Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune d'Aigues-Mortes a demandé au tribunal administratif de Nîmes :
1°) d'enjoindre à la société Port Croisade d'implanter une signalisation sur chaque point haut du bassin de la ZAC de la Malamousque dont la profondeur est inférieure à 2,40 mètres d'eau, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
2°) d'enjoindre à la société Port Croisade de réaliser un dragage de ce bassin afin de garantir, sur son ensemble, une profondeur minimale de 2,40 mètres, dans un délai de 4 mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre à la société Port Croisade de réaliser un dragage du bassin à fréquence quadriennale à compter de l'accomplissement du premier dragage réalisé en exécution du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1901325 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a enjoint à la société Port Croisade, d'une part, d'implanter une signalisation adaptée sur chaque point du bassin de la ZAC de la Malamousque dont la profondeur est inférieure à - 2,40 mètres NGF dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et d'autre part, de réaliser un dragage du bassin afin d'y rétablir en tout point une profondeur égale à - 2,40 mètres NGF dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 11 juin 2021 sous le n° 21MA02260, et un mémoire complémentaire enregistré le 25 octobre 2021, la société Port Croisade, représentée par Me Vernet de la SCP SVA, demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1901325 en date du 15 avril 2021 ;
2°) de rejeter les demandes de la commune d'Aigues-Mortes ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement, d'une part, en ce qu'il fixe une astreinte de 200 euros par jour de retard pour implanter une signalisation adaptée et, d'autre part, en ce qu'il fixe un délai de quatre mois et une astreinte de 500 euros par jour de retard pour réaliser le dragage ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Aigues-Mortes une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur en considérant qu'un niveau de profondeur à 2,40 mètres devait être maintenu pour permettre la circulation des navires en toute sécurité ;
- la profondeur de 2,40 mètres n'est pas contractuelle ;
- les points hauts, inférieurs à 2,40 mètres, existaient déjà à la réception de l'ouvrage ; dans le délai de 10 ans suivant la réception, la commune d'Aigues-Mortes n'a engagé aucune action tendant à considérer que le bassin était impropre à sa destination du fait de sa profondeur ; la problématique de la profondeur du bassin relevait de la convention d'aménagement et non du bail emphytéotique ; la réalisation du bassin ayant fait l'objet d'une réception et d'un transfert de propriété à la commune, celle-ci est aujourd'hui prescrite pour demander une quelconque obligation de faire au titre de ce contrat ;
- la commune intention des parties lors de la signature du bail emphytéotique administratif (BEA) n'était pas d'imposer à la SARL Port Croisade d'entretenir le bassin afin que celui-ci soit d'une profondeur homogène de 2,40 mètres ;
- les caractéristiques techniques détaillées à l'annexe 5 du BEA ne sont qu'indicatives et n'imposent aucune obligation ;
- il n'est pas démontré que cette profondeur de 2,40 mètres serait nécessaire, alors qu'aucun incident n'a été recensé depuis la création du port ; le tirant d'eau est de 2 mètres à 2,20 mètres de sorte que la profondeur de 2,40 mètres dans le bassin n'a pas lieu d'être ;
- les conditions d'engagement de la responsabilité contractuelle de la société Port Croisade ne sont pas remplies ; elle n'a pas manqué à une obligation contractuelle d'entretien ; il n'existe aucun dommage actuel ou futur, ni aucun lien de causalité ;
- seuls quelques voiliers peuvent être gênés à la navigation ;
- l'injonction de rétablissement est erronée dans la mesure où, dès la réception, le bassin disposait de points hauts ;
- le juge du fond ne saurait revenir sur le raisonnement du juge des référés qui avait estimé, dans son ordonnance du 13 novembre 2018, que la commune n'établissait pas l'existence d'un risque de dommages pour les navires ;
- l'injonction d'implanter une signalisation adaptée sur chaque point du bassin n'est pas justifiée compte tenu de l'absence d'urgence avérée et même de danger imminent pour la circulation des navires ;
- l'article 2 du jugement doit être annulé, l'injonction de réaliser le dragage du bassin dans un délai de 4 mois, assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, ne pouvant être réalisée sans l'aval préalable de l'Etat ; compte tenu de l'impact sur l'environnement et des questions de stockage et de revalorisation des sédiments, une telle opération ne peut être effectuée que sous réserve de l'obtention d'une autorisation environnementale ; une telle opération ne peut être réalisée en quatre mois ; il résulte du devis de la société BUSEA TMP qu'une telle opération nécessite un délai de sept mois.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2021, la commune d'Aigues-Mortes, représentée par Me Gras et Me Arroudj de la SCP CGCB et Associés, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, qu'injonction soit faite à la société Port Croisade, d'une part, d'implanter une signalisation sur chaque point haut du bassin de la ZAC de la Malamousque dont la profondeur est inférieure à 2,40 mètres d'eau, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, d'autre part, de réaliser un dragage de ce bassin afin de garantir, sur son ensemble, une profondeur minimale de 2,40 mètres, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, enfin, de réaliser un dragage du bassin à fréquence quadriennale à compter de l'accomplissement du premier dragage réalisé en exécution de la décision à intervenir ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Port Croisade la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté par la commune d'Aigues-Mortes, enregistré le 9 novembre 2021, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 25 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 novembre 2021.
Une note en déliberé présentée pour la SARL Port Croisade a été enregistrée le 13 décembre 2021.
II. Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2021 sous le n° 21MA02676, la société Port Croisade, représentée par Me Vernet de la SCP SVA, demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1901325 en date du 15 avril 2021 ;
2°) de mettre à la charge de la commune d'Aigues-Mortes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en cas d'exécution du jugement et compte tenu des coûts induits par le dragage, elle risque de perdre définitivement une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies ;
- les moyens énoncés dans la requête sont sérieux.
- les premiers juges ont commis une erreur en considérant qu'un niveau de profondeur à 2,40 mètres devait être maintenu pour permettre la circulation des navires en toute sécurité ;
- la profondeur de 2,40 mètres n'est pas contractuelle ;
- les points hauts, inférieurs à 2,40 mètres, existaient déjà à la réception de l'ouvrage ; dans le délai de 10 ans suivant la réception, la commune d'Aigues-Mortes n'a engagé aucune action tendant à considérer que le bassin était impropre à sa destination du fait de sa profondeur ; la problématique de la profondeur du bassin relevait de la convention d'aménagement et non du bail emphytéotique ; la réalisation du bassin ayant fait l'objet d'une réception et d'un transfert de propriété à la commune, celle-ci est aujourd'hui prescrite pour demander une quelconque obligation de faire au titre de ce contrat ;
- la commune intention des parties lors de la signature du BEA n'était pas d'imposer à la SARL Port Croisade d'entretenir le bassin afin que celui-ci soit d'une profondeur homogène de 2,40 mètres ;
- les caractéristiques techniques détaillées à l'annexe 5 du BEA ne sont qu'indicatives et n'imposent aucune obligation ;
- il n'est pas démontré que cette profondeur de 2,40 mètres serait nécessaire, alors qu'aucun incident n'a été recensé depuis la création du port ; le tirant d'eau est de 2 mètres à 2,20 mètres de sorte que la profondeur de 2,40 mètres dans le bassin n'a pas lieu d'être ;
- les conditions d'engagement de la responsabilité contractuelle de la société Port Croisade ne sont pas remplies ; elle n'a pas manqué à une obligation contractuelle d'entretien ; il n'existe aucun dommage actuel ou futur, ni aucun lien de causalité ;
- seuls quelques voiliers peuvent être gênés à la navigation ;
- l'injonction de rétablissement est erronée dans la mesure où, dès la réception, le bassin disposait de points hauts ;
- le juge du fond ne saurait revenir sur le raisonnement du juge des référés qui avait estimé, dans son ordonnance du 13 novembre 2018, que la commune n'établissait pas l'existence d'un risque de dommages pour les navires ;
- l'injonction d'implanter une signalisation adaptée sur chaque point du bassin n'est pas justifiée compte tenu de l'absence d'urgence avérée et même de danger imminent pour la circulation des navires ;
- l'article 2 du jugement doit être annulé, l'injonction de réaliser le dragage du bassin dans un délai de 4 mois, assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, ne pouvant être réalisée sans l'aval préalable de l'Etat ; compte tenu de l'impact sur l'environnement et des questions de stockage et de revalorisation des sédiments, une telle opération ne peut être effectuée que sous réserve de l'obtention d'une autorisation environnementale ; une telle opération ne peut être réalisée en quatre mois ; il résulte du devis de la société BUSEA TMP qu'une telle opération nécessite un délai de sept mois.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2021, la commune d'Aigues-Mortes, représentée par Me Gras et Me Arroudj de la SCP CGCB et Associés, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Port Croisade la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour la société Port Croisade, enregistré le 19 novembre 2021, n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 9 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 novembre 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... Guillaumont, rapporteur,
- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,
- les observations de Me Rigeade pour la SARL Port Croisade.
Une note en délibéré présentée pour la SARL Port Croisade a été enregistrée le 13 décembre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 16 septembre 1999, le conseil municipal d'Aigues-Mortes a adopté le principe de la création de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de la Malamousque, visant à aménager une zone d'habitation autour d'un bassin d'agrément raccordé à un bras secondaire du canal du Rhône à Sète. Le dossier de création de la ZAC ainsi que le choix de la SARL Port Croisade comme aménageur de cette zone ont été approuvés par une délibération du 26 juillet 2001. Le dossier de réalisation de la ZAC, comprenant le projet de programme des équipements publics à y réaliser, a ensuite été approuvé par une délibération du 29 avril 2003. Ce programme prévoyait le creusement et la réalisation du bassin d'agrément précité. Le 18 février 2005, un bail emphytéotique portant sur l'ensemble foncier devant accueillir le bassin a été conclu entre la commune d'Aigues-Mortes et la société Port Croisade, pour une durée de quarante-huit ans. Une fois cette opération d'aménagement menée à terme et les différents lots créés cédés à leurs acquéreurs, un différend portant sur la profondeur d'eau du bassin est né entre la commune d'Aigues-Mortes, auprès de laquelle s'étaient plaint les usagers constitués en association, et la société Port Croisade. La commune d'Aigues-Mortes a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'enjoindre à la SARL Port Croisade, de signaler chaque point du bassin où la profondeur est inférieure à - 2,40 mètres, d'en réaliser un dragage afin de rétablir sa profondeur initiale de - 2,40 mètres en tout point, et de renouveler les opérations de dragage à fréquence quadriennale. Par un jugement n° 1901325 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Nîmes a enjoint à la société Port Croisade, d'une part, d'implanter une signalisation adaptée sur chaque point du bassin de la ZAC de la Malamousque dont la profondeur est inférieure à - 2,40 mètres NGF dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et d'autre part, de réaliser un dragage du bassin afin d'y rétablir en tout point une profondeur égale à - 2,40 mètres NGF dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par les requêtes enregistrées sous les n° 21MA02260 et 21MA02676, la SARL Port Croisade demande respectivement l'annulation et la suspension dudit jugement.
Sur la requête n° 21MA02260 :
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. S'il n'appartient pas au juge administratif d'intervenir dans la gestion d'un service public en adressant des injonctions au cocontractant de l'administration, lorsque celle-ci dispose à l'égard de ce dernier des pouvoirs nécessaires pour assurer l'exécution du contrat, il en va autrement quand l'administration ne peut user de moyens de contrainte à l'encontre de son cocontractant qu'en vertu d'une décision juridictionnelle. En pareille hypothèse, le juge du contrat est en droit de prononcer, à l'encontre du cocontractant de l'administration, une condamnation, éventuellement sous astreinte, à une obligation de faire.
3. En premier lieu, aux termes de l'article 13 du contrat de bail emphytéotique conclu entre la commune d'Aigues-Mortes et la SARL Port Croisade, intitulé " Conservation - Entretien " : " 13.1. Le preneur devra pendant tout le cours du bail respecter la bonne conservation et l'entretien du bien qui lui est loué pour autant que cela est rendu nécessaire par son occupation et son utilisation au titre des présentes. / 13.2 Pendant tout le cours du bail, les réparations de toute nature à effectuer sur les biens loués et les aménagements, équipements et constructions effectués ou édifiées par le preneur et induits par son occupation seront, vis-à-vis de la commune d'Aigues-Mortes, exclusivement à la charge de ce premier. / 13.3 Aux fins de vérification de la parfaite exécution de cette obligation, la commune d'Aigues-Mortes pourra visiter ou faire visiter les biens loués et ceux édifiés par le preneur par tout mandataire de son choix (...). A cette occasion, la commune d'Aigues-Mortes pourra faire vérifier le maintien de la conformité des aménagements, équipements et constructions par rapport aux spécifications contractuelles. / La commune d'Aigues-Mortes pourra intervenir à tout moment pour continuer à assurer la gestion et la conservation du bien qui s'avèrerait nécessaire indépendamment de l'occupation du bien par le preneur. / 13.4 Au cours du présent bail, le preneur devra veiller à la conformité des équipements et aménagements contractuels ou ajoutés par ses soins, aux normes, réglementations, techniques et administratives qui viendraient à être applicables au cours du présent bail, de telle sorte qu'à son issue, l'ensemble des aménagements, équipements et constructions soient conformes ".
4. Il résulte de ces stipulations que la commune d'Aigues-Mortes peut faire vérifier le maintien de la conformité des aménagements, équipements et constructions par rapport aux spécifications contractuelles et que la société Port Croisade est tenue de respecter les spécifications contractuelles et d'entretenir le bassin de manière à permettre l'occupation et l'utilisation des ouvrages portuaires qu'elle y a réalisés. A ce titre, la SARL Port Croisade est nécessairement tenue, afin de garantir l'accès à ces ouvrages, de maintenir un niveau de profondeur d'eau du bassin de nature à y permettre la circulation des navires en toute sécurité.
5. D'une part, il est précisé à l'annexe 5 au contrat de bail en cause intitulée : " Affectation du bien / Descriptif du projet portuaire / Descriptif technique portuaire indicatif ", en son point " 2. Caractéristiques du bassin - Estimations ", que la profondeur du bassin est de - 2,40 mètres NGF. La mention d'une profondeur de - 2,40 mètres est par ailleurs reportée sur différents plans en coupe représentant les quais et rappelée dans le point 2 de l'annexe intitulé " Système hydraulique, circulation de l'eau, aération de l'eau ". Eu égard au contenu de ces annexes, qui révèle la commune intention des parties, les stipulations de l'article 13 du contrat de bail doivent être interprétées comme impliquant nécessairement, au titre de l'obligation d'entretien de cet ouvrage public, le maintien d'une profondeur d'eau égale à - 2,40 mètres NGF en tout point du bassin.
6. D'autre part, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise réalisée par M. C..., expert, établi au contradictoire de la SARL Port Croisade, sur la base de relevés bathymétriques réalisés par la société Andromède Océanologie, prestataire de l'établissement public Voies Navigables de France (VNF), qu'il existe dans le bassin d'importantes zones où la profondeur de - 2,40 mètres NGF n'est plus présente et atteint des valeurs moindres, au point que la navigation et l'amarrage des bateaux de grande taille et des voiliers, admis à la navigation dans le canal du Rhône à Sète, est risquée dans la marina. Ce risque, sérieux par basses eaux, réside dans la possibilité que certains bateaux touchent le fond en plusieurs zones dans le cas d'un amarrage arrière à quai. Par ailleurs, il résulte de l'expertise précitée que la cause principale de la remontée du niveau du bassin réside dans son envasement naturel, après onze ans d'exploitation sans curage, lui-même dû au transfert de sédiments, et que la mesure générale à mettre en œuvre pour y remédier est le dragage du bassin outre, en urgence, un marquage pour en signaler les points hauts. L'expert préconise de procéder à des travaux de dragage portant les fonds à une profondeur supérieure à - 2,40 mètres NGF dans la limite de - 3 mètres NGF générant une marge de réserve permettant de faire face à l'accumulation de sédiments. Il résulte de ce qui précède que la profondeur de - 2,40 mètres NGF, qui doit être regardée, ainsi qu'indiqué au point 5, comme contractuelle, est également la profondeur minimale requise au plan technique pour garantir aux bateaux une navigation dans le bassin en toute sécurité.
7. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que des points hauts, inférieurs à 2,40 mètres NGF, existaient déjà à la réception de l'ouvrage le 3 avril 2006 et que la commune n'ait engagé aucune action tendant à considérer que le bassin était impropre à sa destination du fait de sa profondeur dans le délai de dix ans suivant la réception ne peut qu'être écarté dès lors que les demandes de la commune ne sont fondées ni sur la responsabilité décennale de la société requérante ni sur ses obligations au titre de la convention d'aménagement (ZAC) de la Malamousque approuvée par délibération du conseil municipal du 29 avril 2003 mais sur ses obligations contractuelles issues du bail emphytéotique du 18 février 2005. Au demeurant, si le recollement bathymétrique du 12 septembre 2006, réalisé postérieurement aux opérations de réception et dont se prévaut la société requérante, a recensé des points hauts, les profondeurs relevées n'étaient alors que ponctuellement et faiblement inférieures à la profondeur contractuelle de -2,40 mètres NGF. Par suite, cette circonstance ne saurait dispenser la société requérante de l'obligation d'entretien rappelée aux points précédents.
8. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que les premiers juges ont à bon droit enjoint à la société Port Croisade d'implanter une signalisation adaptée sur chaque point haut du bassin de la ZAC de la Malamousque dont la profondeur est inférieure à - 2,40 mètres d'eau, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. D'autre part, les premiers juges ont également à bon droit jugé qu'il y avait lieu d'enjoindre à cette même société de réaliser un dragage du bassin, afin d'en rétablir une profondeur égale à - 2,40 mètres NGF en tout point. En revanche, compte tenu des travaux à entreprendre et du volume de sédiments à retirer, le délai de quatre mois fixé par les premiers juges pour la réalisation de ces travaux de dragage du bassin est, dans les circonstances de l'espèce, insuffisant. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à la société Port Croisade de réaliser ces travaux dans un délai de sept mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Sur la requête n° 21MA02676 :
9. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement contesté sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Aigues-Mortes, qui n'est pas partie perdante, soit condamnée à payer une somme quelconque au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la société Port Croisade la somme de 1 500 euros demandée par la commune d'Aigues-Mortes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21MA02676.
Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 15 avril 2021 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la société Port Croisade de réaliser un dragage du bassin de la ZAC de la Malamousque afin d'y rétablir en tout point une profondeur égale à - 2,40 mètres NGF dans un délai de sept mois à compter de la notification de la présente décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Article 4 : La société Port Croisade est condamnée à payer à la commune d'Aigues-Mortes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aigues-Mortes et à la société Port Croisade.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. GillesTaormina, président assesseur,
- M. B... Guillaumont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2021.
Nos 21MA02260, 21MA02676 9