Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Les Ecuries de Loubresse et l'EURL JJ-Eco ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à leur verser la somme de 680 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité fautive de la décision du 19 août 2010 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à la société Les Ecuries de Loubresse l'attestation prévue à l'article 1er de l'arrêté ministériel du 16 mars 2010.
Par un jugement n° 1703211 du 9 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 avril 2020, 7 juillet 2021 et 23 septembre 2021, la SARL Les Ecuries de Loubresse et l'EURL JJ-Eco, représentées par Me Itey, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 680 000 euros en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal a refusé de les indemniser malgré l'illégalité fautive de la décision du 19 août 2010 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à la société Les Ecuries de Loubresse l'attestation prévue à l'article 1er de l'arrêté ministériel du 16 mars 2010 ; elles ont subi un manque à gagner évalué à la somme de 680 000 euros sur toute la durée du contrat conclu avec EDF en raison de la perte du bénéfice des conditions préférentielles d'achat de l'électricité produite par leurs installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 06 décembre 2000 ;
- elles remplissaient toutes les conditions réglementaires ;
- la société Les Ecuries de Loubresse a été mise dans l'incapacité de bénéficier du tarif bonifié en l'état du refus du préfet de délivrer l'attestation, puis nonobstant l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 27 mars 2014 annulant ce refus, par suite du changement de réglementation ;
- le fait que le permis de construire ait été annulé ultérieurement pour un problème de consultation de l'architecte des bâtiments de France est indifférent au présent litige puisque l'arrêté du 16 mars 2010 ne vise que la date de dépôt de la demande de permis de construire ;
- l'illégalité fautive de la décision du 19 août 2010 a un lien direct avec le préjudice subi ; l'installation fonctionne mais faute d'avoir obtenu et produit à EDF l'attestation préfectorale par suite du refus illégal du préfet, les sociétés requérantes ne reçoivent pas 0,60 centimes d'euros du kwh mais seulement 0,42 centimes d'euros du kwh depuis dix ans, et pour dix ans encore puisque le contrat conclu l'est pour une durée de vingt ans ; le manque à gagner évalué par leur expert-comptable est évalué à 635 835 euros, somme à laquelle il convient d'ajouter 44 165 euros représentant les intérêts perdus sur cette trésorerie manquante sur vingt ans.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 2 juin et 10 septembre 2021, la ministre de la transition écologique et solidaire, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le lien de causalité direct et certain entre le préjudice invoqué et l'illégalité fautive entachant l'arrêté préfectoral du 19 août 2010 n'est pas établi ; les sociétés requérantes ne démontrent pas qu'elles remplissaient l'ensemble des conditions fixées par l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2010 ;
- par un arrêt n° 12MA00783 en date du 20 mars 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé l'annulation, prononcée par le tribunal administratif de Marseille, d'un arrêté du 30 mars 2010 par lequel le maire de la commune d'Allauch avait accordé à la société Les Ecuries de Loubresse un permis de construire aux fins d'édification d'un manège couvert ; l'octroi d'une indemnité en réparation d'un dommage est subordonné à l'existence d'une situation légitime ; sous réserve que les sociétés apportent la démonstration de la légalité de la construction du bâtiment à usage de manège équestre, ces dernières ne sauraient être regardées comme fondées à solliciter la réparation d'un manque à gagner correspondant à l'exploitation de l'installation solaire équipant ledit manège.
Par une ordonnance du 24 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;
- le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 ;
- le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 ;
- l'arrêté du 16 mars 2010 fixant les conditions d'achat de l'énergie produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;
- l'arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... Guillaumont, rapporteur,
- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,
- les parties n'étant ni présentes, ni représentées.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Les Ecuries de Loubresse et l'EURL JJ-Eco, qui exploitent un centre équestre sur le territoire de la commune d'Allauch, relèvent appel du jugement du 9 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 680 000 euros, en réparation du préjudice qu'elles estiment avoir subi pour avoir été illégalement privées de la possibilité de souscrire avec Electricité de France (EDF) un contrat d'achat de l'énergie photovoltaïque qu'elles produisent à un tarif plus avantageux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, alors en vigueur : " Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Electricité de France et, dans le cadre de leur objet légal et dès lors que les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par : / (...) / 2° Les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables (...). Un décret en Conseil d'Etat fixe les limites de puissance installée des installations de production qui peuvent bénéficier de l'obligation d'achat ". Aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 10 mai 2001, alors en vigueur : " Les relations entre le producteur et l'acheteur font l'objet d'un contrat d'achat de l'électricité établi conformément au présent décret et à l'arrêté correspondant à la filière concernée, pris en application de l'article 8 du présent décret. La prise d'effet du contrat d'achat est subordonnée au raccordement de l'installation au réseau ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Parmi les installations non mises en service avant le 15 janvier 2010, seules peuvent bénéficier des conditions (telles qu'elles résultaient des dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006) les installations suivantes : (...) / Installations de puissance crête supérieure à 36 kW et inférieure ou égale à 250 kW, pour lesquelles une demande de contrat d'achat, conforme aux dispositions de l'arrêté du 10 juillet 2006 précité et du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 modifié, a été déposée avant le 11 janvier 2010, et qui remplissent toutes les conditions suivantes : / a) L'installation est intégrée, au sens de l'arrêté du 10 juillet 2006 précité, à un bâtiment agricole / b) L'installation a fait l'objet d'une déclaration préalable ou d'une demande de permis de construire avant le 11 janvier 2010, et le producteur dispose du récépissé mentionné à l'article R. 423-3 du code de l'urbanisme ; / c) Le producteur dispose d'une attestation du préfet de département, sollicité par le producteur au plus tard un mois après la date de publication du présent arrêté certifiant que, au 11 janvier 2010 : / i) Le producteur est l'exploitant agricole de la parcelle sur laquelle est situé le bâtiment, ou une société détenue majoritairement par la ou les personnes exploitant ladite parcelle à titre individuel ou par l'intermédiaire d'une société d'exploitation agricole ; / ii) L'exploitant agricole est propriétaire ou usufruitier du bâtiment, ou en dispose dans le cadre d'un bail rural ou d'une convention de mise à disposition visée aux articles L. 323-14, L. 411-2 ou L. 411-37 du code rural ; / iii) Le bâtiment est nécessaire au maintien ou au développement de l'exploitation agricole (...) ".
3. Il est constant que, par un arrêt n° 12MA02068 du 27 mars 2014, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 août 2010 refusant de délivrer à la SARL Les Ecuries de Loubresse l'attestation prévue par les dispositions précitées du c) de l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2010 et a enjoint au préfet de réexaminer sa demande. L'illégalité entachant la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 août 2010 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Toutefois, en ne produisant aucune pièce afférente à la souscription de son contrat d'achat, la société Les Ecuries de Loubresse ne justifie pas plus en appel qu'en première instance des motifs pour lesquels EDF a refusé de lui faire application des dispositions transitoires prévues par l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2010, et, en particulier, si l'application des nouvelles conditions tarifaires a été exclusivement motivée par la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 août 2010 lui refusant la délivrance de l'attestation. Il s'ensuit que le manque à gagner dont les sociétés requérantes sollicitent l'indemnisation ne peut être regardé comme ayant un lien de causalité direct et certain avec l'illégalité fautive entachant la décision du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 19 août 2010.
4. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Les Ecuries de Loubresse et JJ-Eco ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Sur les frais du litige :
5. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
6. Ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par les sociétés requérantes soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante à l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Les Ecuries de Loubresse et de l'EURL JJ-Eco est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les Ecuries de Loubresse, à l'EURL JJ-Eco et à la ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2021, où siégeaient :
- Mme Laurence Helmlinger présidente de la cour,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. B... Guillaumont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2021.
N° 20MA01663 3