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08/11/2021 | FRANCE | N°20MA00029

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 08 novembre 2021, 20MA00029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 30 juillet 2018 par laquelle le maire de Portiragnes a mis fin à son abonnement sur les marchés de Portiragnes à compter du 21 juillet 2018 et de condamner la commune à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis ainsi que de condamner la commune de Portiragnes à lui verser la somme de 20 720 euros en réparation de l'illégalité de la décision l'excluant du marché de Portiragnes plage et

de la perte de chance d'une cession de son fonds de commerce induite par le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 30 juillet 2018 par laquelle le maire de Portiragnes a mis fin à son abonnement sur les marchés de Portiragnes à compter du 21 juillet 2018 et de condamner la commune à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis ainsi que de condamner la commune de Portiragnes à lui verser la somme de 20 720 euros en réparation de l'illégalité de la décision l'excluant du marché de Portiragnes plage et de la perte de chance d'une cession de son fonds de commerce induite par le transfert de son emplacement sur le marché de Portiragnes plage.

Par un jugement n° 1804009, 1900656 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 janvier 2020 et 12 février 2021, Mme A..., représentée par Me Hiault Spitzer de la SCP Juris Excell, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du maire de Portiragnes du 30 juillet 2018 ;

3°) de condamner la commune de Portiragnes à lui verser la somme de 34 800 euros en réparation des préjudices subis ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Portiragnes la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle n'avait pas intérêt à agir contre la décision du 30 juillet 2018, laquelle n'est nullement confirmative de la décision du 19 juillet 2018 qui avait fait droit à sa demande de réattribution de son emplacement à son successeur dans le cadre de la cession de son fonds de commerce ;

- cette décision du 30 juillet 2018 procède au retrait illégal de l'autorisation d'occupation d'emplacement dont elle était titulaire et dont la commune avait accepté le transfert à son successeur par la décision du 19 juillet 2018 ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit ;

- la responsabilité de la commune est engagée du fait de l'illégalité de la décision du 30 juillet 2018 lui retirant l'autorisation d'occupation de l'emplacement dont elle était titulaire et dont la commune avait accepté le transfert à son successeur ; son abonnement lui conférait un droit sur un emplacement déterminé ; le changement discrétionnaire de cet emplacement a empêché la cession programmée de son fonds ; elle est fondée à réclamer à ce titre une somme de 6 000 euros à la commune ;

- cette décision l'a également empêché de reprendre son activité, entrainant une perte de chiffre d'affaires en 2018, 2019 et 2020 ; elle est fondée à réclamer à ce titre une somme de 28 800 euros à la commune ;

- ces fautes de la commune ont entraîné des tracasseries judiciaires ; elle est fondée à réclamer à ce titre une somme de 720 euros à la commune.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 juillet 2020 et 19 février 2021, la commune de Portiragnes, représentée par Me Gil-Fourrier de la SELARL Gil-Cros, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 30 juillet 2018 sont irrecevables ;

- les moyens soulevés à l'encontre de cette décision ne sont pas fondés ;

- la responsabilité de la commune ne saurait être engagée en l'absence d'illégalité de cette décision et de tout lien de causalité avec les préjudices allégués, qui ne sont au demeurant pas établis.

Les parties ont été informées, par lettres des 18 janvier et 15 février 2021, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire au cours du premier semestre 2021 et que l'instruction pourrait être close à partir du 1er mars 2021 sans information préalable.

L'instruction a été close le 6 septembre 2021, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Balaresque,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Crespy, représentant la commune de Portiragnes.

Considérant ce qui suit :

1. Par la présente requête, Mme A... demande l'annulation du jugement n° 1804009, 1900656 du 5 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant, sous le n° 1804009, à l'annulation de la décision du 30 juillet 2018 par laquelle le maire de Portiragnes a mis fin à son abonnement sur les marchés de Portiragnes à compter du 21 juillet 2018 et la condamnation de la commune à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis et, sous le n° 1900656, la condamnation de la commune de Portiragnes à lui verser la somme de 20 720 euros en réparation de l'illégalité de la décision l'excluant du marché de Portiragnes plage et de la perte de chance d'une cession de son fonds de commerce induite par le transfert de son emplacement sur le marché de Portiragnes plage.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales : " (...) Le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et marchés est défini conformément aux dispositions d'un cahier des charges ou d'un règlement établi par l'autorité municipale après consultation des organisations professionnelles intéressées ". Aux termes de l'article L. 2224-18-1 du même code : " Sous réserve d'exercer son activité dans une halle ou un marché depuis une durée fixée par délibération du conseil municipal dans la limite de trois ans, le titulaire d'une autorisation d'occupation peut présenter au maire une personne comme successeur, en cas de cession de son fonds. Cette personne, qui doit être immatriculée au registre du commerce et des sociétés, est, en cas d'acceptation par le maire, subrogée dans ses droits et ses obligations. (...) La décision du maire est notifiée au titulaire du droit de présentation et au successeur présenté dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. Toute décision de refus doit être motivée ". Aux termes de l'article 8 de l'arrêté municipal n° 55/2018 portant sur le règlement général des marchés en période estivale pris le 4 mai 2018 par le maire de Portiragnes : " L'abonnement procure à son titulaire un emplacement déterminé. (...) Un préavis écrit avec accusé de réception est exigé de tout titulaire d'un emplacement désireux de mettre un terme à son activité dans un délai de 1 mois (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., commerçante de prêt-à-porter, a sollicité et obtenu, par décision du maire de Portiragnes du 9 mai 2018, l'autorisation d'occuper un emplacement pour la saison estivale 2018 du marché de Portiragnes. Par un courrier du 16 juillet 2018, Mme A... a demandé au maire de Portiragnes l'acceptation de son successeur dans le cadre de la cession de son fonds de commerce en application des dispositions précitées de l'article L. 2224-18-1 du code général des collectivités territoriales, en précisant que cette cession était motivée par des problèmes de santé et devait donc intervenir rapidement. Par un courrier du 19 juillet 2018, le maire de Portiragnes a accusé réception de la demande présentée par Mme A... et indiqué accepter la cessation d'activité et le transfert de l'abonnement de Mme A... au successeur présenté par l'intéressée, en précisant que son emplacement lui était réattribué à compter du 21 juillet 2018. Par un nouveau courrier du 30 juillet 2018, le maire de Portiragnes a de nouveau accusé réception de la demande présentée par Mme A... le 16 juillet 2018, en se bornant cette fois à accepter la cessation d'activité de l'intéressée à compter du 21 juillet 2018. Dans ces conditions, la décision du 30 juillet 2018, qui doit être regardée comme retirant implicitement la décision du 19 juillet 2018 en tant que celle-ci faisait droit à la demande d'acceptation de son successeur présentée par Mme A..., n'a pas la nature d'une décision purement confirmative de cette décision initiale. En outre, la décision du 30 juillet 2018, qui procède au retrait d'une décision créatrice de droits, fait grief à Mme A.... Par suite, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. Aux termes de de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ". Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, la décision du 30 juillet 2018 procède implicitement au retrait de la décision du 19 juillet 2018 en tant que celle-ci faisait droit à la demande d'acceptation de son successeur présentée par Mme A... et lui transférait son abonnement à compter du 21 juillet 2018. Cette décision de retrait d'une décision créatrice de droits devait, dès lors, être motivée. La commune ne se prévalant d'aucune illégalité affectant la décision du 19 juillet 2018 de nature à justifier le retrait de cette décision créatrice de droits, Mme A... est fondée à soutenir que la décision de retrait du 30 juillet 2018 est entachée d'une erreur de droit et d'une insuffisance de motivation.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision du 30 juillet 2018.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. L'illégalité de la décision du 30 juillet 2018 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Portiragnes, pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain.

9. Mme A... demande en premier lieu réparation du préjudice financier lié à l'absence de réalisation de la vente de son fonds de commerce au successeur qu'elle avait présenté au maire de Portiragnes. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'attestation rédigée le 1er août 2018 par le successeur présenté au maire par Mme A..., qu'en vertu d'un accord conclu le 16 juillet 2018, le successeur de Mme A... devait lui verser la somme de 6 000 euros en échange de la reprise de son emplacement sur le marché de Portiragnes dans le cadre de la cession de son fonds de commerce. Le retrait illégal de la décision du 19 juillet 2018 par laquelle le maire de la commune de Portiragnes avait fait droit à la demande présentée par Mme A... et accepté le transfert des droits et obligations résultant de l'abonnement de l'intéressée à son successeur, en précisant que l'emplacement dont elle disposait était réattribué à ce dernier à compter du 21 juillet 2018, est directement à l'origine de l'absence de réalisation de la transaction prévue par l'accord conclu entre Mme A... et son successeur le 16 juillet 2018. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à demander la condamnation de la commune à lui verser la somme de 6 000 euros qu'elle aurait dû percevoir en vertu de cet accord.

10. Mme A... demande également à être indemnisée de la perte de chiffre d'affaires résultant de sa cessation d'activité sur le marché de Portiragnes à compter du 21 juillet 2018. Toutefois, par son courrier du 16 juillet 2018, Mme A... avait sollicité l'acceptation de son successeur dans le cadre de la cession de son fonds de commerce, ce qui entraînait nécessairement la cessation de son activité sur le marché de Portiragnes. Si la décision illégale de retrait de l'acceptation de son successeur a entraîné un préjudice dont, ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme A... est fondée à obtenir réparation, elle ne saurait en revanche prétendre à être indemnisée du fait de la cessation de son activité sur le marché de Portiragnes qu'elle avait elle-même sollicitée.

11. Enfin, Mme A... sollicite la somme de 720 euros au titre des " tracasseries judiciaires " qu'a engendrées la décision du 30 juillet 2018. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande de réparation des troubles dans ses conditions d'existence générées par l'illégalité de la décision du 30 juillet 2018 et de lui accorder la somme demandée.

12. Il résulte de l'ensemble ce qui précède que Mme A... est fondée à demander la condamnation de la commune de Portiragnes à lui verser la somme totale de 6 720 euros.

Sur les frais du litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit mis une somme à la charge de Mme A..., qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Portiragnes le versement à Mme A... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La décision du maire de Portiragnes du 30 juillet 2018 est annulée.

Article 3 : La commune de Portiragnes est condamnée à verser à Mme A... une somme de 6 720 euros.

Article 4 : La commune de Portiragnes versera une somme de 2 000 euros à Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Portiragnes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Portiragnes.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Merenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2021.

6

N° 20MA0029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00029
Date de la décision : 08/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-03-08 Collectivités territoriales. - Commune. - Attributions. - Services communaux. - Halles, marchés et poids publics.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS GIL-FOURRIER et CROS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-08;20ma00029 ?
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