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02/11/2021 | FRANCE | N°19MA03055

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 02 novembre 2021, 19MA03055


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 104 337,15 euros en réparation des préjudices subis par lui-même et son père.

Par un jugement n° 1705361 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2019, M. B..., représenté par Me Magrini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner

l'Etat à lui verser la somme totale de 104 337,15 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 104 337,15 euros en réparation des préjudices subis par lui-même et son père.

Par un jugement n° 1705361 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2019, M. B..., représenté par Me Magrini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 104 337,15 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait s'agissant du camp dans lequel a séjourné M. B... ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit dès lors que la loi de 1968 ne pouvait trouver application avant son entrée en vigueur ;

- le point de départ de la prescription correspond à la date à laquelle la jurisprudence a permis aux harkis d'obtenir réparation du préjudice subi, à savoir le 3 octobre 2018 ;

- la prescription quadriennale fait obstacle au droit au recours effectif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l'Algérie, dites " accords d'Evian " ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Prieto premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., né le 18 mai 1951 en Algérie, est le fils D... C... B..., aujourd'hui décédé, arrivé en France en septembre 1967, en sa qualité d'ancien supplétif dans l'armée française, puis rejoint par sa famille. La famille B... a été admise au centre de transit de Saint-Maurice l'Ardoise (Gard) puis a été logée au hameau de forestage de Ginabat à Montoulieu (Ariège) avant d'aller s'installer, à la fin de l'année 1969, à Roubaix. Par courrier du 7 juillet 2017, M. B... a adressé une demande au ministre de l'intérieur tendant à la réparation des préjudices subis par lui-même et par son père en Algérie, puis dans les camps en France, à laquelle le ministre n'a pas répondu.

2. M. B... relève appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 104 337,15 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant des préjudices liés aux conditions de vie dans les camps situés à Saint-Maurice-l'Ardoise et au hameau de Ginabat :

3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ".

4. En premier lieu, l'erreur matérielle commise par le tribunal résultant d'une confusion entre le centre de transit de Saint-Maurice l'Ardoise et celui de Château Lascours à Laudun-l'Ardoise est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée et apparaît également au demeurant dans les écritures du requérant.

5. En deuxième lieu, et comme l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction qu'au départ de la famille B... du hameau de Ginabat pour Roubaix, M. C... B... et M. A... B... étaient en mesure de disposer, dès cette époque, d'indications suffisantes selon lesquelles un dommage aurait pu être imputable à l'Etat français du fait de conditions d'accueil indignes dans le centre de transit de Saint-Maurice l'Ardoise et le hameau de Ginabat entre 1967 et 1969. Ils ne peuvent ainsi être légitimement regardés comme ayant été dans l'ignorance de la créance, dont le point de départ de la prescription ne saurait être la survenance de décisions du juge administratif ayant fait droit à des actions en responsabilité dirigées contre l'Etat par des personnes placées dans des situations similaires à celles de la famille de M. B..., de telles décisions juridictionnelles ne constituant pas le fait générateur de la créance dont M. B... demande l'indemnisation. Ainsi, à la date où ils ont quitté le hameau de Ginabat, M. B... et son père avaient nécessairement connaissance de la faute commise par l'Etat quant aux conditions d'accueil déplorables qui leur avaient été réservées ainsi que du lien de causalité entre cette faute et les préjudices moraux et matériels dont M. B... se prévaut en son nom et en celui de son père. Enfin, si M. B... se prévaut d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence qui seraient continus, de tels préjudices n'existent que lorsque le fait générateur de ce dommage se répète dans le temps, la créance indemnitaire qui se rattache à un préjudice continu devant alors être rattachée à chacune des années au cours desquelles il a été subi. En l'espèce, le fait générateur, à savoir la faute commise par l'Etat du fait des conditions indignes dans lesquelles M. B... et son père ont vécu, a cessé depuis la fin de l'année 1969.

6. En dernier lieu, dès lors que le délai de quatre ans, à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court, et n'a pas eu pour effet de priver le requérant de la possibilité de saisir un tribunal du litige l'opposant à l'Etat, le moyen tiré de ce que ils auraient été privés du droit à un recours effectif ne saurait être accueilli.

7. Aussi, si la responsabilité pour faute de l'Etat doit être regardée comme engagée à raison des conditions de vie indignes réservées à M. B..., la nature et l'étendue des conséquences dommageables de cette faute étaient connues dès 1969, année au cours de laquelle il a quitté le camp. Le requérant, qui est né en 1951, n'était en principe pas majeur en 1969, la majorité étant alors à 21 ans en France, mais, en tout état de cause, la prescription quadriennale était acquise en 2017 lorsque le tribunal a été saisi. Dans ces conditions, la ministre des armées était fondée à opposer, dans ses écritures de première instance, aux conclusions tendant à l'indemnisation de ces conséquences dommageables, la prescription quadriennale prévue par les dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 novembre 2021.

N° 19MA03055 4

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03055
Date de la décision : 02/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Faits n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique - Actes de gouvernement.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : MAGRINI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-02;19ma03055 ?
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