La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/12/2021 | FRANCE | N°19MA02124

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 09 décembre 2021, 19MA02124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la l'arrêté du 13 décembre 2016 par lequel le maire de Cavaillon a délivré à M. et Mme A... un permis de construire, la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé à l'encontre de cet arrêté et l'arrêté du 3 avril 2017 par lequel leur a été délivré un permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 1701704 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant

la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2019, Mme D..., représentée par la SELARL cabine...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la l'arrêté du 13 décembre 2016 par lequel le maire de Cavaillon a délivré à M. et Mme A... un permis de construire, la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé à l'encontre de cet arrêté et l'arrêté du 3 avril 2017 par lequel leur a été délivré un permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 1701704 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2019, Mme D..., représentée par la SELARL cabinet Debeaurain et associés, agissant par Me Bérenger, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cavaillon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le permis de construire ne répond pas aux obligations résultant de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme en raison des conditions d'évacuation des eaux pluviales prévues ;

- pour ce même motif, le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- l'implantation de la construction n'est pas conforme aux prescriptions des articles UC 6-3 et UC 6-4 du plan d'occupation des sols applicables au permis initial.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 août 2019, M. et Mme A..., représentés par Me Tribhou, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 26 août 2019 et le 28 octobre 2021, la commune de Cavaillon, représentée par Me Gouard-Robert, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 600 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2021 à 12 h 00.

Un mémoire présenté par la commune de Cavaillon, enregistré le 28 octobre 2021 après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tosi de la SELARL cabinet Debeaurain et associés, représentant Mme D..., et de Me Gouard-Robert, représentant la commune de Cavaillon.

Une note en délibéré présentée par la commune de Cavaillon a été enregistrée le 26 novembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 décembre 2016, le maire de Cavaillon a délivré à M. et Mme A... un permis de construire une maison individuelle de plain-pied d'une surface de plancher de 126,09 mètres carrés, sur un terrain cadastré n° BT 1304 situé au n° 189 de l'avenue de Lagnes, puis, par un arrêté du 3 avril 2017, un permis de construire modificatif notamment pour rectification de la limite sud-ouest de la parcelle. Mme D..., propriétaire riveraine, relève appel du jugement du 12 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés et de la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé à l'encontre de celui du 13 décembre 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable aux décisions attaquées :

2. En premier lieu, lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Il peut, de même, être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 174-1 du code de l'urbanisme : " Les plans d'occupation des sols qui n'ont pas été mis en forme de plan local d'urbanisme, en application du titre V du présent livre, au plus tard le 31 décembre 2015 sont caducs à compter de cette date, sous réserve des dispositions des articles L. 174-2 à L. 174-5. / La caducité du plan d'occupation des sols ne remet pas en vigueur le document d'urbanisme antérieur. / A compter du 1er janvier 2016, le règlement national d'urbanisme mentionné aux articles L. 111-1 et L. 422-6 s'applique sur le territoire communal dont le plan d'occupation des sols est caduc. ". Aux termes de l'article L. 174-3 du même code : " Lorsqu'une procédure de révision du plan d'occupation des sols a été engagée avant le 31 décembre 2015, cette procédure peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, sous réserve d'être achevée au plus tard le 26 mars 2017 (...). Les dispositions du plan d'occupation des sols restent en vigueur jusqu'à l'approbation du plan local d'urbanisme et au plus tard jusqu'à cette dernière date. ".

4. La révision du plan d'occupation des sols de la commune de Cavaillon valant élaboration d'un plan local d'urbanisme a été prescrite par une délibération du 23 septembre 2013, soit antérieurement au 31 décembre 2015 mais cette procédure n'a pas été achevée le 26 mars 2017. Par suite, en application des dispositions combinées des articles L. 174-1 et L. 174-3 du code de l'urbanisme, le plan d'occupation des sols a été maintenu en vigueur jusqu'au 26 mars 2017 alors que le règlement national d'urbanisme est redevenu applicable sur le territoire communal à compter du lendemain de cette date. Dès lors, les dispositions du plan d'occupation des sols sont opposables au permis de construire initial du 13 décembre 2016, le permis de construire modificatif du 3 avril 2017 devant quant à lui être conforme au règlement national d'urbanisme.

En ce qui concerne la légalité des décisions attaquées :

5. Aux termes de l'article UC 6 du règlement du plan d'occupation des sols relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques, en vigueur jusqu'au 26 mars 2017 : " (...) 3. Les constructions doivent être implantées à au moins : / - pour les canaux : 6 mètres de la limite du domaine public ou des berges (...) 4. En bordure du Coulon, les constructions doivent être implantées de façon à respecter une marge de recul d'au moins 100 mètres des berges ou du lit majeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur, en vertu duquel ces prescriptions ont été insérées au règlement : " Le règlement fixe les règles applicables aux terrains compris dans les diverses zones du territoire couvert par le plan. / 1° A cette fin, il doit : (...) b) Edicter, en fonction des situations locales, les prescriptions relatives à l'implantation des constructions par rapport aux voies, aux limites séparatives et autres constructions. (...) ".

6. Il ressort des pièces annexées à l'arrêté du 13 décembre 2016 délivrant le permis de construire initial que la parcelle d'assiette du projet contesté longe la canalisation enterrée du réseau d'irrigation sous pression de l'association syndicale de propriétaires Saint-Julien. Cet ouvrage ne peut être regardé comme un canal au sens et pour l'application du 3 de l'article UC 6 du règlement du POS. Par ailleurs, il résulte de l'avis émis le 1er décembre 2016 par la direction départementale des territoires de Vaucluse que la parcelle d'assiette du projet se situe dans le lit majeur du Coulon, à une distance supérieure à 400 mètres de ce cours d'eau. Les dispositions du 4 de l'article UC 6, qui sont relatives à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques, n'ont cependant ni pour objet, ni pour effet de déterminer les occupations et utilisations du sol interdites ou autorisées, sous conditions ou non, dans la zone. Eu égard à l'objet de l'article UC 6 et au fait que la marge de recul prescrite ne s'applique qu'en bordure du Coulon, ainsi qu'à l'absence, en particulier, de repérage d'un axe d'écoulement en rapport avec le lit majeur de ce cours d'eau par un document annexé au plan d'occupation des sols pour l'application de ce même article, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire initial a été accordé en méconnaissance des dispositions précitées du règlement du plan d'occupation des sols.

7. Aux termes de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme : " L'alimentation en eau potable et l'assainissement des eaux domestiques usées, la collecte et l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ainsi que l'évacuation, l'épuration et le rejet des eaux résiduaires industrielles doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur ". L'article 640 du code civil dispose : " Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué. / Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement. / Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. ".

8. Il ressort des avis annexés à l'arrêté du 13 décembre 2016 que le raccordement de la construction envisagée aux réseaux publics d'eau potable et d'assainissement est possible au moyen d'une servitude de passage. Le permis de construire modificatif accordé par arrêté du 3 avril 2017 complète la notice explicative sur ce point. La notice modifiée indique en outre que les eaux pluviales s'écouleront dans un puisard, le plan de masse ayant également été modifié pour représenter cet équipement. Ce mode d'évacuation des eaux pluviales est conforme aux préconisations du service infrastructures et équipement de la commune consulté. Si Mme D... soutient que la collecte, l'écoulement et l'évacuation des eaux pluviales et de ruissellement ainsi organisées est susceptible d'aggraver la servitude d'écoulement des eaux pouvant grever les fonds riverains en vertu de l'article 640 du code civil, d'une part, les autorisations d'urbanisme sont délivrées sous réserve des droits des tiers, d'autre part, elle n'établit pas par là même que le mode d'évacuation retenu ne serait pas conforme à un règlement en vigueur. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le maire de Cavaillon aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas aux pétitionnaires les dispositions de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.

9. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

10. Ainsi qu'il a été rappelé au point 6, la direction départementale des territoires de Vaucluse a indiqué dans son avis émis le 1er décembre 2016 que le terrain d'assiette du projet se situe dans le lit majeur du Coulon, en zone inondable et que le projet de carte d'aléa alors en cours de validation propose de le classer en aléa faible pour une crue centennale, en fixant la cote de référence à + 0,70 mètre au-dessus du terrain naturel. Tout en mentionnant que ce projet interdirait dans cette zone les clôtures avec murs bahuts, il a relevé que le pétitionnaire avait prévu un rehaussement de la construction envisagée de + 0,70 mètre et a émis en conséquence un avis favorable au titre du risque inondation. Aucun des plans annexés aux permis de construire ne prévoit l'édification d'un mur de clôture bahut. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, eu égard notamment au rehaussement prévu et au classement prévu de la zone en aléa faible, l'obstacle à l'écoulement des eaux qui résulterait en cas de crue, de l'implantation de la construction projetée en limite séparative sud-est accolée à la maison de la requérante pourrait porter gravement atteinte à la sécurité publique. Dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le maire de Cavaillon aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne refusant pas d'accorder le permis de construire contesté ou en assortissant celui-ci de prescriptions sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cavaillon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme D... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Cavaillon et non compris dans les dépens et une somme de même montant au titre de ces mêmes frais exposés par M. et Mme A....

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera à la commune de Cavaillon une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à M. et Mme A... une somme de même montant à ce même titre.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à M. et Mme C... A... et à la commune de Cavaillon.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.

N° 19MA02124 2

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02124
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Octroi du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : CABINET JEAN DEBEAURAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-09;19ma02124 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award