Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre " a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2016 par lequel le maire de Menton a sursis à statuer sur la déclaration préalable de travaux portant sur la mise en place d'une barrière levante.
Par un jugement n° 1700794 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et enjoint à la commune de Menton de délivrer au syndic de copropriété de la résidence " Le Louvre " un arrêté de non-opposition à déclaration préalable, dans un délai de deux mois courant à compter de la notification de ce jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une décision n° 431556 du 20 novembre 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a attribué à la cour administrative d'appel de Marseille la requête de la commune de Menton tendant à l'annulation de ce jugement.
Par cette requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au greffe du Conseil d'Etat le 11 juin 2019 et le 11 septembre 2019, ainsi que par deux mémoires enregistrés au greffe de la Cour le 29 novembre 2019 et le 20 mai 2020, la commune de Menton, représentée par Me Barbaro, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre " devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre " la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre " devant le tribunal administratif de Nice était irrecevable dès lors que le syndic n'avait pas qualité pour agir au nom de celui-ci ;
- l'élaboration du PLU était suffisamment avancée pour lui permettre d'opposer un sursis à statuer sur la déclaration déposée ;
- les autres moyens soulevés par le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre " ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés le 20 janvier 2020 et le 31 août 2020, le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre ", représenté par Me Richard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Menton au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la commune de Menton ne sont pas fondés ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le maire ne pouvait s'opposer à la déclaration de travaux que pour des motifs tirés de l'application des articles R. 111-2 et R. 111-4 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il résulte des articles L. 433-1 et L. 433-3 du code de l'urbanisme que l'installation d'une barrière levante peut exceptionnellement être autorisée sur un emplacement réservé ;
- l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
- le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Copelovici, substituant Me Barbaro, représentant la commune de Menton, et de Me Fonkoué, substituant Me Richard, représentant le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre ".
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 23 décembre 2016, le maire de Menton a sursis à statuer sur la déclaration préalable de travaux déposée, le 17 novembre 2016, par le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre " et portant sur la mise en place d'une barrière levante. La commune de Menton fait appel du jugement du 11 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer au syndic de copropriété de la résidence " Le Louvre " un arrêté de non-opposition à déclaration préalable, dans un délai de deux mois courant à compter de la notification de ce jugement.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Il résulte de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis que le syndic représente le syndicat des copropriétaires en justice. Aux termes de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de cette loi : " Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. / Une telle autorisation n'est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de créance, la mise en œuvre des voies d'exécution forcée à l'exception de la saisie en vue de la vente d'un lot, les mesures conservatoires et les demandes qui relèvent des pouvoirs de juge des référés, ainsi que pour défendre aux actions intentées contre le syndicat. Elle n'est pas non plus nécessaire lorsque le président du tribunal de grande instance est saisi en application des premiers alinéas des articles 29-1A et 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 ou du premier alinéa de l'article L. 615-6 du code de la construction et de l'habitation. / Dans tous les cas, le syndic rend compte à la prochaine assemblée générale des actions introduites. ". Il résulte de ces dispositions que, dans les cas où une autorisation est requise, le syndic, agissant au nom de la copropriété est tenu de disposer, sous peine d'irrecevabilité de sa demande, d'une autorisation formelle de l'assemblée générale des copropriétaires pour agir en justice, habilitation qui doit préciser l'objet et la finalité de l'action contentieuse ainsi engagée.
3. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 20 juin 2015, l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre " a décidé, en son point 21, de faire installer une barrière automatique au bas de l'allée du Louvre dans la mesure notamment où le juge judiciaire avait considéré qu'elle était propriétaire de cette voie. Elle a décidé, en outre, au point 22 de la même délibération, d'autoriser le syndic à engager toute procédure nécessaire devant le tribunal compétent à l'effet de prendre définitivement et matériellement possession de l'allée du Louvre, faire enlever tout véhicule y stationnant sans droit ni titre et faire installer la barrière automatique. La commune de Menton soutient que, telle qu'elle est ainsi énoncée dans le compte rendu de la délibération produit par le syndic, cette habilitation ne présente qu'un rapport indirect avec la saisine de la juridiction administrative pour demander l'annulation de l'arrêté du 23 décembre 2016 par lequel le maire de Menton a sursis à statuer sur la déclaration préalable de travaux portant sur la mise en place de cette barrière. Cette habilitation fait cependant suite à la proposition qui avait été faite en ce sens à l'assemblée générale des copropriétaires, consistant, comme le mentionne ce compte rendu, à délivrer au syndic cette autorisation dans le cas où la ville de Menton s'opposerait à l'installation d'une barrière automatique en bas de l'allée du Louvre. Dès lors que le syndic, agissant au nom de la copropriété de la résidence " Le Louvre " disposait d'une habilitation, même antérieure à l'arrêté attaqué, qui indiquait ainsi de façon suffisamment précise l'objet et la finalité de l'action contentieuse envisagée, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir opposée par la commune de Menton tirée de l'absence de qualité du syndic pour engager cette action au nom de la copropriété.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 décembre 2016 :
4. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. ". L'article L. 424-1 du même code dispose que : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. / (...) Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) ".
5. L'exercice de la faculté ouverte par ces dispositions à l'autorité compétente de surseoir à statuer sur une demande d'autorisation d'urbanisme ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable est subordonné à la double condition que le projet litigieux soit susceptible de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme et que ce dernier ait atteint, à la date à laquelle elle statue, un état d'avancement suffisant.
6. Pour opposer au syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre ", par son arrêté du 23 décembre 2016, un sursis à statuer sur la déclaration préalable de travaux portant sur la mise en place d'une barrière levante, le maire de Menton s'est fondé sur la circonstance que le conseil municipal avait prévu dans le projet de révision du PLU la création d'un emplacement réservé pour la desserte de la résidence du Louvre, portant sur la création d'une voirie en sens unique, sans stationnement, à l'intérieur des jardins de la résidence avec un débouché sur la rue du Louvre, et qu'ainsi, le projet, relatif à la fermeture d'une voie, était de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme.
7. Il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de Menton a prescrit la révision du plan local d'urbanisme par délibération du 22 février 2013 et qu'il a débattu sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) lors de sa séance du 9 novembre 2015. Si la commune de Menton fait valoir que la création de l'emplacement réservé évoqué dans l'arrêté contesté s'inscrit dans l'une des orientations générales du PADD tendant à la réorganisation des conditions de stationnement et de circulation en centre-ville, ni la délibération du 9 novembre 2015, ni aucun autre document n'ont envisagé cet emplacement réservé. Le visa par l'arrêté du 23 décembre 2016 contesté des documents de zonage, règlement et projet d'aménagement et de développement durables prescrits par la délibération du 22 février 2013, d'une part, et la description en des termes identiques de l'emplacement réservé litigieux dans l'arrêté et dans la liste des emplacements réservés annexée au plan local d'urbanisme approuvé, d'autre part, ne démontrent pas davantage que l'état d'avancement du plan avait atteint à la date de cet arrêté un degré d'avancement suffisant pour justifier légalement une décision de sursis.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Menton n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 23 décembre 2016, pour le motif énoncé au point 7, et lui a enjoint de délivrer au syndic de copropriété de la résidence " Le Louvre " un arrêté de non-opposition à déclaration préalable.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre ", qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Menton demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Menton une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre " et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Menton est rejetée.
Article 2 : La commune de Menton versera au syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre " une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Menton et au syndicat des copropriétaires de la résidence " Le Louvre ".
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2021.
N° 19MA05057 4
hw