est entaché de plusieurs erreurs matérielles, le requérant n'ayant essuyé qu'un seul refus de titre de séjour, n'ayant jamais usé de fausses identités et n'ayant jamais été pénalement condamné ;

- l'arrêté querellé méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 10-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dans la mesure où il est de nature à priver de leur père ses trois enfants scolarisés, âgés respectivement de quatre, deux et un an à la date de l'arrêté querellé, sur le territoire français, alors qu'il n'est pas envisageable que son épouse en situation régulière quitte la France.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. C... ne justifie ni de la date de son entrée sur le territoire français, ni d'une présence continue en France depuis 2011, ni d'une insertion socio-professionnelle suffisante sur le territoire national ;

- les années passées sous une fausse identité ne sauraient, en tout état de cause, être prises en compte, alors qu'il a usurpé l'identité d'au moins quatre individus ;

- étant marié avec une ressortissante algérienne en situation régulière pouvant demander en faveur du requérant le regroupement familial, ce dernier ne peut prétendre à un titre de séjour en application des dispositions de l'ancien article L. 313-11.7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, texte qui exclut les conjoints de résidents ;

- il n'existe aucun obstacle à ce que le requérant, son épouse et ses trois enfants, tous de nationalité algérienne, reconstituent la cellule familiale en Algérie, de sorte qu'il n'existe aucune méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de celles des articles 3 et 10 de la convention de New York sur les droits de l'enfant ;

- le requérant constitue une menace pour l'ordre public en raison de ses condamnations pénales notamment pour usurpation d'identité et violence conjugale.

Par ordonnance du 15 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 novembre 2021 à 12 h 00.

II. - Par une requête et un mémoire non communiqué enregistrés les 20 juillet 2021 et 18 novembre 2021, sous le n° 21MA02875, M. C..., représenté par Me Ibrahim, demande à la Cour :

1°) de suspendre, en application des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, l'exécution du jugement n° 2100174 rendu le 26 avril 2021 par le tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de son avocate, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient les mêmes moyens que dans sa requête enregistrée sous le n° 21MA02874.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il n'existe aucun doute sérieux sur la légalité de l'arrêté querellé.

Par ordonnance du 15 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 novembre 2021 à 12 h 00.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 25 juin 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B... Taormina, rapporteur.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité algérienne, né le 25 février 1982, a sollicité son admission au séjour sur le fondement de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 11 septembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. L'intéressé demande à la Cour de suspendre l'exécution du jugement n° 2100174 du 26 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête et relève appel de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les n° 21MA02874 et 21MA02875 concernent le même litige et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, par suite, d'y statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : ... 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus... ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance... ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est vu refuser l'asile qu'il avait demandé le 9 décembre 2011, par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 mars 2012, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 16 mars 2013, qu'il a précédemment fait l'objet de plusieurs refus de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français le 6 mai 2013 puis, sous l'identité Djamel Benzian, les 27 novembre 2013 et 23 mars 2014, cette dernière décision ayant été confirmée par le tribunal administratif de Lyon par jugement n° 1402034 du 26 mars 2014, et enfin sous l'identité Youcef Bessadet, le 15 octobre 2015, décision également confirmée par le tribunal administratif de Lyon par jugement n° 1508947 du 3 novembre 2015. Ni le fait de s'être marié à une ressortissante algérienne en situation régulière, avec laquelle il vit et a eu trois enfants âgés respectivement de quatre, deux et un an à la date de l'arrêté querellé, ni les nombreuses pièces versées au dossier, les mêmes en appel qu'en première instance, constituées essentiellement, de décembre 2011 à août 2020 avec des périodes de plusieurs mois sans justificatifs de présence, de courriers de l'assurance maladie, de certificats médicaux, de factures éparses, de quelques fiches de paies et de relevés de compte bancaire, alors au demeurant qu'il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, notamment pour vol, violence sur conjoint, procédures policières et judiciaires dans le cadre desquelles ses usurpations d'identités et usages de fausses identités ont été confirmés et qu'il n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, l'Algérie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans et dont son épouse et ses enfants ont également la nationalité, ne sont de nature à établir une insertion suffisante dans la société française pour obtenir la délivrance du titre de séjour qui lui a été refusé par le préfet des Bouches-du-Rhône.

5. Dans ces conditions, compte tenu de tout ce qui précède et alors, en outre, que contrairement à ce que soutient le requérant, son épouse entrait dans le champ d'application des stipulations précitées de l'accord franco-algérien lui permettant de solliciter le regroupement familial à son profit, le tribunal administratif de Marseille était fondé à considérer que le préfet des Bouches-du-Rhône, par l'arrêté querellé, n'a pas, au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

6. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, de protections sociales, des tribunaux, ou des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 10 de la même convention : " 1. Conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Les Etats parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille ".

7. D'une part, M. C... ne saurait utilement invoquer les stipulations de l'article 10 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, qui crée seulement des obligations entre Etats sans ouvrir des droits à leurs ressortissants. D'autre part, dès lors que M. C..., son épouse et leurs trois enfants ont la nationalité algérienne, il n'existe aucun obstacle juridique à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie, l'arrêté querellé n'ayant, dès lors, ni pour objet ni pour effet de priver les enfants C... de l'un de leurs parents. Par suite, le tribunal administratif de Marseille était fondé à considérer que le préfet des Bouches-du-Rhône, par l'arrêté querellé, n'a pas, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, porté atteinte aux droits des enfants C..., ni entaché sa décision d'une erreur de droit ou de fait, ni d'une erreur d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

9. Par le présent arrêt, la Cour se prononçant sur la demande d'annulation du jugement n° 2100174 rendu le 26 avril 2021 par le tribunal administratif de Marseille, les conclusions à fin de sursis à exécution du même jugement formulées dans le cadre de la procédure enregistrée sous le n° 21MA02875 sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

10. Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. C... formulées dans les deux instances à fin d'injonction et au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... enregistrée sous le n° 21MA02874 est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C... enregistrée sous le n° 21MA02875 tendant au sursis à exécution du jugement attaqué.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 21MA02875 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Ibrahim et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. B... Taormina, président assesseur,

- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 janvier 2022.

N°s 21MA02874 - 21MA02875 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02874
Date de la décision : 19/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : IBRAHIM;IBRAHIM;IBRAHIM

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-01-19;21ma02874 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award