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03/12/2021 | FRANCE | N°19MA05714

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 03 décembre 2021, 19MA05714


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Société de Traitement de Matériaux Inertes (STMI) a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 10 mai 2017 lui refusant l'autorisation d'exploiter une plate-forme de valorisation des métaux sur le territoire de la commune de Cogolin ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux exercé le 7 juillet 2017.

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Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2019, la SAS Société de Traitement de Matér...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Société de Traitement de Matériaux Inertes (STMI) a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 10 mai 2017 lui refusant l'autorisation d'exploiter une plate-forme de valorisation des métaux sur le territoire de la commune de Cogolin ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux exercé le 7 juillet 2017.

Par un jugement n° 1702804 du 28 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2019, la SAS Société de Traitement de Matériaux Inertes (STMI), représentée par Me Nouis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 28 octobre 2019 ;

2°) d'annuler l'avis du CODERST du 14 septembre 2016 ;

3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 10 mai 2017 portant refus d'autorisation d'exploiter, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux exercé le 7 juillet 2017 ;

4°) d'enjoindre au préfet du Var de délivrer l'autorisation d'exploiter une plate-forme de valorisation de matériaux sur le territoire de la commune de Cogolin à la société STMI dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté lors de la séance du Coderst ;

- des éléments lui ont été opposés à cette séance sans lui avoir été auparavant communiqués ;

- le PPRI applicable n'a pas été visé dans la décision contestée ;

- l'unité foncière faisant l'objet de la demande d'autorisation d'exploiter a été classée à tort en zone rouge du PPRI alors qu'elle n'était pas inondable ;

- en tout état de cause, l'unité foncière de la société est sans incidence sur le champ d'expansion des crues ;

- le terrain n'a pas fait l'objet d'un exhaussement contrairement à ce qu'indiquent les motifs de la décision ;

- un permis de construire lui a été délivré en 2009 sans que lui soit opposé une problématique d'inondabilité des terrains au regard du PPRI ;

- des études produites en défense en 1ère instance sont postérieures à l'arrêté préfectoral de refus d'autorisation d'exploiter et ne sauraient constituer un fondement juridique valide à l'arrêté du 10 mai 2017 ;

- les documents de l'administration ne contredisent pas les études effectuées dans le cadre du dossier de demande et ne sauraient fonder un fondement légal de refus d'autorisation ;

- l'avis du CODERST du 14 septembre 2016 est entaché d'une erreur de droit puisqu'il est fait référence au PAPI, document dont l'existence n'est pas avérée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Société de Traitement de Matériaux Inertes (STMI) ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Prieto,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me Delbourg, représentant la SAS Société de Traitement de Matériaux Inertes.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Société de Traitement de Matériaux Inertes (STMI), qui exploite depuis 2002 sur le territoire de la commune de Cogolin une installation classée de déchets sous le régime de la déclaration, a déposé le 21 février 2013 un dossier d'autorisation, complété le 21 novembre 2013, pour la poursuite de son exploitation et la réception, le tri, le traitement d'autres matériaux sur un site constitué d'une plate-forme de valorisation de matériaux située au chemin du Contant, dans le quartier de Valensole de la commune de Cogolin.

2. Par un arrêté du 10 mai 2017, pris après avis du 14 septembre 2016 du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) du Var, le préfet a refusé l'autorisation d'exploiter sollicitée au motif que l'implantation de la plate-forme était incompatible avec le plan de prévention des risques naturels d'inondation (PPRI) de Cogolin approuvé le 30 décembre 2005.

3. La société STMI a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'avis du

14 septembre 2016 du CODERST, l'arrêté préfectoral du 10 mai 2017 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'elle a exercé le 7 juillet 2017 à l'encontre de cet arrêté. La société STMI relève appel du jugement du 28 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet avis, de cet arrêté et de cette décision.

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre l'avis du CODERST du 14 septembre 2016 :

4. Le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre l'avis du CODERST, au motif qu'il ne s'agit que d'un avis simple dépourvu d'effet juridique. Cette irrecevabilité n'étant pas contestée en appel, ces conclusions doivent être rejetées dès lors qu'il n'appartient pas au juge d'appel de s'interroger d'office sur le bien-fondé d'une irrecevabilité opposée par les premiers juges.

Sur la légalité de l'arrêté du 10 mai 2017 du préfet du Var :

5. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. / L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. / (...) " En vertu des dispositions de l'article L. 512-2 du même code, alors en vigueur, l'autorisation est accordée par le préfet après enquête publique et après avis des conseils municipaux intéressés ainsi que d'une commission départementale et le cas échéant des conseils généraux et régionaux.

6. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable lors de l'approbation du plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de Cogolin : " I. L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations (...). / II. Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin: / 1° De délimiter les zones exposées aux risques en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° (...) ".

7. L'arrêté attaqué du 10 mai 2017 est fondé sur le motif unique de l'incompatibilité de l'implantation du projet de la société STMI avec le PPRI adopté le 30 décembre 2005 applicable sur le territoire de la commune de Cogolin. Le PPRI de la commune de Cogolin délimite deux zones rouges à fort risque d'inondation dites R1 et R2, liées à la présence des cours d'eau la Giscle, la Môle et la Grenouille. Le règlement du PPRI définit les zones rouges comme des " zones très exposées et dans laquelle il ne peut y avoir de mesure de protection efficace ". Le V du règlement du plan, relatif aux règles communes à la zone inondable (zones bleues et rouges confondues) interdit " les remblaiements, affouillements (sauf piscine) et endiguements, à l'exception des cas où ils sont destinés à protéger des lieux densément urbanisés existants ". Ce PPRI a classé en zone rouge dite R2 l'unité foncière sur laquelle la société requérante a sollicité l'autorisation de mettre en place la plate-forme de valorisation de matériaux projetée.

8. Il appartient au juge du plein contentieux des ICPE, devenu juge de l'autorisation environnementale, d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de droit et de fait en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de droit et de fait applicables à la date de l'autorisation.

9. Par ailleurs, un plan de prévention des risques naturels prévisibles, tel qu'un PPRI, est opposable aux autorisations d'exploiter une ICPE. Or, en vertu de l'article L. 562-4 du code de l'environnement, un plan de prévention des risques naturels approuvé vaut servitude d'utilité publique et est annexé au plan local d'urbanisme. Le PPRI en vigueur à la date de l'autorisation environnementale doit, par suite, être pris en compte pour statuer sur la légalité de cette dernière.

10. En premier lieu, la société appelante soutient que l'avis défavorable au projet du CODERST est irrégulier pour avoir été émis en méconnaissance du principe du contradictoire. Il résulte toutefois du compte rendu de la séance du 14 septembre 2016 que le représentant de la société STMI a été entendu par les membres du CODERST conformément aux dispositions de l'article R. 512-25 du code de l'environnement alors en vigueur. La société appelante n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles l'intéressé aurait été subitement interrompu avant d'avoir pu achever la présentation intégrale de ses observations.

11. En outre, à supposer même établi que les informations relatives au programme d'actions et de prévention des inondations (PAPI) en cours d'élaboration, évoqué à titre d'information devant le CODERST, n'auraient pas préalablement été transmises à la société, l'arrêté préfectoral contesté n'est pas fondé sur le PAPI mais uniquement sur le PPRI, seul opposable à une autorisation environnementale.

12. En deuxième lieu, la société STMI conteste ensuite l'incompatibilité de son projet avec le PPRI. Il résulte de l'instruction que l'unité foncière d'implantation du projet est classée en zone rouge R2. Le règlement du PPRI définit les zones rouges comme des " zones très exposées et dans laquelle il ne peut y avoir de mesure de protection efficace ". Le V du règlement du plan, relatif aux règles communes à la zone inondable, zones bleue et rouge confondues, interdit " les remblaiements, affouillements (sauf piscine) et endiguements, à l'exception des cas où ils sont destinés à protéger des lieux densément urbanisés existants ". En outre, en vertu du VI de ce règlement sont seuls autorisés en zone R2, à condition qu'ils ne fassent pas obstacle à l'écoulement de l'eau et n'aggravent pas les risques et leurs effets, un certain nombre d'activités agricoles, les infrastructures publiques et les ouvrages techniques nécessaires, les installations de gestion des cours d'eau ou destinées à améliorer l'écoulement où le stockage des eaux, les aménagements de terrain de plein air, de sport et de loisir à l'exclusion de toute construction, certaines clôtures, les piscines enterrées, et les " carrières, ballastières et gravières sans installations fixes ni stockage ou traitement de matériaux ".

13. Or, d'une part, il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté en appel, que le projet de la société STMI prévoit notamment la prolongation du merlon existant permettant de fermer en partie le site. Un tel ouvrage constitutif d'un endiguement est explicitement prohibé par le V du règlement. D'autre part, l'implantation d'une plate-forme de valorisation de matériaux ne figure pas au nombre des activités autorisées en zone R2, et en particulier, la seule activité industrielle mentionnée exclut expressément le stockage et le traitement des matériaux. Dès lors le projet ne pouvait être régulièrement autorisé. Les circonstances, d'ailleurs non établies, que l'exploitation projetée n'aurait pas d'effet sur l'écoulement des eaux ni sur la zone d'expansion des crues et que la société n'aurait pas procédé au remblaiement des parcelles sont à cet égard sans incidence.

14. En troisième lieu, la société STMI soutient que l'unité foncière d'implantation du projet ne pouvait légalement être classée en zone rouge R2 et aurait dû être classée en zone bleue correspondant à un risque faible d'inondation et excipe donc de l'illégalité du PPRI.

15. Il résulte de l'instruction que la crue de référence ayant servi de fondement à l'élaboration de la carte de zonage est la crue centennale des cours d'eau la Môle et la Giscle. La zone rouge R2 correspond selon le règlement du PPRI aux zones où la hauteur d'eau est comprise entre 1 m et 2 m avec des vitesses inférieures à 0,5 m/s, aux zones où la hauteur d'eau est comprise entre 0,5 m et 1 m, avec des vitesses comprises entre 0,5 m/s et 1 m/s, et aux zones d'expansion des crues où les vitesses sont négligeables.

16. En outre, il résulte de l'étude hydraulique du 24 mai 2016 jointe par le pétitionnaire à l'appui de sa demande d'autorisation, que le site de la société STMI se situe juste à l'aval de la confluence entre la Giscle et la Môle, dans le lit majeur du cours d'eau, et qu'en cas de crue centennale il subit une légère inondation à l'entrée du terrain, due à la remontée des eaux de la plaine du Valensole, dans la mesure où la zone est protégée par " la digue ceinturant le terrain ainsi que les stocks de matériaux ". Il résulte de ces éléments que, comme le fait valoir l'administration, le site fait partie d'une zone d'expansion des crues et que la digue et le stock de matériaux font obstacle au libre écoulement de l'eau. Les autres études invoquées au cours de l'instance ne sont pas de nature à remettre en cause ce constat dès lors qu'une marge d'incertitude s'attache nécessairement aux prévisions quant aux inondations qui résulteraient d'un événement de même ampleur, eu égard en particulier aux changements de circonstances intervenus depuis la crue de référence et que la préservation de la capacité des champs d'expansion des crues, qui permet de limiter leur impact en aval, présente un caractère d'intérêt général et justifie que puissent être déclarées inconstructibles ou enserrées dans des règles de constructibilité limitée, des zones ne présentant pas un niveau d'aléa fort. Dans ces conditions, le classement en zone R2 des terrains de la société STMI n'est entaché ni d'erreur de fait, ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation.

17. Enfin, la société appelante invoque une atteinte au principe d'égalité mais n'établit pas que des quartiers exposés aux inondations de la commune de Cogolin auraient été ouverts à l'urbanisation en méconnaissance du règlement du PPRI.

18. Par suite, le PPRI de la commune de Cogolin n'est pas entaché d'illégalité et il n'y a pas lieu d'écarter son application.

19. La circonstance que la société aurait obtenu la délivrance d'un permis de construire en 2009 et les conséquences économiques, sociales et environnementales de l'arrêté préfectoral n'ont en tout état de cause aucune influence sur la légalité de celui-ci.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS STMI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter par voie de conséquence ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS STMI est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Société de Traitement de Matériaux Inertes (STMI) et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2021.

N° 19MA05714 2 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05714
Date de la décision : 03/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement.

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement - Prévention des crues - des risques majeurs et des risques sismiques.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CABINET PIETRA et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-03;19ma05714 ?
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