Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1406223 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de la société d'économie mixte d'équipement du Pays d'Aix (SEMEPA), condamné la société Sefi Intrafor et la société Travaux publics démolitions maçonneries (TPDM) à lui verser solidairement la somme de 28 500,00 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des dommages résultant pour elle, de l'effondrement survenu dans la cour du collège Mignet à Aix-en-Provence.
Par une requête et des mémoires en tierce opposition, enregistrés sous le n° 1708748, le département des Bouches-du-Rhône, a demandé au tribunal administratif de Marseille :
- de déclarer non avenu le jugement n° 1406223 du 21 juin 2017, en tant qu'il décide qu'il n'y a pas lieu de mettre les dépens taxés et liquidés à la somme de 61 665,81 euros à la charge de l'une ou l'autre des parties à l'instance, à laquelle n'a pas pris part le département ;
- de mettre les dépens à la charge solidaire des sociétés Sefi Intrafor et TPDM à hauteur de 58 573,02 euros, correspondant à 95 % du montant de ces frais et honoraires, et de les condamner à lui verser cette somme ;
- de mettre les dépens à hauteur de 3 082,79 euros, correspondant à 5 % du montant de ces frais et honoraires, à la charge de la SEMEPA et de la condamner à lui verser cette somme.
Par jugement n° 1708748 du 25 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 avril 2020, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par Me Urien, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1708748 rendu le 25 février 2020 par le tribunal administratif de Marseille ;
2°) de déclarer non avenu le jugement n° 1406223 rendu le 21 juin 2017 par le tribunal administratif de Marseille, en tant qu'il rejette les conclusions des sociétés Bureau Veritas et Soperco France tendant à la condamnation de la SEMEPA ou de toute autre société mise en cause, aux dépens, notamment les frais d'expertise ;
3°) de mettre les dépens à la charge solidaire des sociétés Sefi Intrafor et TPDM à hauteur de 58 573,02 euros, correspondant à 95 % du montant des frais et honoraires d'expertise, et de les condamner solidairement à lui verser cette somme ;
4°) de mettre les dépens à la charge de la SEMEPA à hauteur de 3 082,79 euros, correspondant à 5 % du montant de ces frais et honoraires d'expertise, et de la condamner à lui verser cette somme ;
5°) à titre subsidiaire, si mieux aime, de condamner toute autre partie à la charge définitive de tout ou partie des dépens ;
6°) de mettre à la charge des parties condamnées aux dépens, une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le motif tiré de ce que le département des Bouches-du-Rhône aurait dû engager une action en responsabilité quasi-délictuelle à l'encontre des entreprises responsables du dommage de travaux publics qui lui a été personnellement causé, est entaché d'erreur de droit et méconnaît l'autorité de chose jugée attachée aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif du jugement n° 1505430 rendu le 19 avril 2016 par le tribunal administratif de Marseille ;
- le motif tiré de ce que le département des Bouches-du-Rhône ne pouvait être appelé dans l'instance n° 1406223, dès lors qu'il n'aurait pas pu se prévaloir d'un droit auquel le jugement du 21 juin 2017 était susceptible de préjudicier, est entaché d'erreur de droit, d'erreur de qualification juridique et méconnaît l'autorité de chose jugée ; la recevabilité de la tierce-opposition ne pouvait être appréciée au regard de la circonstance que le département des Bouches-du-Rhône était tiers aux contrats dont le tribunal a été saisi dans l'instance n° 1406223 ; il appartenait seulement au tribunal d'apprécier, ce qui a été omis, si le département des Bouches-du-Rhône avait un intérêt direct à ce que les parties perdantes soient condamnées aux frais d'expertise ; ayant avancé, à titre provisoire, les frais d'expertise et ne disposant d'aucun recours au fond, le département avait un intérêt direct à ce que les parties perdantes dans l'instance n° 1406223, soient condamnées aux frais d'expertise ; dans le jugement n° 1505430 du 19 avril 2016, le tribunal a définitivement statué en ce sens que la charge définitive des dépens serait tranchée dans le cadre de l'instance au fond enregistrée sous le n° 1406223, qui a donné lieu au jugement du 21 juin 2017 ;
- dans le cadre de l'instance n° 1406223, le Bureau Veritas et la Société Soperco France ont conclu à ce que la SEMEPA et toutes autres parties perdantes soient condamnées à la prise en charge des dépens dont les frais d'expertise ; le tribunal était par conséquent tenu de statuer sur lesdites conclusions, sur le fondement des dispositions du 2ème alinéa de l'article R. 621-13 du code de justice administrative ; il ressort du considérant 25 du jugement n° 1406223, que le tribunal a délibéré et statué sur ces conclusions tendant à ce que la SEMEPA, ou toute autre partie perdante, soit condamnée aux frais d'expertise ; l'omission dans le dispositif de toute décision relative à la charge définitive des dépens a un caractère purement matériel ; si le jugement ne comporte aucun article relatif à la charge des dépens, non plus que d'article rejetant le surplus des conclusions, le tribunal ne peut pas valablement opposer au département des Bouches-du-Rhône l'omission à statuer dont est entaché son jugement, sauf à provoquer un déni de justice ; en effet, si le tribunal avait statué sur les demandes dont il était saisi, tendant à la condamnation des parties perdantes aux frais d'expertise, comme il en avait l'obligation, il ne pourrait pas opposer au département son propre manquement aux règles de procédure et aux obligations de son office, manquement auquel le département n'a pris aucune part ;
- le département ne dispose d'aucune voie de droit ouverte pour obtenir que les responsables de cet effondrement prennent à leur charge définitive les frais d'expertise qu'il a exposés à titre provisionnel ; le département est placé en situation de déni de justice, lequel est radicalement incompatible avec l'exigence d'équité visée par l'article R. 761-1 du code de justice administrative, comme avec les principes directeurs de la justice administrative résultant de sa jurisprudence ;
- les conditions de recevabilité de la tierce-opposition sont réunies ; le jugement n° 1406223 du 21 juin 2017 préjudicie à un intérêt direct et certain du département, en tant qu'il rejette les conclusions des sociétés Bureau Veritas et Soperco France à la condamnation de la SEMEPA ou de toute autre société mise en cause, aux dépens, notamment les frais d'expertise ; il aurait dû être appelé à l'instance ; il résulte des dispositions de l'article R. 761-5 du code de justice administrative, que la personne désignée pour prendre en charge les frais d'expertise à titre provisoire doit être appelée dans l'instance principale ; le département n'a été ni partie, ni représenté dans l'instance, la SEMEPA ne pouvant être regardée comme ayant assuré sa représentation et ses intérêts ne concordant pas avec ceux de la SEMEPA ; le département a sollicité, en vain, la communication de la requête introductive d'instance, tant auprès du greffe du tribunal, que de la SEMEPA, afin de pouvoir intervenir volontairement à l'instance, faute d'y avoir été appelé ;
- sa demande est fondée ; compte tenu des responsabilités retenues par ce jugement, il y a lieu d'opérer un partage des dépens à hauteur de 95 % pour les sociétés Sefi Intrafor et TPDM et à hauteur de 5 % pour la SEMEPA.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 août 2020, la société Bureau Veritas, représentée par la SCP d'avocats Bernard-Hugues-Jeannin-Petit-Puchol, agissant par Me Puchol, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône ou de tout succombant, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la tierce opposition du département des Bouches-du-Rhône n'est pas recevable, dès lors qu'il n'avait pas à être appelé à l'instance ayant donné lieu au jugement du 21 juin 2017, qu'il ne démontre pas que ce jugement préjudicie à son droit éventuel au remboursement des frais d'expertise judiciaire, dès lors qu'aucune décision juridictionnelle n'a été prononcée sur ce point au surplus à son détriment, et qu'il n'a pas pris l'initiative d'intervenir à cette instance ;
- les conclusions de première instance du département ne sont dirigées qu'à l'encontre des sociétés Sefi Intrafor, TPDM et SEMEPA ; dès lors, les conclusions visant à solliciter " si mieux aime de condamner toute partie à la charge définitive des dépens ", et donc dirigées implicitement et subsidiairement contre la société Bureau Veritas, sont nouvelles en appel et consécutivement strictement irrecevables ;
- la tierce opposition est mal fondée à son encontre, dès lors que sa responsabilité a été écartée.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2021, la société Soperco France, représentée par Me Gargam, conclut au rejet de la requête, au rejet de toute demande formée à son encontre et à ce qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la tierce-opposition est irrecevable ;
- elle est intervenue en qualité de sous-traitant de la société Sefi Intrafor, la juridiction administrative est donc incompétente pour connaître de tout recours en garantie formé à son encontre ;
- elle a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence du 21 mars 2013 ; ni la SEMEPA, ni le département des Bouches-du-Rhône, ni aucune autre partie présente à la procédure ne justifie pas avoir procédé à une déclaration de créance et celle de la société Sefi Intrafor a été rejetée.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2021, la société d'économie mixte d'équipement du Pays d'Aix (SEMEPA), représentée par Me Courant, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du département des Bouches-du-Rhône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a rejeté à bon droit la tierce opposition du département ;
- le département des Bouches-du-Rhône n'avait pas à être appelé dans l'instance en responsabilité contractuelle qu'elle avait introduite le 28 août 2014 et dans laquelle elle demandait l'indemnisation des dommages résultant pour elle des fautes commises par ses cocontractants (entreprises, maître d'œuvre, bureau de contrôle) à l'occasion de la réalisation des travaux d'extension du parking Mignet à Aix-en-Provence ; le jugement statuant sur un litige contractuel opposant la SEMEPA aux titulaires de marchés lors d'une opération de travaux - et concernant leurs seules relations contractuelles -, n'a pas d'incidence sur les droits d'un tiers, tel le département des Bouches-du-Rhône qui dispose d'une action propre, distincte et autonome fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle ; la circonstance que le département des Bouches-du-Rhône prétende qu'il aurait eu qualité pour se porter intervenant volontaire est sans incidence sur la recevabilité de la tierce opposition et ne permet pas, en droit, de regarder le requérant comme une personne qui aurait dû être appelée à l'instance et qui ne l'aurait pas été ;
- le jugement du 21 juin 2017 n'a pas préjudicié aux droits du département ; cette décision n'a pas empiété sur le jugement qui aurait pu être porté sur l'action en responsabilité quasi-délictuelle que le département aurait pu engager et a négligé d'engager ; l'appréciation de la condition du préjudice à un droit se fait à l'aune du dispositif et non à celle de ses motifs ; par conséquent, le département n'est pas recevable à former tierce opposition contre le jugement du 21 juin 2017 qui, dans son dispositif, n'a pas statuer sur le sort des dépens et des frais d'expertise ; le département ne peut soutenir sérieusement que le dispositif du jugement aurait implicitement statué sur la charge définitive des frais et honoraires d'expertise alors que tel n'est manifestement pas le cas, ni soutenir que le jugement préjudicierait à un intérêt direct et certain en tant qu'il rejette les conclusions des sociétés Bureau Veritas et Soperco France tendant à la condamnation de la SEMEPA ou de toute autre société mise en cause au dépens, notamment aux frais et honoraires d'expertise, alors que la SEMEPA n'avait pas fait l'avance ni supporté les frais et honoraires d'expertise et que, dans l'instance principale qui l'opposait à ses cocontractants ayant abouti au jugement du 21 juin 2017, les dépens de cette instance ne pouvaient pas comprendre les frais d'expertise dont le sort n'aurait pu être réglé définitivement qu'à l'occasion d'une instance principale distincte engagée par le département contre les intervenants à l'opération de travaux, sur le fondement quasi-délictuel, en vue de la réparation des préjudices résultant pour lui de l'effondrement survenu dans la cour du collège Mignet dans la nuit du 22 au 23 octobre 2008 ; le département n'a pas engagé d'instance principale à l'issue de l'expertise pour tenter d'obtenir réparation de son préjudice, et le département n'a pas exercé contre l'ordonnance de taxation le recours prévu par l'article R. 761-5 du code de justice administrative ;
- le moyen tiré de l'existence d'un déni de justice n'est pas fondé, dès lors que le département disposait, au cas d'espèce, d'une action en responsabilité quasi-délictuelle à l'occasion de laquelle il lui appartenait de solliciter la condamnation de tout succombant aux dépens, et singulièrement au remboursement des frais d'expertise dont il a fait l'avance, action qu'il a omis d'introduire en temps utile et qui est prescrite ;
- elle ne saurait être regardée comme une partie perdante, dès lors qu'elle n'est pas susceptible de voir sa responsabilité quasi-délictuelle engagée par le département des Bouches-du-Rhône et ne saurait donc supporter tout ou partie des dépens ;
- les circonstances justifient l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 23 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... Guillaumont, rapporteur,
- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me Urien pour le département des Bouches-du-Rhône, de Me Courant pour la SEMEPA et de Me Aze pour la société Sefi Intrafor.
Une note en délibéré présentée pour le département des Bouches-du-Rhône a été enregistrée le 16 novembre 2021 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'économie mixte d'équipement du pays d'Aix (SEMEPA), maître d'ouvrage délégué de la commune d'Aix-en-Provence, a entrepris en 2007 des travaux d'extension et de réhabilitation du parking Mignet mitoyen du collège homonyme. La SEMEPA a conclu, le 7 juin 2004, un marché de maîtrise d'œuvre pour l'extension et la réhabilitation du parking Mignet avec un groupement solidaire constitué de M. C..., architecte, et du bureau d'études techniques EPHTA, le 7 juin 2004, un marché avec la société Bureau Veritas pour le contrôle technique de l'opération et a attribué le lot n° 1 " terrassements et parois spéciales " du marché de travaux au groupement solidaire constitué de la société Sefi Intrafor, de la société Travaux publics démolitions maçonneries (TPDM) et de la société Soletanche Bachy Pieux. La société Sefi Intrafor a sous-traité à la société Soperco France la réalisation de parois de soutènement porteuses.
2. Dans la nuit du 22 au 23 octobre 2008, un effondrement s'est produit dans la cour du collège Mignet au droit des fondations du bâtiment H, à proximité immédiate du chantier d'extension du parking. Saisi par le département des Bouches-du-Rhône, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a prescrit, par une ordonnance du 17 décembre 2008, une expertise tendant à déterminer l'origine et l'étendue des désordres. L'expert a rendu son rapport le 10 décembre 2013. Par jugement n° 1406223 du 21 juin 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a statué sur l'action engagée par la SEMEPA à l'encontre des entreprises intervenues dans le cadre de l'opération d'extension et de réhabilitation du parking, en raison des dommages résultant pour elle de l'effondrement survenu dans la nuit du 22 au 23 octobre 2008 dans la cour du collège situé au-dessus du parking. Par ce jugement, le tribunal a condamné solidairement la société Sefi Intrafor et la société TPDM à verser à la SEMEPA la somme de 28 500,00 euros et, compte tenu de la part de responsabilité incombant à la SEMEPA à hauteur de 5 % des responsabilités, a condamné cette dernière à verser la somme de 5 013,45 euros à la société Sefi Intrafor.
3. Par une requête et des mémoires en tierce opposition, enregistrés sous le n° 1708748, le département des Bouches-du-Rhône, a demandé au tribunal administratif de Marseille de déclarer non avenu le jugement n° 1406223 du 21 juin 2017, en tant qu'il décide qu'il n'y a pas lieu de mettre les dépens taxés et liquidés à la somme de 61 665,81 euros à la charge de l'une ou l'autre des parties à l'instance. Par jugement n° 1708748 du 25 février 2020, à l'encontre duquel le département des Bouches-du-Rhône relève appel, le tribunal a rejeté cette tierce opposition.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ".
5. Aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal (...) en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. (...) ". Aux termes de l'article R. 761-1 du même code dans sa version applicable au litige : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". Aux termes de l'article R. 761-4 du même code : " La liquidation des dépens, y compris celle des frais et honoraires d'expertise définis à l'article R. 621-11, est faite par ordonnance du président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement ou, en cas de référé ou de constat, du magistrat délégué (...) ". Aux termes de l'article R. 761-5 du même code : " Les parties (...) peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article R. 761-4 devant la juridiction à laquelle appartient l'auteur de l'ordonnance. / Le recours mentionné au précédent alinéa est exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance sans attendre l'intervention de la décision par laquelle la charge des frais est attribuée ".
6. Il est constant, d'une part, que saisi par le département des Bouches-du-Rhône, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a prescrit, par une ordonnance du 17 décembre 2018, une expertise tendant à déterminer l'origine et l'étendue des désordres générés par l'effondrement qui s'est produit dans la cour du collège Mignet, dans la nuit du 22 au 23 octobre 2008, au droit des fondations du bâtiment H à proximité immédiate du chantier d'extension du parking. D'autre part, il est également constant que les frais et honoraires d'expertise ont été taxés à la somme de 61 655,81 euros et mis à la charge du département. Enfin, il résulte de l'instruction que le département des Bouches-du-Rhône n'a pas mis en œuvre les dispositions précitées de l'article R. 761-5 du code de justice administrative, ni engagé une action en responsabilité pour dommage de travaux publics, à la suite du dépôt du rapport d'expertise.
7. En premier lieu, si dans les motifs de son jugement n° 1406223 du 21 juin 2017, devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille s'est appuyé, comme il pouvait le faire, sur les conclusions de l'expert désigné dans les conditions rappelées au point précédent, le litige soumis au tribunal avait pour seul objet d'indemniser la SEMEPA, maître d'ouvrage délégué, des désordres résultant des fautes contractuelles commises par les entreprises intervenant dans le cadre de l'exécution des marchés passés en vue de l'extension et de la réhabilitation du parking Mignet. Si le tribunal administratif aurait bien été compétent pour connaître d'une éventuelle action en responsabilité quasi-délictuelle engagée par le département visant à obtenir réparation de ses propres préjudices sur le fondement des dommages de travaux publics et, dans le cadre de cette instance principale, de conclusions tendant à ce que les dépens soit mis à la charge définitive des sociétés dont les manquements ont été identifiés par l'expert, une telle action aurait constitué un litige distinct de celui dont était saisi le juge du contrat à l'initiative de la SEMEPA. Le département des Bouches-du-Rhône, tiers à ces contrats, n'avait, dès lors, pas à être appelé dans l'instance introduite devant le tribunal administratif. Par ailleurs, en l'absence d'identité de parties et de cause entre l'action en responsabilité quasi-délictuelle que pouvait ainsi engager le département et le jugement n° 1505430 du 19 avril 2016 par lequel le tribunal a annulé, à la demande de la SEMEPA, un titre de recettes émis par le département et correspondant au montant des frais d'expertise en cause, le moyen tiré de l'autorité de chose jugée du jugement n° 1505430 du 19 avril 2016 doit, par suite, être écarté.
8. En deuxième lieu, si dans le cadre de l'instance engagée par la SEMEPA, le tribunal était saisi de conclusions reconventionnelles de la société Bureau Veritas et de la société Soperco France, tendant à ce que la SEMEPA ou toute partie perdante soient condamnées aux entiers dépens dont les frais d'expertise, le tribunal ne s'est pas prononcé dans le dispositif de son jugement sur ce point. Si le tribunal indique dans les motifs de son jugement qu'il n'y a pas lieu de mettre les frais d'expertise " à l'une ou l'autre des parties à la présente instance à laquelle n'a pas pris part le département ", le dispositif de ce jugement se borne à condamner solidairement la société Sefi Intrafor et la société TPDM à verser à la SEMEPA la somme de 28 500,00 euros et, compte tenu de la part de responsabilité incombant à la SEMEPA à hauteur de 5 % des responsabilités, à condamner cette dernière à verser la somme de 5 013,45 euros à la société Sefi Intrafor. Dès lors, le jugement, qui laisse les choses en l'état s'agissant des frais d'expertise, est insusceptible de préjudicier aux droits du département, demeuré étranger à l'instance.
9. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient le département des Bouches-du-Rhône, outre qu'il pouvait mettre en œuvre les dispositions précitées de l'article R. 761-5 du code de justice administrative, il lui était loisible d'engager devant le tribunal administratif une action en responsabilité pour dommages de travaux publics, visant à obtenir, en tant que tiers victime, réparation de ses propres préjudices et, dans le cadre de cette instance principale, de conclusions tendant à ce que les dépens soit mis à la charge définitive des sociétés dont les manquements ont été identifiés par l'expert. Dès lors le moyen tiré de ce qu'il ne disposait d'aucun recours au fond pour obtenir le remboursement des frais d'expertise doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le département des Bouches-du-Rhône n'est pas fondé à soutenir que la situation dans laquelle le tribunal l'aurait placé serait constitutive d'un déni de justice.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le département des Bouches-du-Rhône n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement n° 1708748 du 25 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en tierce opposition dirigée contre son jugement n° 1406223 du 21 juin 2017.
Sur la condamnation à une amende pour recours abusif :
11. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10.000 euros ".
12. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la SEMEPA tendant à ce que le requérant dont, au demeurant, l'appel ne présente pas un caractère abusif, au regard de la complexité du dossier, soit condamné à une telle amende, ne sont pas recevables.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des intimés, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le département des Bouches-du-Rhône. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le paiement des frais exposés par les intimés au titre de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du département des Bouches-du-Rhône est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SEMEPA, de la société Bureau Veritas et de la société Soperco France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département des Bouches-du-Rhône, à la société d'économie mixte d'équipement du Pays d'Aix (SEMEPA), à la société Bureau Veritas, à la société Sefi Intrafor, à la société Soperco France, à Me Vincent De Carrière, liquidateur de la société Travaux Publics démolitions maçonnerie (TPDM), à M. D..., à la SAS Soletanche Bachy Pieux et à la SMABTP.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gilles Taormina, président,
- M. François Point, premier conseiller,
- M. B... Guillaumont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2021.
N° 20MA01703 9