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17/12/2021 | FRANCE | N°20MA03266

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 17 décembre 2021, 20MA03266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à lui verser la somme de 170 335,87 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction illégale du service.

Par un jugement n° 1807287 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'AP-HM à verser à Mme B... une somme de 5 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 août 20

20 et 9 août 2021, Mme B..., représentée par Me Guin, demande à la cour, dans le dernier état de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à lui verser la somme de 170 335,87 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction illégale du service.

Par un jugement n° 1807287 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'AP-HM à verser à Mme B... une somme de 5 000 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 31 août 2020 et 9 août 2021, Mme B..., représentée par Me Guin, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'AP-HM en réparation de ses préjudices et de porter à la somme de 170 335,87 euros le montant de cette indemnité ;

2°) d'enjoindre au directeur de l'AP-HM de régulariser sa situation administrative auprès de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses cotisations de retraite n'ont pas été régularisées au titre de la période d'éviction ;

- la perte de rémunération nette subie du fait de la perte de primes et avantages divers s'élève à 5 287,46 euros ;

- les préjudices résultant de l'absence de rétablissement de ses droits sociaux et de la perte de ses congés payés s'élèvent respectivement à 15 000 euros et 30 000 euros ;

- elle a subi un préjudice, exclusivement imputable à la sanction annulée, résultant de ce qu'elle n'a pu percevoir la prestation étude formation à laquelle elle était éligible du chef de son fils ;

- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à sa demande tendant à la réparation des préjudices financiers résultant de la vente de son véhicule à un prix inférieur à sa valeur et des frais liés à la procédure de surendettement ;

- ses impayés locatifs s'élèvent à la somme de 9 602,90 euros ;

- les premiers juges ont fait une réparation insuffisante de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2020, l'AP-HM, représentée par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 87-1107 du 30 décembre 1987 ;

- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sanson,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Guin, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 1508286 du 13 mars 2017 devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 18 août 2015 du directeur l'AP-HM infligeant à Mme B..., aide de laboratoire à l'hôpital Nord de Marseille, la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an à compter du 15 septembre 2015 et a enjoint à l'autorité hiérarchique de réexaminer sa situation. Mme B... relève appel du jugement du 29 juin 2020 de ce même tribunal en ce qu'il limite à la somme de 5 000 euros le montant de l'indemnité allouée à l'intéressée en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette éviction illégale.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration.

3. Il résulte des pièces du dossier que Mme B... a fait obstacle au bon fonctionnement du service par des propos violents et des agissements inappropriés à l'égard de ses collègues de travail et de sa hiérarchie. Si la sanction prononcée au terme des poursuites disciplinaires diligentées en raison de ces écarts de conduite a été annulée par le tribunal en raison de son caractère disproportionné, le comportement de Mme B..., qui justifiait une sanction disciplinaire, fait obstacle à ce que les préjudices qu'elle invoque puisse être regardés comme résultant exclusivement de cette mesure illégale.

4. En premier lieu, Mme B... ne produit pas davantage en appel qu'en première instance de pièces de nature à établir qu'elle n'aurait pas reçu le versement de l'intégralité des indemnités de résidence et de sujétions spéciales dont elle a été illégalement privée durant cette exclusion, ni qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier d'une " prestation étude éducation formation " servie par le comité de gestion des œuvres sociale (CGOS) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions indemnitaires qu'elle présente à ce titre par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 6 et 8 du jugement attaqué.

5. En deuxième lieu, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due à l'agent public irrégulièrement évincé du service, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.

6. Il sera fait une juste réparation de la perte de chance sérieuse de Mme B... de percevoir au cours des années 2015 et 2016 la prime de service dont elle a bénéficié au titre des années 2013 et 2014 à hauteur, respectivement de 1 093 euros et 1 504 euros, ainsi qu'il résulte des attestations produites en appel, en lui allouant une indemnité de 1 500 euros, tenant compte de la part de ce préjudice en lien exclusif avec son comportement fautif.

7. En troisième lieu, en dépit de la demande que lui a adressée la cour, Mme B... n'a produit aucun élément permettant de justifier du montant des indemnités qu'elle sollicite en réparation des préjudices financiers résultant de la vente de son véhicule et des frais divers liés à la situation de surendettement dans laquelle elle s'est retrouvée. Par suite, et à supposer que cette situation de surendettement présente un lien de causalité avec la sanction illégale dont elle a fait l'objet, ses conclusions tendant à la réparation de ces préjudices doivent être rejetées.

8. En quatrième lieu, Mme B..., qui n'allègue pas que la dette qu'elle invoque, constituée par un impayé locatif de 9 602,90 euros, résulterait de frais et indemnités autres que les loyers qu'elle était tenue, indépendamment de la sanction prononcée à son encontre, de verser au propriétaire du logement occupé, n'est pas fondée à demander le remboursement de cette somme.

9. En dernier lieu, eu égard aux conséquences de la sanction illégale sur la situation financière et professionnelle de l'intéressée, mais eu égard également au comportement de cette dernière, rappelé au point 3, qui aurait en tout état de cause justifié que lui fût infligée une sanction disciplinaire, il y a lieu de fixer aux sommes de 1 500 euros et 1 000 euros les indemnités allouées, respectivement, en réparation des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme B... et de son préjudice moral.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont limité à la somme de 5 000 euros le montant de l'indemnité octroyée en réparation de ses préjudices résultant de l'illégalité de l'exclusion temporaire de fonctions prononcée à son encontre.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. Le présent arrêt, qui statue simplement sur les conclusions indemnitaires de Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Les conditions d'application prévues par l'article L. 911-1 du code de justice administrative n'étant pas réunies, les conclusions présentées par la requérante aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'AP-HM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de celle-ci le versement de la somme de 2 000 euros que demande l'AP-HM à ce même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à l'AP-HM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié a` Mme A... B... et à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme Massé-Degois, président assesseur,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

N° 20MA03266 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03266
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP SARTORIO LONQUEUE SAGALOVITSCH et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-17;20ma03266 ?
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