La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2021 | FRANCE | N°20MA01629

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 17 décembre 2021, 20MA01629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 mars 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et de lui enjoindre d'accorder le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 19

08877 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 mars 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et de lui enjoindre d'accorder le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1908877 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 avril 2020, Mme A... B..., représentée par Me Decaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 janvier 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui accorder le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de Me Decaux la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en raison de l'absence de saisine par le préfet de la commission du titre de séjour des Bouches-du-Rhône et le tribunal a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation de l'intensité, l'ancienneté et la stabilité des attaches privées et familiales de Mme B... en France quant aux pièces produites et à leur force probante, et a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal administratif a commis une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 21 février 2020, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille lui a accordé l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Quenette a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante comorienne née le 31 décembre 1976, a sollicité le 28 novembre 2017 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 29 mars 2019 dont l'intéressée a demandé l'annulation, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de la date de notification de cet arrêté et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement du 7 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il n'appartient pas au juge d'appel d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la requérante ne saurait utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, des erreurs d'appréciation, des erreurs manifestes d'appréciation ou des erreurs de droit que les premiers juges auraient commises.

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ". La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle. Le préfet n'est tenu de saisir cette commission que si l'étranger sollicitant un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions justifie d'une présence continue de dix ans sur le territoire français.

4. Si Mme B... affirme résider en France depuis l'année 2002, et, par suite, à compter du 28 novembre 2007 en sorte qu'elle serait présente sur le territoire depuis plus de 10 ans à la date de l'arrêté attaqué, les différentes pièces qu'elle produit au soutien de cette allégation ne démontrent qu'une présence ponctuelle sur le territoire mais ne sont pas de nature à y établir une présence continue. Les éléments versés aux débats pour la période de 2007 à 2011 sont uniquement constitués de récépissés d'admission à l'aide médicale d'Etat. De même, les justificatifs de présence pour les années 2012 à 2014 comprennent des déclarations annuelles de revenus déposées au service des impôts le 18 décembre 2015 et ne font pas état de revenus perçus. Ces déclarations sont donc dépourvues de toute valeur probante sur la réalité de la présence en France de la requérante sur cette période. Si Mme B... verse pour la première fois en appel différentes pièces médicales à son nom, notamment des prescriptions médicales du 19 janvier 2012, du 31 janvier 2013, du 23 janvier 2014, des feuilles de soin du 11 septembre 2013, du 15 octobre 2013, du 23 janvier 2014 et du 25 janvier 2014 ainsi que des attestations à l'aide médicale d'Etat pour 2012, 2013 et 2014 et un relevé de la Caisse primaire d'assurance maladie, ces seuls éléments, épars et pour certains dépourvus de valeur probante, ne suffisent pas à démontrer sa présence continue sur le territoire, même corroborés par l'absence de tampon d'entrée et de sortie du territoire sur les passeports successifs de la requérante. Par suite, en considérant que Mme B... ne justifiait pas d'une présence habituelle de dix ans et en ne saisissant pas la commission du titre de séjour des Bouches-du-Rhône, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision d'un vice de procédure. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour doit être écarté.

Sur la légalité interne :

5. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 7°/ A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

6. Mme B... se prévaut de sa vie commune avec M. D... C..., ressortissant français d'origine comorienne âgé de soixante-quatre ans, aux termes d'un pacte civil de solidarité conclu le 7 septembre 2016, et apporte différentes pièces de nature à montrer qu'ils résident ensemble. Cependant, il ressort de l'enquête de police diligentée par le préfet des Bouches-du-Rhône afin de s'assurer de la réalité et l'ancienneté de la communauté de vie que le couple n'a pas d'enfant propre, que Mme B... ignore si son compagnon a été marié alors qu'il l'a été par deux fois dans le passé, qu'elle ignore le nom et l'âge des enfants de son conjoint résidant à Paris, qu'elle ignore le métier qu'il exerçait avant d'être à la retraite et son lieu d'exercice professionnel, qu'elle ignore également le montant de la pension de retraite qu'il touche. Il ressort par ailleurs de l'entretien de police qu'elle lui donne chaque mois un peu d'argent. L'enquête conclut que la communauté de vie entre les conjoints pacsés n'était pas établie et que la signature du pacte civil de solidarité constituait un arrangement entre les signataires. Dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme justifiant par les pièces produites d'une communauté de vie avec M. C.... En tout état de cause, cette vie commune alléguée est d'une durée de moins de deux ans à la date de la décision contestée. En outre, Mme B... qui ne fait état d'aucun emploi, ne justifie pas d'une insertion professionnelle et d'une particulière intégration au sein de la société française. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'elle ne démontre pas l'effectivité de sa présence continue sur le territoire français avant 2015. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux aurait, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.

7. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, Mme B... ne démontre pas remplir les conditions pour l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale. Dès lors, elle ne peut valablement soutenir que la décision faisant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En troisième lieu, il résulte des points précédents qu'aucun des moyens invoqués à l'encontre de la décision portant refus de séjour n'est fondé. Dès lors, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 7 janvier 2020 du tribunal administratif de Marseille et de l'arrêté du 29 mars 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Decaux.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021.

4

N° 20MA01629

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01629
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : DECAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-17;20ma01629 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award