La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2022 | FRANCE | N°19MA02506

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 19 janvier 2022, 19MA02506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS SPT MI a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'université Aix-Marseille à lui verser la somme de 97 614 euros toutes charges comprises en réparation du préjudice résultant de son éviction illégale de la procédure de passation du marché public de travaux relatif à la construction d'un bâtiment pédagogique sur le campus de La Timone à Marseille.

Par un jugement n° 1607352 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de la SAS SPT

MI.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 juin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS SPT MI a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'université Aix-Marseille à lui verser la somme de 97 614 euros toutes charges comprises en réparation du préjudice résultant de son éviction illégale de la procédure de passation du marché public de travaux relatif à la construction d'un bâtiment pédagogique sur le campus de La Timone à Marseille.

Par un jugement n° 1607352 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de la SAS SPT MI.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 juin 2019 et le 27 avril 2020, la SAS SPT MI, représentée par Me Woimant, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1607352 du 2 avril 2019 ;

2°) de condamner l'université d'Aix-Marseille à lui verser la somme de 97 614 euros toutes taxes comprises ;

3°) de mettre à la charge d'Aix-Marseille Université une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le marché a été attribué en méconnaissance du principe de transparence des procédures et d'égalité de traitement des candidats ;

- le critère " respect des délais " a été apprécié au moyen de sous-critères qui n'ont pas été portés à la connaissance des candidats ; ces sous-critères n'ont pas été pondérés ; cette irrégularité a eu une incidence sur la présentation des offres ;

- elle est recevable à agir ; le gérant en exercice peut agir en justice en son nom sans avoir à justifier un mandat ;

- le critère du " respect des délais " n'a pas été précisément défini ; le critère a un caractère discrétionnaire et le principe d'égalité de traitement des candidats a été méconnu ;

- elle a subi une perte de chances sérieuse ; le taux de marge nette de ses activités est de 10 % ; son manque à gagner est établi à hauteur de 81 345 euros hors taxes soit 97 614 euros toutes taxes comprises.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 11 mars 2020 et le 9 novembre 2020, Aix-Marseille Université, représentée par Me Xoual, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SAS SPT MI au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance et la requête d'appel sont irrecevables dès lors que M. A... n'a pas qualité de représentant légal de la société SPT MI ;

- les éléments d'appréciation mis en œuvre pour apprécier le critère " respect des délais " n'étaient pas des sous-critères ; ces éléments d'appréciation n'avaient pas un caractère distinct du critère ; l'ensemble des éléments d'appréciation relevait du même critère temporel ;

- l'utilisation de ces éléments d'appréciation n'avait pas d'incidence sur la présentation des offres ;

- le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation retenue ;

- le critère de sélection " respect des délais " n'avait pas un caractère discriminatoire et était lié à l'objet du marché public ;

- la perte de chances alléguée par la requérante n'est pas établie ; la neutralisation du critère " respect des délais " ne lui aurait pas permis de remporter le marché ; sa qualité d'ancien attributaire du lot ne caractérise pas une chance sérieuse de remporter le marché ;

- le manque à gagner allégué n'est pas justifié.

Par ordonnance en date du 10 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 décembre 2020.

Par courrier en date du 22 décembre 2021, les parties ont été informées que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le titulaire défaillant d'un marché résilié à ses torts exclusifs n'est pas recevable à présenter sa candidature pour l'attribution du marché de substitution. Dans ces conditions, le pouvoir adjudicateur était tenu d'écarter la candidature de la SAS SPT MI du marché en litige et cette dernière n'est pas susceptible d'avoir été lésée de façon directe et certaine par la passation de ce contrat. Ses conclusions indemnitaires sont par suite irrecevables.

Par courrier en date du 22 décembre 2021, la SAS STP MI a présenté ses observations sur le moyen d'ordre public relevé d'office par la Cour. Elle soutient que :

- elle n'a jamais été condamnée pour une infraction et ne saurait être considérée comme exclue de plein droit des procédures de passation ;

- aucune disposition légale ne sanctionne d'irrecevabilité la candidature d'un titulaire défaillant d'un marché résilié à ses torts exclusifs au marché de substitution ; sa candidature n'a pas été écartée par le pouvoir adjudicateur ;

- le moyen d'ordre public est infondé en droit et en fait.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... Point, rapporteur,

- les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Woimant pour la SAS SPT MI.

1. A la suite de la résiliation du contrat du lot n° 2 " menuiseries extérieures-serrureries " du marché public de construction d'un bâtiment pédagogique sur le campus de la Timone à Marseille, la société Icade Promotion, mandataire d'Aix-Marseille Université, maître de l'ouvrage, a lancé une nouvelle procédure d'appel à la concurrence en vue de la passation, selon une procédure adaptée, d'un marché de substitution. Par acte d'engagement conclu le 25 juin 2014, ce marché a été confié à la société Sori. La SAS SPT MI fait appel du jugement en date du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'université Aix-Marseille à lui verser la somme de 97 614 euros toutes charges comprises en réparation du préjudice que lui aurait causé son éviction illégale de la procédure de passation de ce marché.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

2. Aux termes de l'article 53 du code des marchés publics, applicable à la date de passation du marché litigieux : " I. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; (...) ".

3. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Lorsque le pouvoir adjudicateur décide, pour mettre en œuvre ces critères de sélection, de faire usage de sous-critères pondérés ou hiérarchisés, il est tenu de porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères lorsque, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection, et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection.

4. L'article 6 du règlement de consultation du marché en litige stipule que les critères de sélection des offres sont le respect des délais pour 40 % de la note finale, la valeur technique pondérée à hauteur de 30 % et le prix des prestations pondéré à hauteur de 40 %. Pour le critère " respect des délais ", le pouvoir adjudicateur a précisé que les offres seraient appréciées au regard de la prise en compte de l'intégration des contraintes du calendrier général joint au dossier de consultation des entreprises et des explications fournies par le candidat sur ce point. Il résulte de l'instruction, notamment de l'extrait du rapport d'analyse des offres, que la SAS SPT MI a obtenu la note de 20 sur 100 au critère relatif au respect des délais. Le rapport d'analyse mentionne à cet égard que " L'entreprise ne fournit que des temps de tâches, celles-ci ne sont pas associées à un planning détaillé. Les contraintes de fabrication et d'approvisionnement prévues au mois d'août dans le calendrier général n'apparaissent pas dans la proposition de l'entreprise. ". La société attributaire a obtenu, pour sa part, la note de 100 sur 100 pour ce même critère. Le rapport indique que " Les contraintes du calendrier ont bien été prises en compte (notamment fabrication et approvisionnement pendant le mois d'août). A l'appui du planning proposé, l'entreprise présente une méthodologie de maîtrise des délais en posant notamment des jalons de contrôle suffisamment nombreux qui permettront d'éviter les dérapages ".

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le marché en litige était un marché de substitution, relatif à un lot dans le cadre d'une opération globale de construction, justifiant que le pouvoir adjudicateur ait pour objectif spécifique de garantir le respect de certains délais d'exécution. Les délais de livraison ou d'exécution sont au demeurant au nombre des critères de sélection mentionnés par l'article 53 du code des marchés publics. L'appréciation de la qualité des offres au regard de la capacité du candidat à garantir le respect des délais d'exécution ne peut dans ces conditions être regardée comme un critère arbitraire et discriminatoire. Le critère relatif au respect des délais, qui pouvait comprendre notamment l'appréciation de l'organisation des tâches, du phasage des opérations et des moyens mis en œuvre pour contrôler les délais d'exécution, n'était pas réductible au respect du calendrier général d'exécution prévu par le marché. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce critère était insuffisamment déterminé, qu'il conférait au pouvoir adjudicateur une liberté de choix discrétionnaire et que la procédure de passation du marché aurait dès lors méconnu le principe d'égalité de traitement entre les candidats.

6. En second lieu, la société requérante soutient que le pouvoir adjudicateur a mis en œuvre des critères de second niveau pour l'appréciation du critère " respect des délais d'exécution ", sous-critères qu'elle aurait omis de pondérer et de porter à la connaissance des candidats. Il résulte de l'instruction que le dossier d'appel d'offres comprenait un calendrier général d'exécution, précisant certaines contraintes de fabrication et d'approvisionnement des éléments de menuiserie et de serrurerie. L'article 6 du règlement de consultation invitait spécifiquement les candidats à apporter des explications sur l'intégration des contraintes du calendrier d'exécution versé au DCE. Les extraits du rapport d'analyse des offres versés au dossier indiquent que le pouvoir adjudicateur a apprécié le critère du respect des délais d'exécution au regard des éléments présentés par les candidats pour garantir le respect des contraintes fixées par le calendrier général d'exécution, notamment les plannings prévisionnels, la durée d'exécution des tâches et la méthodologie de maîtrise des délais. De tels éléments, fournis par certains candidats pour attester de leur capacité à respecter les délais, ne sont pas constitutifs d'un besoin du pouvoir adjudicateur distinct du respect des délais. Ainsi, ces éléments d'appréciation ne modifiaient pas les caractéristiques essentielles des prestations attendues par le pouvoir adjudicateur et n'avaient pas d'incidence sur la présentation des offres par les candidats. Dans ces conditions, la SAS SPT MI n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur aurait mis en œuvre des critères de second niveau pour apprécier le critère " respect des délais ", et que la procédure serait irrégulière du fait de l'absence de communication ou de pondération de ces sous-critères.

7. Il résulte de ce qui précède que la SAS SPT MI n'est pas fondée à soutenir que son éviction de la passation du marché en cause aurait été irrégulière. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par Aix-Marseille Université, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la SAS SPT MI soit mise à la charge d'Aix-Marseille Université, qui n'est pas la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, sur ce même fondement, de mettre à la charge de la SAS SPT MI la somme de 2 000 euros à verser à Aix-Marseille Université au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS SPT MI est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la SAS SPT MI le versement à Aix-Marseille Université d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SPT MI et à Aix-Marseille Université.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. C... Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2022.

3

N° 19MA02506

ia


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02506
Date de la décision : 19/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : MCL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-01-19;19ma02506 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award